Dream on

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                 Dédié à CarnetParisien

« Charlie, laisse tomber ce crétin et raboule tes fesses de suite. Ce mec est une tuerie ! »

— Si vous n'avez pas d'assurance médicale, vous comprenez que nous ne pouvons pas le garder.  Ou bien ça va vous couter une fortune, Mademoiselle.

J'écoute d'une oreille à peine attentive le discours du médecin des urgences, tandis que je survole le message que mon amie Sarah vient de m'envoyer. 

— Je sais tout ça, je réponds avec automatisme à un discours que j'ai entendu maintes et maintes fois. Mais comment je vais faire moi, pour m'occuper de lui avec deux boulots ?

— Je peux vous envoyez une assistante sociale si vous voulez, mais elle ne fera pas de miracle. Voyez peut être avec une voisine ! Vous n'avez vraiment aucune famille qui pourrait vous aider ?

Je lui fais non de la tête tout en passant une main sur mon visage, découragée. Je suis épuisée par Ray et toutes ses conneries.

— Quand est-ce que je peux le ramener ?  demandé-je au médecin en coupant court à ses tentatives d'aides improbables.

— Son plâtre doit être à présent sec. Demandez à l'accueil que l'on vous commande une ambulance pour le retour et vous pourrez partir.

— Une ambulance ? je ris presque avec dédain. Vous inquiétez pas pour le transport, Doc. Mes frères vont arriver avec un mode moins onéreux.

— Bien, conclut-il cette entretien impersonnel, balancé à la va-vite, dans le hall des urgences. Bon courage pour la suite, Mademoiselle. Vous savez, il existe de bons programmes de thérapie qui pourraient aider votre père, et...

— Ne vous fatiguez pas, Doc. On croule sous les brochures en tout genre, à la maison. Des cures aux groupes de soutien comme les Alcooliques Anonymes, je crois que mon père les a tous testés et voilà où nous en sommes aujourd'hui. Mais merci de me l'avoir proposé.

Je n'ai guère plus envie de m'étendre sur un sujet que je subis depuis que je suis gamine. Il fut un temps où c'était Helen qui gérait l'alcoolisme de mon père. Puis ce fut le tour de mes frères, et aujourd'hui, c'est le mien. Enfin, ce « aujourd'hui » dure maintenant depuis plusieurs années.

J'envoie rapidement un sms à Allan lui disant de se pointer au plus vite. Je déteste les hôpitaux, et encore plus le service des urgences. L'odeur y est épouvantable, les soignants courent de partout et les malades et leurs proches sont on ne peut plus agités, surtout la nuit. Soit ils hurlent après le personnel ou même entre eux, soit ils pleurent de douleur ou d'inquiétude. Et l'égocentrisme dont ils font souvent preuve me fait arriver à haïr la race humaine. Ici, il n'y a plus de valeurs ou de considération. C'est chacun pour soit. Qu'importe à certains qu'une femme enceinte se présente avec son bébé, la tête coincée entre les jambes, ou qu'un gamin hurle de douleurs parce qu'il a une appendicite ou une plaie par balle. Non, ici, c'est une vraie jungle, et le personnel soignant a bien du mal à gérer la situation. Comme si c'était leur travail premier que de jouer à la milice et de faire régner l'ordre !

Pour ma part, cela fait des heures que je suis ici à attendre. Je sais pertinemment que Ray n'était pas une priorité pour les médecins. Cet ivrogne est tombé dans l'escalier du perron et s'est cassé le bassin ainsi que la jambe droite. Alors mise à part l'urgence de le faire taire tant il criait pour qu'on le soulage, tout le reste a pris un temps infini. Les radios et autres soins comme le plâtrer ont duré des heures. Mais tout ça n'est rien comparé à ce que je vais ressentir quand je recevrai la facture. Merci, Ray ! Mon enveloppe n'est pas prête de gonfler ! D'autant que j'ai dû quitter le Able Market avant l'heure et que j'ai loupé celle d'embauche au Bears Bar. Qu'est-ce qui m'a pris de me noter comme étant la personne à contacter en cas d'urgence ?

Goran ( Sous contrat d'édition chez Black Ink Editions)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant