Le bon, la brute et moi

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Je ne sais comment j'y suis parvenue, mais j'ai fini par m'endormir. Et alors que j'ouvre à peine les yeux, les images d'hier soir m'arrivent avec autant de violence qu'un film d'horreur.

 Al ! Ed !

Je me lève de mon lit et me précipite dans le couloir de l'étage. Je rentre sans prendre les précautions habituelles dans la chambre d'Edgar, mais celle-ci est vide. Je fais la même chose dans celle d'Allan, mais même constat. Mes frères ne sont pas rentrés de la nuit. 

Oh mon dieu ! Mais qu'est-ce que j'ai fait ? 

Un mensonge. C'est tout ce que j'avais à dire. Mentir, comme je sais si bien le faire lorsque cela m'arrange. Il suffisait que je dise à Allan qu'il ne s'était rien passé avec Tony, ou bien que j'étais juste sortie avec lui. Mais non, je n'ai pas pu m'empêcher de tout balancer, ou du moins, de tout lui laisser entendre, jouant ainsi à la pauvre fille qu'il faut secourir. 

J'aurais aussi pu continuer d'éviter. Eviter Tony en le laissant croire ce qu'il voulait, ou en lui tournant simplement le dos. Mais non. Il a fallu que je joue à « Calamity Jane », en voulant faire justice moi-même, avec l'idée de le planter. Complètement grotesque ! Il m'aurait désarmée en moins de deux. Ou simplement, j'aurais dû continuer d'éviter toute cette histoire, comme je le faisais si bien, depuis des semaines. Je n'ai pas envie d'être une victime et de laisser ce qui s'est passé donner le sens à ma vie, celui de la pauvre fille violentée, cloitrée chez elle. 

Je pensais même être parvenue à positiver la chose, en faisant naitre de cette « expérience »,  un objectif de taille : me barrer d'ici. Dans cette nouvelle vie, j'aurais rencontré de nouvelles personnes, je me serais inventé un passé, une identité, j'aurais trouvé des boulots différents de ceux que je fais ici ... Sauf que voilà, je viens de tout foutre en l'air. Comme d'habitude.

Je viens de briser mon échappatoire, en condamnant mes frères, et par là- même, en me condamnant moi aussi.

Lorsque je me rends compte que je viens d'accorder suffisamment de mon temps à la pleurnicherie, je me concentre et focalise toutes mes pensées sur la recherche de mes frères.

Je me prépare rapidement et descends pour sortir. Aucune surprise, Ray est à son poste, mais il n'est pas seul. Une femme est avec lui. Je devine aisément qu'elle a les mêmes aspirations que lui dans la vie, tant son visage est bouffi par l'alcool. Elle est assise à côté de lui, la main sur sa cuisse. Je n'ai jamais vu cette blondasse, mais pour ce que j'en ai à foutre de savoir qui elle est ! Et au contraire, elle me permet de partir d'ici sans culpabilité de laisser Ray à son auto-gestion.

— Ray, est-ce que tu as vu Allan et Edgar ? lui demandé-je tout en passant mon blouson.

— Charlie, tu pourrais dire bonjour à mon amie ! Voyons, qu'est-ce que je t'ai appris, ma fille adorée ?

— Mais ouais, c'est ça. Salut, dis-je tout de même à la blonde, jaune pisse. Est-ce que tu les a vus, Ray ?

— Non. Je te présente Angie. Angie, dis bonjour à ma fille.

— Bonjo...

Mais je suis déjà partie, ne laissant pas le temps au sac d'os de finir ses salutations.

Une fois dehors, j'attrape mon téléphone et tente de joindre pour la cinquantième fois mes frères. Mais aucun ne me répond. Je laisse toujours le même message, les suppliant de me rappeler. 

J'ai la gorge nouée et je suis tellement anxieuse que mon corps est aussi douloureux que si j'avais courus des kilomètres. Les scénarios les plus catastrophiques me traversent l'esprit. Je vois mes frères, criblés de balles, égorgés, brûlés, découpés, bouffés par des chiens, et à présent, je retiens comme je peux mes larmes. 

Goran ( Sous contrat d'édition chez Black Ink Editions)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant