An extraordinary Girl

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                                                                           Dédié à JuNaGa

Je m'appelle Charlie.

Un prénom qui prête à confusion, et à vrai dire, j'adore ça. Fille ? Garçon ? Sûrement un peu des deux. La faute à qui ? À mes parents ? Mes frères ainés ? Sûrement un peu des deux.

La famille, parlons-en !

Ma mère, Helen , ou du moins devrais-je dire, ma génitrice , avait deux passions dans la vie : les hommes et Edgar Allan Poe. Le rapport ? Aucun.

Sa première passion l'a conduite aussi loin qu'une mère de famille pouvait aller ; à savoir, des années que nous n'avons pas vu cette « garce ».

La seconde a donné à mes frères jumeaux de chics prénoms : Edgar et Allan, ce qui est tout de même tordant quand on voit où on crèche et le niveau socio-culturel dans lequel nous évoluons ! Sans parler du comportement si peu élogieux de mes voyous de frères.

En tout cas, une chance que je sois née « fille », parce que sinon Helen m'aurait sûrement appelée « Poe ». Et commencer sa vie avec un prénom de Teletubbie, ça craint !

Mais en y réfléchissant, je dois certainement le porter en l'honneur discutable d'un de ses nombreux amants, ou pire, celui du du type qu'on ne voit jamais dans Drôles de Dames, parce qu'Helen adorait cette série. Pour le coup, c'est beaucoup moins chic, hein ? Mais je m'en fous, parce qu'au final, même si je ne l'ai jamais avoué à Helen, j'aime mon prénom.

Mon père, c'est Ray. Un bon à rien, qui lui n'a aucune passion. Rien. C'est d'ailleurs comme ça que mes frères et moi l'appelons : « R2 ». Et rien à voir avec le petit robot de Star Wars, mais tout à voir avec le « Rien de Ray », un double R pour un double « ne fait rien, ne dit rien ». Ah si, pardon ! Il cuve son whisky affalé devant son poste de télé, et n'ouvre sa bouche que pour nous insulter.

Un an. Je me donne un an, pour dégager d'ici. Je cumule les jobs à la noix et mets ce que je peux de côté pour me tailler de ce trou à rats, parce que si je reste là, je vais finir par en crever. Vers l'ouest, vers l'est, là où il fait chaud ou froid, peu m'importe. Dès que je tombe sur une photo de ville ou de paysage dans un magazine, je la découpe et la colle sur les murs crasseux de ma chambre. Et le soir venu, je regarde les images depuis mon lit, et j'imagine... Je ne suis pas une rêveuse, ça non. Plus terre à terre que moi, on ne fait pas. Mais l'imagination, ça, c'est mon truc. Y a pas mieux pour vous sortir des plans foireux qu'une bonne imagination. Et les plans foireux, on peut dire que c'est mon quotidien ; comme un chakra bien incrusté dans mon être.

Je ne suis pas une défaitiste non plus. C'est bien pour ça que je compte bien abandonner tout ce merdier qu'est ma vie, et marcher vers un avenir plus prometteur.

Un an. J'ai un an pour économiser, trouver une destination et donner un sens à ma vie. Pas facile quand on a pas fait d'études et qu'on a même aucun diplôme. Non pas que je sois pour autant une fille stupide, car si j'avais pu ou voulu - ou beaucoup des deux - j'aurais pu aller à l'université, mais parfois, la vie est faite de déconvenues, et les embûches s'accumulent et s'accumulent encore, jusqu'à vous barrer la route. Et mes premières embûches s'appellent Helen et Ray. 

Bon sang, j'ai l'air d'une chialeuse qui passe son temps à pleurer l'enfance heureuse qu'elle n'a pas eu et à déblatérer sur ô combien ses géniteurs ont brisé ses espoirs de devenir une adulte accomplie, blablabla..., mais en fait, je prends juste les choses comme elles sont réellement : Je vis dans un endroit pourri, j'ai la famille la plus cassos qu'on puisse avoir et je n'ai jusqu'à présent rien construit. Alors deux solutions et seulement deux s'imposent à moi : Je reste ici et continue de subir jusqu'à finir comme mes voisines, une junkie qui vend son corps pour se payer ses shoots, ou je me bouge et vais voir le plus loin possible, pour construire une vie qui n'appartienne qu'à moi.

Goran ( Sous contrat d'édition chez Black Ink Editions)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant