Car il est rarement docile.

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Marie était assise sur une chaise, dans la fameuse salle du Cristal, après trois jours de convalescence à l'infirmerie. Une belle quantité de monde s'était réunie pour parler de son cas autour de la renarde. Quatre jeunes hommes étaient en discussion animée tout en lui jetant des regards furtifs de temps à autre. Un blondinet, à la tenue échancrée sur le torse, prit la parole suffisamment fort pour qu'elle puisse l'entendre.

« Il est évident que nous ne pouvons pas la laisser ici. Autant la tuer tout de suite. »

La dryade n'était pas vraiment en état de réfléchir pour le moment, elle ne répliqua même pas alors que la dirigeante se manifestait avec hargne.

« Je n'obligerais aucun de mes gardiens à partir en mission pour une faelienne alors que nous manquons cruellement de monde et qu'il y a tant d'autres priorités. »

Un borgne aux cheveux noirs hirsutes, vêtu de curieux vêtements semblants d'inspiration asiatique, se prononça avec moins de rigidité.

« On n'a qu'à demander un volontaire. Si personne ne se propose alors elle n'a qu'à rester ici. Le cas contraire, elle se débrouillera avec son volontaire. »

C'est un homme aux oreilles pointues doté d'une longue natte bleue qui surenchérit.

« Ne peut-on pas simplement l'amener à nos frontières et la laisser se débrouiller ? A quoi bon s'en occuper alors qu'elle n'est visiblement pas enchantée d'être ici ? Elle trouvera une myriade de forêts à la frontière et ses arbres se débrouilleront pour la protéger.

- Tu n'es pas très magnanime pour un elfe, c'est une créature de la forêt tout comme toi.

- Ne remets pas sur le tapis ces vieux clichés sur les elfes accros à la forêt Valkyon. Tout comme tu n'as pas à compatir avec les faeliens simplement par ce qu'ils sont comme toi, je n'éprouve aucune sympathie naturelle pour ce qui sort de la forêt. »

Le dénommé Valkyon était pourvu de longs cheveux blancs et d'une musculature impressionnante. Ses yeux dorés semblaient presque fait d'ambre, comme ceux de Marie.

« Il n'empêche que Nevra a raison, laissons les gardiens décider eux même du choix à faire.

- Vous êtes bien trop tendres, marmonna l'homme aux cheveux bleus. »

Le blond sourit face à cette remarque acide avant de reprendre la parole.

« Recentrons-nous sur le sujet, quelqu'un est-il opposé à cette solution ? »

Le sceptique balaya cette remarque d'un geste de la main alors que la renarde semblait pensive.

« Faites comme vous voulez, lâcha-t-elle de mauvaise grâce, si un gardien est assez serviable pour se lancer là-dedans alors soit. »

L'elfe n'était définitivement pas en la faveur de Marie mais la discussion ne se poursuivit pas plus longtemps en sa présence qui, au final, n'avait été que décorative. La chef des gardes se présenta devant-elle, un regard froid plaqué sur son visage.

« Comme tu l'as entendu, nous allons proposer à nos gardiens la possibilité de t'escorter mais, si aucun ne le souhaite, tu devras rester ici. Est-ce que ça te convient ?

- J'imagine que oui. »

La jeune fille n'avait pas vraiment d'autres choix en perspective.
Son regard s'attarda un instant sur l'immense gemme bleue à l'allure si écrasante. Sa base était massive et pourtant, elle pouvait constater les ravages qu'on lui avait relaté, plus son regard montait, plus il semblait hérissé et brisé. Sa surface irrégulière captait les rayons de lumière et renvoyait une image presque triste à la faelienne. Elle aurait aimé laisser ses doigts courir sur sa surface ébréchée, mais n'avait aucun doute sur l'idée de finir à nouveau aux cachots si elle s'y tentait. La dryade poussa un soupir qui se mua en hoquet de surprise ; une énorme main venait de se poser sur son épaule. Deux yeux porcins la dévisageaient d'un air vaguement interrogateur. Elle comprit que l'heure de contempler venait de se terminer, l'emprisonnement recommençait. L'homme phacochère la raccompagna jusqu'à sa chambre, la soulevant du sol avec aisance alors qu'elle se laissait balloter contre son épaule, comme une enfant.

Quand les choses s'écorçent.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant