Attendues avec impatience excepté par l'intéressé.

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Marie observait le jeune homme écailleux avec attention. La veille, il lui avait causé une belle frayeur et maintenant, il était plus distant que jamais. Elle surprenait de temps à autre un regard glacial à son intention, sans réellement comprendre ce qu'il pouvait actuellement se passer dans la tête du saurien. Tous ses compagnons de route semblaient d'ailleurs lourdement se méprendre sur cette froideur nouvelle. C'est lors d'une pause que Saan lança sa réflexion avec une totale décontraction.

« Vous devriez aller au bout de votre promenade la prochaine fois, ça ira mieux après.

Incertaine de la signification de ce début de phrase, il n'en fallut pas plus à Marie que la tirade suivante.

« Ce que vous pouvez être coincés vous les jeunes de nos jours. »

La dryade ne put s'empêcher de rougir à l'idée d'une telle méprise et se félicita de l'absence de Chris. Si la discorde avait été causée par un sujet aussi trivial, la jeune fille n'aurait pas eu tant à s'inquiéter. Pour le moment, elle se demandait si le gardien allait la dénoncer dès leur retour dans les murs de la cité. Si la dryade avait pris plus au sérieux l'avertissement de la femme pieuvre, rien de tout cela ne serait arrivé. A vrai dire, elle se voilait la face. Au fond de son esprit, la faelienne savait bien que cette maladresse avait été commise uniquement parce que la confiance était née entre le lézard et elle. C'était maintenant qu'elle subissait le retour de flamme, le lézard n'était pas si dévoué qu'il tentait de le faire croire. Piétinant sauvagement un galet pour apaiser sa frustration, Marie se demanda pourquoi elle se sentait aussi trahie par la réaction de Chris.

Lorsque le soir est venu à nouveau, c'est le jeune homme qui a annoncé vouloir se promener en forêt. Le message était clair, elle y était conviée de force. Le roucoulement agaçant de Saan lui fit lever les yeux au ciel. Silencieuse, la dryade se laissa guider jusqu'à une clairière assez éloignée de leur campement pour qu'ils y discutent sans s'inquiéter d'oreilles indiscrètes. Le jeune homme faisait les cent pas, mais ne semblait pas disposé à ouvrir le dialogue.

« Quel est le problème exactement ? le questionna-t-elle. »

Il se figea en entendant ces mots.

« Quel est le problème ? Tu oses me demander une chose pareille, s'insurgea-t-il. La question est plutôt comment es-tu au courant de l'existence d'Ahaztu ? »

Maintenant qu'il le prononçait, ce nom avait quelque chose de familier. Sans doute avait-il été prononcé par la Kraken.

« C'est-à-dire que j'avais promis de ne pas le dire. Tant que je ne sais pas exactement ce que tu vas faire de ces informations, je ne sais pas si j'ai envie de t'en parler. »

Un bruit sourd échappa au saurien qui s'était remis à marcher de long en large.

« Je ne sais pas encore ce que je vais faire à propos de ça. »

Crachant ses paroles avec colère, il semblait effectivement en plein dilemme existentiel.

« C'est si grave si tu ne dis rien ?

- Je suis membre de la garde étincelante, je suis soumis à un code d'honneur. C'est un secret bien gardé que tu as découvert. C'est même assez impressionnant car tu es restée enfermée la quasi-totalité du temps. A quel moment as-tu... »

Se rappelant sans doute que la faelienne ne dirait rien, il pesta contre le sort.

« Cette fois, c'est moi qui ai besoin de savoir si je peux te faire confiance. Ce secret sera-t-il bien gardé avec toi ?

- Je le sais depuis un certain temps et il n'y a qu'à toi que j'en ai parlé. On m'avait déjà mise en garde. »

Un peu rasséréné, le gardien ralentit enfin son pas de course. Soucieuse de détendre l'atmosphère pour repartir sur de bonnes bases, Marie tenta une diversion.

Quand les choses s'écorçent.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant