Jusqu'aux tréfonds de son âme.

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Après sa tirade coupante, la femme renarde avait laissé planer les questionnements de Marie. Hélant Jamon pour qu'il vienne récupérer sa chaise, elle s'était retournée vers la faelienne une ultime fois avant de disparaître dans les escaliers.

« Tu as toutes les informations nécessaires pour prendre une décision. Je repasserai dans quelques jours pour entendre ta réponse. Sache simplement que ton obéissance devra être inconditionnelle si tu envisages de sortir d'ici. »

La dryade pouvait presque sentir l'épée de Damoclès qui planait au-dessus de sa tête. Toutes ces histoires d'entraves psychiques ne lui inspiraient rien de bon. Si celle de Chris avait été fêlée, c'était bien malgré elle. Le gommeur, Ahaztu, avait diagnostiqué que ce pouvoir se développerait mais en vérité qu'en savait-il ? Marie pouvait tout aussi bien ne jamais réussir à maîtriser quoique ce soit.

« Est-ce que vous aussi vous êtes sous entrave ? »

La voix de la jeune fille résonna vers l'étendue d'eau sous ses pieds.

« Pour quelqu'un d'aussi fier, vous m'avez l'air bien prisonnière. »

Ricanant, la faelienne s'appuya lourdement contre les barreaux métalliques de sa prison. Une secousse brutale la fit chavirer sur le flanc, et son sourire s'étira.

« Ne me parle pas comme si tu savais tout. Je ne suis pas sous entrave, on ne m'infligerait aucune entrave sans mon consentement, vociféra la kraken.

- C'est sans doute ce que beaucoup de gardiens aimeraient croire là-haut.

- C'est une réalité. Je peux sentir ce genre de chose. J'ai su pour toi. »

A cela, la dryade n'avait rien à répondre. Il était vrai que la femme pieuvre avait deviné avant tout le monde sa spécificité.

« Comment aviez-vous deviné ?

- Chaque faelien venu de Terre arrive dans un lieu qui en dit long sur son métissage et les dons qu'il possédera. Un lieu de sûreté.

- Vous voulez dire que ce n'est jamais un hasard ?

- Jamais. Une forêt de mange-songes n'ayant rien d'hospitalier, tu ne pouvais qu'y être profondément liée. L'essence des arbres te collait à la peau et tu n'aurais pu y être acceptée si tes souvenirs avaient pu être volés. »

Soudain, une constatation émergea dans l'esprit de la jeune fille.

« Uniquement des faeliens ? Il n'y a jamais eu d'humain ici ?

- Jamais. »

Elle aurait voulu demander comment la géante des mers avait acquis tous ces savoirs mais des gravillons dévalèrent sur les pavés de l'escalier. La kraken se fondit immédiatement dans les eaux troubles alors que le sourire éclatant d'Huang apparaissait au coin de son champ de vision. Il semblait détendu, joyeux, comme à son habitude. Un plateau repas entre les mains, l'ombre s'avança jusqu'à sa cellule.

« Livraison de repas, s'exclama-t-il joyeusement. J'espère que tu as faim. »

Joignant le geste à la parole, il déposa successivement, une jarre d'eau, un bol de riz et une portion de ce qui semblait être des légumes bouillis.

« Il te reste du papier ? »

Jetant un œil morne sur son pot d'aisance, la jeune fille hocha de la tête. Ça avait été un bien mauvais moment que de devoir aller aux toilettes lorsqu'elle n'était pas seule. La solitude avait au moins le mérite de ménager sa pudeur.

« Il n'y a plus qu'à espérer qu'on te fasse sortir bientôt pour que tu puisses prendre un bain. »

Reniflant exagérément, il se boucha le nez en grimaçant.

Quand les choses s'écorçent.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant