La crise de nerfs n'est pas loin.

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Il n'était pas bien difficile de trouver un objet coupant dans un lieu envahit par des guerriers de toutes sortes. Ce qui était nettement moins évident, c'était d'en trouver un de libre. La jeune fille s'était rendue jusqu'à la salle d'entraînement des obsidiens en pensant pouvoir y chaparder quelque chose d'utile, mais Balgard gardait l'œil ouvert sur l'armurerie. Impossible de passer outre son aval pour subtiliser quoique ce soit.

Appuyée contre une statue de marbre nervurée de filaments de rubis, Marie soupira en observant ses pairs manier lances et épées. Des cris de lutte alourdissaient l'atmosphère déjà saturée par le choc des lames. Les odeurs de transpirations côtoyaient celle de la craie utilisée pour se sécher les mains, empêchant ainsi la garde des armes de devenir trop glissante. L'homme fauve aboyait ses ordres plus fort encore, tantôt pour féliciter, tantôt pour réprimander un gardien en plein duel.

Philénor, l'homme bouc, était aussi présent. Il semblait absorbé par le nettoyage de son bouclier, le lustrant d'une main experte sans même remarquer sa présence. Comprenant que rien ne se passerait tant qu'elle ne bougerait pas, la dryade s'avança vers son ancien maître d'arme.

« Bonjour, lança-t-elle sans parvenir à se détendre suffisamment pour avoir l'air naturel. »

Le tigre baissa la tête vers elle en plissant les yeux avant d'arborer un sourire enjoué, tout en crocs.

« J'ai appris que j'étais débarrassé de toi parce que tu avais eu une promotion, déclara-t-il avec amusement. Tous ces séjours aux cachots n'ont finalement pas été si inutiles. »

Haussant un sourcil, la faelienne ne sut pas quoi répondre tant cette remarque lui sembla inappropriée. Même sans être au courant de la vérité, l'obsidien aurait dû se douter que quelque chose ne tournait pas rond. Ou bien, il était l'une des nombreuses victimes d'Ahaztu. Elle ne voulait pas spécialement savoir quelle hypothèse était la bonne.

« Sans doute, lâcha-t-elle d'une voix grinçante en souriant à demi. Est-ce que je pourrais vous emprunter un couteau de petite taille ? »

La méfiance revint au grand galop chez l'immense félidé qui vit son front se consteller de rides plissées.

« Je ne suis plus ton supérieur direct, je ne peux donc pas refuser cette demande mais j'en référerai à la garde étincelante dans mon rapport hebdomadaire.

- Aucun problème, comme vous voulez. »

Il attendit une seconde avant de s'exécuter face à Marie qui n'espérait qu'une chose ; que la discussion se termine rapidement. La poigne massive du gardien lui tendit ce qu'il présenta comme un poignard à lame incurvée. Le poids du métal contre sa paume surprit la dryade. C'était beaucoup plus massif qu'elle ne se l'était imaginé, mais ça ferait l'affaire. S'apprêtant à partir, Balgard l'apostropha pour lui lancer un fourreau que ses mains rattrapèrent maladroitement. Il aurait sans doute été compliqué de se promener lame à l'air. Après avoir remercié son ancien mentor, elle s'éclipsa dans les couloirs.

Il lui fallait maintenant un récipient propre, car elle avait dès le départ exclu d'utiliser la vieille jarre se trouvant dans sa chambre. Durant ses investigations, la jeune fille avait découvert l'existence d'une salle d'alchimie, nul doute que moult fioles en tout genre s'y trouveraient. Le pas assuré, la dryade s'y rendit presque joyeusement. Retrouver sa liberté de mouvement était plus qu'appréciable.

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Passant la tête par l'entrebâillement de la porte, Marie laissa échapper un bruit impressionné. Un immense plan de travail était suspendu au plafond par de multiples chaînes reliées à d'énormes morceaux de métal flottant. En regardant mieux, elle aperçut des flammes bleues brûler à leur sommet. Était-ce des machines ou des objets enchantés ? Impossible de le savoir.

Quand les choses s'écorçent.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant