On ne peut s'y soustraire.

3 2 0
                                    

Retourner dans la salle des portes du quartier général intimida Marie plus qu'elle l'aurait cru. Son lien avec la forêt crépitait presque alors qu'elle ressurgissait enfin des profondeurs de l'enfer puant des douves.

« Sœur dryade, s'enthousiasmèrent les arbres. Nous sommes heureux de te revoir.

- Moi aussi, déclara-t-elle avec un bonheur qui l'étonna elle-même. »

La nuit était tombée depuis quelques heures à l'extérieur. Un silence presque religieux régnait dans le grand hall alors que les compagnons s'étaient dirigés vers le garde à manger. Marie arracha les souvenirs des gardes et badauds à distance, surprenant ses compagnons par la portée atteinte par son pouvoir. Les souvenirs se bousculaient violemment dans son esprit lorsqu'elle s'en emparait par vagues.

Elle voyait les gardes chuchoter et sentait la panique qui les envahissaient lorsqu'ils avaient eu le temps de l'apercevoir. Aucun n'aurait jamais le temps de sonner l'alerte ; il ne restait que des corps immobiles, vidés de tout esprit, lorsque le groupe se déplaça.

La porte de l'ascenseur grinça en s'ouvrant lorsqu'ils eurent atteint le fond du garde-manger. Marie fut traversée par le souvenir de sa fuite, voici qu'elle revenait en conquérante.

« S'il y a autant de monde que la dernière fois, j'aurais sans doute besoin de soutien après avoir absorbé autant de souvenirs d'un seul coup.

- Je serais là, lui assura Chris. »

Et la cabine entama sa descente.

Le lézard, la goule, les deux gommeurs et elle, tous étaient dans un état second face à cette nouvelle page que l'histoire allait écrire. Les portes s'entrouvrirent mais elle attendit quelques instants, rassemblant son pouvoir alors que des cris d'alarme étaient poussés dans un rugissement général. Sa peau luisit férocement alors que les souvenirs étaient arrachés sauvagement à leurs propriétaires et que le silence s'imposait soudain en maître.

Les jambes de la jeune fille flageolèrent mais elle tient bon, Chris la secondait d'une main dans le dos. Elle lui lança un ultime sourire avant de s'avancer vers l'immense Cristal bleu qui trônait au centre de la pièce.

Krev sauta dans l'eau avec un cri de joie pour avertir la kraken de leur réussite et celle-ci ne tarda pas à émerger péniblement avec son chargement. Le nouveau Cristal était presque aussi gigantesque que son homologue, sa teinte violacée rayonnant dans l'éclairage spectral de la pièce. Chris et Krev s'empressèrent d'aider la femme pieuvre à décharger son fardeau. La kraken semblait à bout de force et elle s'avança en se demandant si elle allait devoir mettre la main à la patte lorsqu'un choc violent lui transperça le flanc.

Ses yeux papillonnèrent un instant alors qu'un deuxième choc lui clouait l'omoplate.

Une douleur insoutenable lui coupa le souffle.

« Qui l'eut cru, s'amusa une voix grave, presque désincarnée. Qui eut cru que les descendants trahiraient leurs propres ancêtres. »

Marie se retourna avec peine pour apercevoir un être ailé. Un grand blond au torse dénudé qu'elle connaissait bien sous sa forme habituelle de bipède terrestre ; Leiftan, le conseiller de Miiko qui l'avait poussé à dérober les souvenirs d'Arcus. Elle le dévisagea avec difficulté, sa vue était trouble. Il arborait des cornes de démons et des ailes noires de jais. La jeune fille laissa échapper un rire amusé alors que Chris poussait un hurlement en voyant le sang s'écouler à gros bouillon de ses blessures.

« Je savais que c'était trop facile, hoqueta-t-elle. »

Le jeune homme se posa devant-elle avec souplesse. Il récupéra l'arme qui s'était logée dans son épaule en lui tirant un râle de douleur, et une nouvelle gerbe de sang.

Quand les choses s'écorçent.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant