Où celui qui est caché n'est pas forcément en sécurité.

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Quelle surprise pour les compagnons de voyage lorsqu'ils étaient tous revenus au point de ralliement et que, tour à tour, force avait été de constater que Marie et Saan avaient tout bonnement disparu. Si seulement ils avaient su que, quelques dizaines de mètres plus loin, se trouvait une auberge en pierre, ornée de beaux volets blancs, et qu'au fond d'une de ses caves ; se trouvaient les deux disparues.

« Il faut que tu nous sortes de là Saan, déclara la jeune fille dont l'imagination s'était un peu trop emballée, est-ce qu'ils vont nous tuer ? Ou peut-être nous vendre ou...

- Mais tu vas te taire un peu oui, asséna la sirène avec morosité.

- Qu-quoi ?

- A quoi est-ce que ça sert de se lamenter comme ça ? S'ils doivent te tuer qu'ils te tuent. Pour le moment, je réfléchis alors mets la un peu en veilleuse. »

Les lèvres pincées, la faelienne se demanda si la gardienne était sérieuse. Comment pouvait-elle agir comme ça alors qu'elles étaient dans une telle situation d'urgence, ça la dépassait. Tirant sur ses liens avec force, il devint rapidement évident qu'à part se blesser ça n'aboutirait à rien. Son regard ambré passa d'étagère en étagère, rien de très utile ne s'y trouvait à première vue à part des sacs. Un escalier en pierre remontait vers la surface mais une trappe solide en verrouillait l'accès. Les ogres avaient déplacé une lourde armoire pour les y faire descendre, il y avait de fortes chances qu'ils l'aient replacée en partant. Le boucan qu'elles avaient entendu l'indiquait assez fiablement.

Ses deux bras étaient attachés dans son dos et ses chevilles l'une avec l'autre. Son écorce avait d'ailleurs été rudement malmenée, des sillons s'étaient creusés là où la corde avait été serrée avec un peu trop de force. Ses pieds n'avaient pas récupéré de son échappée du QG et voilà qu'à présent on tentait presque de l'amputer. Alors qu'elle pensait à ses jambes, son esprit fit tilt à propos de la sirène.

« Tu ne peux pas te retransformer en sirène ? Si tu n'as qu'une queue tu pourras te détacher ! »

Le regard morne que lui jeta Saan lui annonça d'avance que quelque chose devait clocher dans son plan.

« Mes jambes vont fusionner l'une avec l'autre, est-ce que tu veux que je t'explique ce que ça va faire à ma queue quand deux bouts de cordes seront plantés en plein milieu ? »

Grimaçante, la dryade secoua la tête. Cette idée n'était pas si bonne que ça.

Le temps passa sans qu'elles n'échangent un mot l'une avec l'autre. La panique gagnait du terrain dans l'esprit de Marie qui commençait à souffrir de ses liens. Bien qu'une partie de cet incident soit directement lié à l'Obsidienne aux cheveux rouges sombres, elle ne pouvait pas nier avoir elle-même proposé de se rendre à la taverne. Si la jeune fille avait eu un peu plus de jugeote, l'idée d'attendre le groupe aurait été une évidence dès le début.

Lasse d'attendre dans le silence, la faelienne se mit à chantonner un des airs que le Purrekos entonnait à la nuit tombée dans sa carriole. Sa voix ne sonnait pas totalement juste mais possédait une certaine harmonie, aussi, la sirène ne se plaignit pas de cette soudaine nuisance sonore qui avait le mérite de briser la monotonie du silence. C'est au troisième air qu'elle entamait qu'un bruit sourd annonça l'arrivée imminente des ogres. Quelqu'un était en train de tirer l'armoire à la surface.

« Qu'est-ce qu'on fait Saan ? paniqua la jeune faelienne.

- On attend et on voit ce qu'il va se passer. »

Le bruit de la trappe ouverte avec fracas contribua à accélérer le rythme cardiaque des deux captives. Une poignée de secondes plus tard, deux colosses à la peau grise attrapèrent la dryade sous les épaules pour la remonter à la surface. Ruant comme une forcenée, elle ne put rien faire d'autre que se laisser porter comme une poupée alors que l'Obsidienne hurlait des obscénités à ses kidnappeurs. Tandis qu'un des deux ogres remettait l'armoire en place, le second lui intimait en quelques mots de ne pas faire un seul bruit. La menace était bien passée, aussi la jeune fille osait à peine respirer en attendant la suite des événements. Elle eut une brève pensée pour Saan, qui s'effaça peu à peu au gré des battements affolés de son cœur.

Quand les choses s'écorçent.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant