Entre faeliens et faeliennes perdus.

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Le faelien qui l'accueillait chez lui était un vieil homme bouc. Il avait l'air avenant mais quelle ne fût pas la surprise de Marie lorsqu'il enlaça une femme d'âge similaire à la peau verte, fripée et recouverte d'arabesques. Celle qui était visiblement sa compagne avait des cheveux végétaux composés de mousse d'un vert tendre. Le faelien invita les deux jeunes gens à prendre place sur un salon d'extérieur improvisé. Plusieurs tables rondes étaient accolées, recouvertes de plats divers, et nombre de chaises étaient déjà occupées. Comptant mentalement, Marie dénombra pas moins de six convives en comptant ses hôtes. Huang n'avait visiblement pas souhaité venir à cette rencontre. Prenant timidement place, la jeune fille se sentit observée avec insistance. Donnant un léger coup de fourchette sur son verre, le faune capta l'attention de tous.

« Marie, nous avons beaucoup entendu parler de toi. »

Ne sachant pas si l'homme faisait allusion à ses récents exploits, elle préféra ne pas relever.

« Je me nomme Bradley, je suis natif d'Angleterre. Présent sur les terres des faeries depuis bientôt quarante-deux ans et j'en ai soixante-cinq depuis quelques mois, tirant son épouse par la main, il poursuivit. Et voici ma femme, Nheema, native d'Eldarya, c'est une nymphe tout comme toi, même si vous ne partagez pas le même habitat naturel. »

La dryade plissa les paupières alors qu'elle avait l'impression qu'on parlait de son espèce comme de celle d'un animal sauvage. Mais intérieurement, elle ne put que se féliciter de ne pas être une nymphe verte.

« Deux des nôtres manquent à l'appel mais je suis sûr que tu les rencontreras bien assez tôt. Je laisse la parole à mes autres camarades pour qu'ils se présentent en bonne et due forme. »

Notant dans un coin de son esprit que le vieil homme excluait Huang de son calcul des absents, le regard ambré de Marie détailla rapidement les convives. Une femme à la peau d'ébène, elle aussi d'un âge indéfini, arborait des ailes diaphanes de libellule. Il se dégageait d'elle un charme et une prestance envoûtante. Sur la chaise suivante, un jeune homme, ressemblant à s'y méprendre à un ogre, semblait irradier de joie. Seul son nez n'avait pas l'apparence porcine habituelle. Défenses, oreilles pointues et teinte de peau grisâtre, la jeune fille pouvait clairement parier que du sang d'ogre coulait bien dans ses veines. Le suivant était encore un ancêtre, à croire qu'on ne pouvait qu'être jeune ou au bord de la mort pour venir à Eldarya. De stature massive, l'homme arborait une teinte de cheveux entre le blond et le blanc, des yeux d'un bleu translucide, des oreilles un peu trop pointues et velues mais rien d'autre de bien significatif, mis à part qu'il était plus stoïque qu'une statue. Le dernier convive avait l'air beaucoup plus jeune, peut-être à cause de ses traits fins. Doté d'oreilles d'elfe, il portait une longue natte blanche tressée sur son épaule mais le plus troublant, c'était ses yeux. La totalité de ses globes oculaires était d'encre. Plus un millimètre de blanc ne s'y trouvait.

« Je vais commencer ! »

Détournant les yeux du garçon aux yeux charbon, Marie se concentra sur le faelien porcin qui mourrait visiblement d'envie de se présenter.

« Je m'appelle Rajmund, je suis un faelien au sang d'ogre. »

Triomphante, la dryade s'attribua un point mentalement pour cette bonne déduction.

« J'ai toujours été très grand mais je suis assez fier de faire pas moins de deux mètres quinze à présent. Je suis d'origine polonaise, d'où mon nom, mais ma famille a toujours vécu en Allemagne et travaillé sur le port de Lübeck. Si j'ai bien compris, tu as dix-sept ans donc je suis arrivé à peu près au même âge que toi et je suis ici depuis trois ans. Je fais partie de la garde étincelante, sous les ordres de Jamon, je garde régulièrement les grandes portes. »

Quand les choses s'écorçent.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant