Chapitre 2

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— Mio Dio, sir ! Que vous est-il arrivé ! s'exclama Sergio, en me voyant rentrer furieusement dans la voiture.

Je fermai la portière avec une incroyable violence, à la limite de tout casser.

— Une folle aux cheveux violets a renversé son café sur moi, répondis-je, en fermant un court instant les yeux.

— Aux cheveux violets ? reprit-il aussitôt, en démarrant la voiture.

— Prune, si tu préfères. Mais là n'est pas la question. Sergio, elle m'a bousculé, a tâché ma chemise et pire, ne s'est point excusée ; cette folle est partie comme ça !

— Oh, je vois. Peut-être était-elle trop pressée... dit-il pensivement, en changeant de vitesse.

— Pressée ou non, elle doit connaître la politesse ! N'importe qui aurait été énervé en ayant vécu ma situation !

— Cela va de soit, sir, dit-il, en regardant droit devant lui.

Cette jeune femme ne s'en sortira pas comme ça. Je me le promets.

**

Quelques heures plus tard.

— Vous avez les vidéos des caméras de surveillance ? demandai-je aussitôt, les mains liées.

— Oui, votre altesse. Nous les avons toutes, répondit Paolo, en me donnant une enveloppe.

— Son appartement ? Son prénom ? Tout est à l'intérieur ?

— Absolument tout, sir. Elle travaille dans une bibliothèque au centre de la ville. Et demain elle sera en repos.

— Annulez mes rendez-vous pour demain matin, merci. La voiture devra être prête à neuf heures tapantes. Je compte sur vous.

— Bien-sûr, votre altesse, conclut-il, avant de se retourner et de partir de la pièce.

J'ouvris l'enveloppe, délicatement, un sourire en coin. J'allais enfin découvrir qui avait causé notre délicieuse rencontre. Mais mon sourire retomba immédiatement, en voyant l'écriture de son prénom.

Elena.

Il fallait en plus qu'elle porte le même prénom que mon ancienne secrétaire... Eh bien, nous pouvions dire que le hasard faisait bien les choses. Plus ma lecture avancée, plus mon sourire s'élargissait. Malgré ses vingt-trois ans soufflés il y a peu, cette jeune demoiselle avait travaillé dans beaucoup de domaines. Boulangerie. Épicerie. Informatique.  Immobilier. Et tiens donc, assistante dans une grande entreprise. Je parcourais encore le dossier et je manquai de m'étouffer en voyant les multiples raisons de ses départs.

Boulangerie : Avait craché dans la pâte à pain car n'aimait pas un client qui venait sans cesse la charrier.

Épicerie : Avait fait tomber tout un rayon de bouteilles en accusant un chien.

Informatique : Avait débranché un câble : toute la centrale avait disjonctée.

Immobilier : Avait fait visiter une maison hantée à un couple, car c'était Halloween.

Mio Dio. Cette jeune femme regorge d'inspirations... Un sourire venait encore étirer mes lèvres, pendant que je fixais ce prénom. Son prénom. Elena Ambresi. Nul doute que sa personnalité était originale. Ses cheveux couleur prune me l'avaient déjà bien prouvé. Jamais je n'avais vu ça, avant. Et cela me donnait soudainement l'envie de la connaître plus.

Demain matin, nous nous reverrons...

**

— Nous sommes arrivés, sir, déclara Sergio, en me souriant.

— Si tu me vois avec la jeune fille sur mon épaule, n'attend guère longtemps pour démarrer, répliquai-je, en regardant par la vitre.

— Bien-sûr votre altesse, répondit-il, en laissant échapper un rire.

Je sortis de la voiture, en faisant claquer la portière. Son quartier n'était pas défavorisé, mais il n'en était pas loin. Je m'avançais prudemment, entre les différents déchets qui jonchaient le sol, avant de rentrer dans l'immeuble. Eh bien, tous peuvent y rentrer ; il n'y a ni code, ni porte.

Je montai les escaliers, sachant très bien où devais-je m'arrêter. Je ne sais pourquoi, mais je n'ai pu bien dormir cette nuit. Je n'ai fait que repenser à notre rencontre. Quelque chose m'intrigue et cela m'attirait plus que ce qu'il ne le faudrait.

Enfin arrivé devant sa porte, je ne me gênais pas pour l'ouvrir. Après tout, je faisais comme elle : la politesse avant tout. Je rentrais dans ce qui me semblait le salon, essayant de la chercher du regard. Brusquement quelque chose tomba, faisant retentir un bruit sourd et lourd. Je me retournai immédiatement, en voyant...

Tout sauf ça.

La jeune femme se trouvait devant moi. En petite nuisette, de couleur grise. Ses longues jambes se dévoilant à moi. Ses pieds rentraient dans de petits chaussons, violets. Comme ses cheveux.

— Bonjour, dis-je, en détournant précipitamment le regard de ses deux tentations.

— Mais que faites-vous ici ! s'exclama-t-elle outrée, en cherchant du regard quelque chose pour se recouvrir le corps.

Je m'avançai pressement vers un canapé, attrapai une couverture et le lui balançai aussitôt à la tête. Désormais recouverte de ce tissu, je pouvais pleinement respirer.

— Vous souvenez vous de moi ? demandai-je, les bras croisés contre le torse.

Elle sortit immédiatement sa tête de la couverture, ses cheveux désormais bien plus désordonnés qu'avant. Cela ne la rendait que plus charmante, bon sang...

— J'ai une tête à me souvenir des personnes, moi ? me demanda-t-elle, l'air très sérieux.

— Hier vous avez renversé votre gobelet qui contenait du café. Votre mémoire vous revient-elle ? repris-je, en tapant du pied.

Elle me regarda, un long moment, fronça les sourcils, puis se mit subitement à tourner autour de moi.

– Le gars avec le manteau noir et les lunettes de la même couleur, c'est ça ? demanda-t-elle, en souriant de toutes ses dents.

Qu'est-ce qui m'a le plus outré ? Qu'elle dise « le gars » ou bien qu'elle souriait comme si on lui offrait un cadeau ?

— Exactement. Et si je suis revenu ici, c'est que j'attends de pieds ferme mes excuses, répliquai-je, un peu trop sèchement.

Elle haussa un sourcil et ses yeux n'exprimaient que de la moquerie. La jeune femme était entrain de se moquer ouvertement de moi. Elle s'approcha en quelques enjambées de moi, avant de me donner une petite tape sur l'épaule.

— Eh bien, le Monsieur n'est pas très très content ! Elles arrivent vos excuses ! rigola-t-elle, en se dirigeant dans la cuisine.

Encore très outré de son comportement, je n'osais plus bouger. Elle revenait quelques minutes plus tard, puis me tendit une boite remplie de je ne sais quoi. Elle me regardait ensuite dans les yeux, une étrange lueur dans son regard hazel.

— Désolée de vous avoir bousculé hier. J'avais dû me dépêcher car mon pot-au-feu n'allait pas survivre. Tenez, c'est pour vous. Et ne me remerciez pas ; tout ça c'est cadeau, dit-t-elle, pendant que je me décomposais.

Elle m'avait poussé.
Elle m'avait renversé son café.
Taché ma chemise.

Juste pour...

Sauver son pot au feu ?!

Prince Demetrio Où les histoires vivent. Découvrez maintenant