Chapitre 8 , Gwendoline

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Stessy me regarde de ses grands yeux verts. Je peux distinguer dans son regard un mélange de haine et d'inquiétude.

-Tu sais que je t'ai attendue plus d'une heure au cinéma ?

Je ne sais pas quoi répondre, je n'arrive qu'à ouvrir la bouche pour me défendre mais je la referme aussitôt de peur qu'elle me prenne pour une folle. Mon regard dérive vers le paysage. On dirait que le monde s'est complètement figé et que personne n'a fait attention à mon accident. Je reviens alors sur Stessy. Elle tape du pied, impatiente d'entendre mon explication. Je me balance d'un pied à l'autre, gênée.

-Ecoute Stessy c'est assez long à expliquer et si on s'arrangeait demain dans un coin tranquille pour qu'on puisse en discuter.

-Tu as de la chance que j'aie un rendez-vous sinon, je te jure que....

-Un rendez-vous ?

Un homme vient de nous dépasser pour entrer dans le restaurant juste à côté. Je le dévisage un certain temps avant de revenir à Stessy lorsqu'il rentre dans le magasin. Il était assez grand, le corps large et robuste. Il portait des gants et un grand chapeau beige assorti à son long manteau en cuir. J'ai l'impression que chaque personne me veut du mal.

-Ben oui avec mon petit ami, je t'ai parlé de lui en sortant de l'école.

J'aurais du l'écouter, ça m'apprendra à ne penser qu'à ma petite personne !

-Heu oui je me rappelle... Il s'appelle comment encore... ?

-Tu ne changeras jamais... David ne te rappelle rien ?!

-Ha oui effectivement c'est beaucoup plus clair à présent, il t'attend dans le restaurant je suppose.

-Oui mais si tu....

-Non vas-y on s'arrange pour demain 13h au resto ?

-Ok ça marche chouchou.

Je la quitte à contre-cœur et me dirige vers le supermarché en longeant presque les murs.Lorsque je reviens à la maison, Charlotte m'attend. Enfin, elle est sur le canapé en tailleur comme à son habitude.

Je vais dans la cuisine préparer une quiche comme le faisait ma mère. Je fais préchauffer le four et réchauffe les lardons dans une poêle. Je prie pour la réussir cette fois car il faut dire que je suis loin de ressembler à ma mère de ce côté-là. C'est seulement vers 15 ans que j'ai découvert qu'il fallait de l'eau pour cuire les pâtes. J'arrive tant bien que mal à cuisiner une chose qui ressemble vaguement à une quiche, je l'enfourne et mets la minuterie.

Je retourne près de Charlotte toujours assise à terre. J'ai tellement de peine pour elle, cette fois je vais essayer de la comprendre. Je m'assieds en face d'elle sur la moquette. Elle me regarde, intriguée, par mon geste. Elle me sourit avant de tirer sur une partie du tapis et en ressortir une photo. Charlotte hésite un certain temps avant de me la tendre.

Elle représente deux fillettes âgées de plus ou moins dix ans avec deux adultes d'une trentaine d'années les serrant dans leurs bras. La première fillette était blonde au cheveux bouclés. Ce que je supposais être ses parents étaient magnifiques, j'en reste bouche bée. La mère portait des escarpins rouges avec un tailleur noir et une jupe assortie. Elle portait également une chemise rouge sang. Cette photo me rend en même temps heureuse et un peu mélancolique car elle me fait repenser à mes parents.

La sonnerie de la minuterie retentit. Je lui rends la photo et me dirige vers le four. Fort heureusement pour moi, la quiche n'est pas cramée. Je mets les assiettes, la découpe et appelle Charlotte pour qu'elle vienne à table.

Après avoir mangé, David revient avec un grand sourire sur le visage. J'imagine que son rendez-vous avec Stessy s'est bien passé. La photo de Charlotte m'a donné l'envie de retourner chez moi.

-Je pensais aller faire un tour chez moi, peut-être que j'ai loupé quelque chose.

-Ok je viens avec toi.

-Non, ce n'est pas nécessaire. Je vais y aller en bus ou à pied.

-Tu m'as embarqué dans cette histoire, tu vas devoir me supporter jusqu'au bout.

David reprend deux fois de la quiche avant d'aller mettre une tenue plus décontractée. Il revient habillé d'un jean ample ainsi qu'une sorte de débardeur qui montre la forme de ses muscles. Je comprends maintenant pourquoi Stessy sort avec lui. Je ressens une point de jalousie que je me dépêche d'enfouir au plus profond de moi. Il prend ses clés de voiture et on se dirige vers sa voiture. C'est une golf noire en plutôt piteux état. Enfin, tant qu'elle roule c'est le principal.

Pendant tout le long du trajet aucun de nous ne prend la parole. Mes yeux suivent le paysage qui défile. Les prairies sont remplies à cette heure par des vaches et des chevaux blancs et noirs. Le plus jeune est un petit poulain couché à terre. Il met tout son courage pour se lever et rejoindre sa mère près d'un saule pleureur dont les feuilles caressent le dos du jeune animal. Sa crinière noire est tressée en une longue tresse qui lui tombe sur le dos.

Après une vingtaine de minutes, on arrive en face de ma maison. Quel désastre, comme si elle n'avait pas assez souffert. Les murs blancs sont recouverts de différents graffitis, j'aurais encore pu supporter si l'andouille qui a peint ce truc n'avait pas dessiné un énorme sexe masculin.

Je pousse un soupir et me dirige vers l'arrière de la bâtisse. Je dois écraser une grosse partie de mon garage écroulé sur le chemin. Les herbes du jardin on déjà bien poussé en moins d'une semaine. On pouvait à peine voir les buissons au fond près de la haie. Je passe par la fenêtre et rentre dans le salon, cette fois sans me torcher la cheville. Toujours aussi vide. Mais à quoi je m'attendais ? Comme si les meubles pouvaient apparaître comme par magie.

-Gwendoline on a déjà cherché et il ne reste plus rien.

-Je sais mais si on avait loupé quelque chose ?

Je passe toute les pièces en revue sans toujours rien trouver, pourtant j'ai vraiment l'impression d'avoir oublié quelque chose. La peinture. Je descends à la cave à toute vitesse. J'arrive devant la fresque sur le mur gris poussiéreux. Cette fois je l'observe dans les moindres détails.

Les yeux en amande sont très détaillés et on peut remarquer un reflet à l'intérieur. Dans les deux triangles, les hiéroglyphes sont beaucoup moins précis. Il faudrait que je me renseigne pour voir si cela signifie quelque chose. Le serpent qui se mordait la queue était aussi bien détaillé : chaque écaille, ses dents et ses yeux étaient presque parfaits.

Je m'abaisse pour mieux observer. Un léger signe était peint d'une couleur légèrement plus foncée, ce qui explique qu'on soit passé à côté. C'était une lettre grecque ; bêta. Un souvenir me fait retourner devant la façade de ma maison. En dessous du dessin grotesque se trouvait le même symbole.

Une Audi Noire fonce dans la rue pour freiner au bout, faire demi-tour et s'arrêter quelques maisons plus loin. J'ai assez eu d'expérience avec les voitures noires pour savoir que celle-ci n'est pas la pour rendre visite à quelqu'un. Trois hommes sortent de la voiture, armés de flingue 9 mm...   

La Route des Secrets (En écriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant