- Chapitre 8 - Doux engourdissement -

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Sa chambre était plus sombre, une lueur orangée et douce passait par la fenêtre, un faisceau éclairant son visage jusqu'à son pied en diagonale venait de la réveiller de par le léger sentiment de chaleur qu'il lui apportait. Comme à sa quelque peu intimidante habitude, le Docteur Manson attendait qu'Alice se réveillat, et lorsqu'elle le fit il attendait que celle-ci le vit en affichant son sourire des plus charmants pour sa plus jeune et plus charmante patiente.
Alice le vit, et soupira tout bas, elle devait cacher ses blessures, car dans cette réalité déformée elle savait encore reconnaître lorsque la douleur piquait vivement son corps. Oui, encore. Bien dure tache lorsque ses bandages étaient recouverts de sang, si bien qu'elle n'osait même pas voir l'état de ses bras.

« Oh vous... Dit-elle doucement les yeux encore enbués, la voix douce et le teint radieux pour une personne venant de se lever.
- Peut-être n'attendiez vous plus à me voir. Veuillez m'excuser, je suis chargée. Entre la clinique ici et mes patients dehors.
- Vous devez vous perdre un peu dans toute cette folie ? Alice tenta de détourner son attention, en vain.
- Alice, je vois vos bras, ne me prenez point pour le dernier des sots, il avait l'air déçu, mais Alice n'en avait que faire, qu'est-ce que cet homme pouvait bien lui apporter dans sa situation .
- Vous n'aviez qu'à être là ! Quoi de mieux que de jeter la faute sur les adultes que trop peu présent lorsque l'on est un enfant.
- Alors ma présence vous étiez nécessaire ?
- Non, Alice rougit. Elle ne savait que dire. Elle ne savait si elle avait besoin de lui ou de qui que ce soit. Mais elle savait qu'elle avait besoin d'une étreinte dans de grands bras.
- Votre reaction en prouve le contraire.
- Je vais mourir de solitude dans cette cage dorée. Mettez moi une camisole qu'on en finisse.
- Vous vous apitoyez.
- Ma peine en devient agréable. Je ne veux pas sortir.
- Ça je le sais, n'oubliez pas qui je suis.
- Eh bien... Étudiez-moi, admirez mon cas, quelle belle bête de foire. Ah vous, les érudits, le monde est fichu sous vos constats, tant brillait elle par son sarcasme que par ses reproches dures, le psychiatre lui connaissait que trop bien ce comportement. Il y avait plusieurs Alice, une douce et faible, et l'autre colérique et violente. Il avait vu le meilleur et le pire de ces deux facettes.
- Vous êtes perdue. Calmez-vous donc. Je vous ai vu grandir, soyez sûre que je ne vous laisserai pas. Je vais vous emmener dans mon bureau, nous allons pratiquer l'hypnose. »

Depuis "l'incident" comme ses parents l'apellait, elle avait commencé à voir le docteur, celui-ci développait sur elle des techniques d'hypnoses censés l'apaiser ou aider à contrer le somnambulisme. Alice ne savait jamais ce qu'il se passait durant celle-ci, juste savait-elle et elle devait l'admettre, qu'elle se sentait réellement mieux. Mais ce jusqu'à quand. Jusqu'à ce qu'elle s'emballe a nouveau. Et la moindre des contraintes pouvait être un élément déclencheur.

Alice se redressa alors, redressant son dos courbé,avec la grâce d'un animal mort qu'on forcerait à se tenir droit en l'empaillant.
Elle tînt timidement son coude gauche de sa main droite et se déplaça nonchalement en suivant l'homme aux cheveux de corbeau. Traversant les couloirs dont elle avait déjà oublié la disposition, trop peu intéressée par toutes ces choses sans importances concrètes. Ils arrivèrent à son bureau. Chaque parcelle de mur était recouvertes de livres, les pages tantôt jaunies tantôt poussiéreuse enveloppaient la pièce dans un doux cocon aux allures de bureau d'ancêtre. Des livres encore sur la table, sur le sol, sur son bureau. Ils étaient partout, comme des bestioles ayant envahi la pièce pour y faire leur nid de papier crémeux. Alice adorait la lecture et ne fut pas surprise de découvrir le bureau du docteur. Il y régnait un désordre dont on ne pouvait lui tenir rigueur. Une douce odeur de papier flottait dans l'air. Il y avait un canapé de cuir, où Alice s'y assit. La pièce était sombre alors le docteur alluma les lumières à lueur verte mystique, on eut presque cru qu'Alice fut dans le bureau d'une diseuse d'aventure. Le docteur passa sa main dans ses cheveux, chassant les mèches rebelles et ajusta ses lunettes, il vînt vers Alice, un petit plateau de bois à la main.

« Je vais désinfecter tout ça. »

Il ne la laissa pas répondre, posa le plateau près d'elle dans le canapé, s'assit à son tour et enleva les bandages. Il prit un petit linge de coton blanc et l'inonda d'alcool et le passa sur le bras droit d'Alice. Elle eut d'abord un mouvement de recul et serra les dents puis se laissa faire. Ses bras lui brûlaient et la démangeait. Elle retînt ses larmes avec beaucoup de succès et le docteur banda à nouveau ses plaies. C'était toujours ainsi. Son coeur se fachait, s'ouvrait, se déchirait, et il était là pour le rafistoler à fil de grands mots et de sommeils ensorceleurs. La nuit tombait et les derniers rayons de soleil venait se loger au creu des pages. Alice passa alors ses chevilles sous son corps en s'asseyant et appuya doucement et calmement sa tête sur le fauteuil en prenant une grande respiration qui voulait dire " je suis prête ".
Son regard se perdait dans les yeux du docteur et elle s'abandonna toute aise dans les vibrations de sa voix.

« Alice. Vous suivez ma voix, elle vous accompagne dans un royaume seule vous décidez du roi. C'est un royaume souverain vous pouvez vous reposer, au calme et en toute sérénité. Laissez vos pensées s'abandonner au royaume rêvé, laissez-les de côté, venez entrez. Sans crainte, le coeur léger. Oui ma voix vous guide et même s'il fait sombre vous n'avez pas peur, ses paupières étaient lourdes. Vous entendez le son de ma l'horloge, en effet il avait placé sa montre à gousset dans son champ de vision et son coeur se régula sur le rythme du petit mécanisme. Vous voguez avec lui. Alice se sentait bercée par les aiguilles, elles se balançait sur celles-ci comme à une balançoire. Oui vous entrez, et vous ne reviendrez que quand je l'aurai décidé. Ma voix est votre pas. »

Alice ferma les yeux comme un petit jeu qu'on vient d'éteindre. Sa tête molle et frêle tombait un peu plus et des bras s'étaient relâchés et longeait ses cuisses. Ses cheveux blonds tombaient avec grâce sur le col de sa robe. Elle était figée. Figée dans cette pièce où elle semblait être illustrée sur le papier d'un énième livre.

Freud Manson se leva alors et se dirigea tranquillement vers la porte qu'il ferma à clé. Puis il saisit son appareil photo à tirage instantané et revînt vers sa poupée.

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Parfois, n'avez-vous pas des doutes sur la véracité de certains événements ? Ne doutez-vous pas que certains éléments de votre vie ne sont que pure création de votre imagination?

Alice au pays des macabres MerveillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant