Téluxa III, monde de tous les possibles - 3 -

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 Destuiz avait débarqué dans le terminal T52 de l'astroport. Les halls paraissaient sans limites, aussi vastes que des villages venturiens. L'atmosphère y était chargée d'indescriptibles vapeurs parfumées d'essences tropicales. Malgré l'air conditionné, les fragrances artificielles ne pouvaient masquer complètement les relents d'huile, de kéro-proxium, de détergents, et les innombrables effluves de mondes lointains. Une véritable marée d'êtres conscients de toutes races et cultures se bousculait afin d'arriver à l'heure pour le départ. Des centaines de personnes se perdaient au milieu de ce dédale dont le plafond disparaissait derrière des entrelacs de balcons et de passerelles. Au milieu du bruissement de millions de passagers, des grognements, cris, palabres en toutes langues et des appels carillonnés par les sondes hauts parleurs, Destuiz se sentit soudain déboussolé. Avisant une cabine de rééquilibrage sensoriel, il plongea dans l'ovoïde et verrouilla la porte. Un silence de fosse marine étouffa le monde extérieur, révélant le sifflement aigu de sa propre respiration. Pour se calmer, il commanda une atmosphère champêtre. Rasséréné par les gazouillis d'oiseaux et les vrombissements d'insectes, il alluma son personateur.

– Amène-moi à l'Ambassadeur de Pacita.

– Cet hôtel est réservé aux représentants de la race pacitaine, Johan, répondit la machine de sa voix mélodieuse, je te conseillerais plutôt le Roi de Taswandii, qui est bon marché et dont le personnel est très qualifié.

– Il n'y a aucun moyen d'entrer à l'Ambassadeur ?

– Peut-être une invitation officielle ferait-elle l'affaire ? Mais je ne peux rien garantir.

– As-tu une idée de la manière dont on peut s'en procurer une ?

– On peut tout obtenir avec de l'argent sur Téluxa.

– Bien... Mais mes fonds sont limités.

– Les résultats sont ici fonction des moyens.

– J'ai peut-être une idée...

– C'est le privilège des êtres conscients.

Les transports en commun étaient d'une complexité telle que Destuiz avait du mal à s'imaginer comment il aurait pu s'en sortir sans son personateur... Entre les tapis roulants à basse vitesse, les auto-sièges du Tube Central, les cellules de l'accélérateur périphérique, les capsules volantes des différents niveaux aériens et les centaines de kilomètres de pistes magnétiques, il y avait de quoi y perdre son Unidiome. La ville, gigantesque agglomérat humain, minéral et métallique, vrombissait sous les moteurs de toutes sortes qui crachaient leurs miasmes dans l'atmosphère filtrée des sept dômes géants.

Après quelques courses vestimentaires de première urgence, il se dirigea vers l'hôtel pacitain. Situé dans le quartier supérieur d'une tour de quinze kilomètres de haut, l'établissement nichait à l'endroit où le bâtiment crevait la voûte du dôme N4 pour se perdre dans la lumière aveuglante d'un ciel citron. Une enseigne holographique représentait un page pacitain en livrée d'apparat qui agitait un fanion aux dessins vraisemblablement d'origine extrahumaine. La façade de l'hôtel donnait sur les baies vitrées de la tour. Au-delà des parois filtrantes striées de poussière, la ville déployait ses bulbes sous un horizon piqué de nuages de gaz éblouissants.

Grimé en gris/bleu, Destuiz s'engagea dans l'établissement. Il n'avait jamais vu tant de faste : des colonnes torsadées d'onyx soutenaient un plafond en voûte peint dans un style renaissance galactique, tout en dorures et en volutes. Des lampes à suspenseur planaient à l'aplomb de plantes exotiques dont les feuillages bruissaient dans l'air parfumé des aérateurs. Un calme surnaturel, comparé à l'agitation de la ville, régnait dans le vaste hall. Un tapis aux motifs complexes absorbait les bruits de pas. Les sons ambiants, carillons des ascenseurs, sonneries électroniques et rires sporadiques, paraissaient étouffés et lointains.

Il approcha de la réception. Plusieurs employés pacitains en livrée attendaient les clients. Une angoisse le saisit. Il ne devait commettre aucune erreur d'étiquette. Son cœur s'emballa.

Une longue nuit stellaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant