Solidarité bien ordonnée commence par soi-même - 1 -

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 Le double-canon court du fuseur était braqué sur le front de Destuiz. La gueule d'acier pouvait lui cracher sa mort au visage d'un instant à l'autre. L'homme qui tenait l'arme était petit et trapu. Une fine moustache noire soulignait des traits acérés, striés de cicatrices de maladies et batailles diverses. Il souriait en coin, comme s'il profitait avec plaisir de la terreur qu'il inspirait à sa victime.

Destuiz se risqua à jeter un coup d'œil à la passerelle, espérant que quelqu'un, envoyé de la providence, le sortirait de ce mauvais pas.

– Pose ton personateur par terre, pécore !

Destuiz s'exécuta lentement.

– Vous commettez une grave erreur, monsieur, dit-il en essayant de contrôler le tremblement de sa voix.

– Ta gueule, troufion.

– Ce personateur représente le dernier espoir d'une planète aux abois.

L'autre éclata de rire.

– Je vous en conjure...

– Conjure-moi plutôt de te laisser en vie, imbécile !

Destuiz sentit la sueur ruisseler froidement dans son dos. Il était le témoin impuissant d'une fatalité qui dépassait ses pires cauchemars. Je rêve, je vais me réveiller... Pitié, ne me faites pas ça à moi !

– Recule, suceur de queues d'varan d'Alkaïd.

Le truand se baissa pour ramasser l'objet. Le canon de son arme n'avait pas quitté de vue l'arcade sourcilière de Destuiz. Alors qu'il reculait, un large sourire en travers du visage, un projectile fit exploser la verrière de la passerelle. Le bras gauche du gangster éclata en pluie carmin. Alors qu'il toupillait en hurlant de douleur, son fuseur lâcha une double salve. Destuiz reçut comme un coup de marteau dans l'épaule. L'onde de choc le jeta au sol, où il resta effondré alors que la mitraille commençait à voler de toutes parts dans un vacarme du tonnerre. L'atmosphère se chargea d'odeurs âcres de métal brûlé, d'ozone et de plastique fondu.

– Shoote, shoote, Franky !

– Je lui ai brûlé le caisson, à cet enculé !

Un cri. Destuiz ferma les yeux, se mordit la lèvre. Son corps était agité de convulsions qu'il ne pouvait refréner. Il ne sentait presque pas la douleur dans son épaule brisée tant la peur lui nouait l'estomac.

Combien de temps ? Une éternité sûrement avant que les sirènes ne retentissent. Quelqu'un posa sa main sur lui.

– Ça va monsieur ? Tout est fini maintenant.

On le souleva précautionneusement.

– Le... le personateur... réussit-il à murmurer.

Un homme en blanc se pencha au-dessus de lui : un infirmier.

– Oui monsieur, ne vous fatiguez pas.

– Le personateur, c'est une affaire de vie ou de mort.

L'infirmier se retourna. À quelques pas du corps du truand, baignant dans une rigole de sang, l'appareil gisait en morceaux. Deux policiers contemplaient le cadavre.

– Tu l'as bien bousillé Franky ! Ils auront du mal à récupérer les organes, les blanc-becs !

– La TZ97 rotative ! J'te l'avais dit ! Elle a pas son pareil dans tout l'univers !

L'infirmier se pencha à nouveau au-dessus de Destuiz. Un officier de police souriant passa à côté de lui.

– Il est détruit, monsieur.

Une longue nuit stellaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant