Là où les hommes baissent les bras - 1 -

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 Un embrasement éclatant illumina l'horizon. Des lignes de lumière multicolores s'élancèrent à l'assaut du ciel, comme les pattes d'une gigantesque araignée. Le grondement sourd d'une explosion ébranla le sol. Les arbres s'embrasèrent et disparurent, soufflés dans la poussière d'une terre qui se craquelait, peau soudain flétrie par un vieillissement accéléré. La casquette de Destuiz s'envola, emportée par une bourrasque de chaleur. Au loin, les sirènes de la ville hurlaient un son lugubre en crescendo. À l'endroit de la conflagration, l'horizon palpitait désormais d'une lueur rougeoyante. La plainte stridente s'éteignit puis se remit à rugir sur un mode aigu.

Étrange cette alarme, songea Destuiz. Au fur et à mesure que le son du personateur pénétrait sa conscience, il émergea du sommeil. Une lueur pulsait dans la pénombre, accompagnée de la sonnerie caractéristique d'un appel. Il connecta le communicateur.

– Ici Johan Destuiz, dit-il d'une voix pâteuse.

– Ah ! Destuiz ! J'ai eu un mal fou à vous joindre !

– Bonjour, monsieur l'ambassadeur.

– J'ai une bonne nouvelle pour vous, nasilla la voix transmise par le personateur.

– Ah ?

– J'ai obtenu un prêt de sept millions auprès de Daltimore. J'ai réussi à le faire plier en le menaçant de le traîner devant le tribunal galactique pour non-assistance à planète en danger.

Destuiz se redressa sur son lit. Son épaule le faisait toujours cruellement souffrir et sa tête tournait encore sous l'effet des calmants.

– Je vous fais parvenir la carte de crédit par Groom Service. Donnez-moi votre adresse et ne bougez pas tant que vous n'aurez pas reçu la somme, d'accord ?

– Entendu, je vous remercie de vous être donné tant de mal.

– C'était la moindre des choses, et je suis heureux d'avoir pu vous être utile, croyez-moi. Bon, je vous souhaite bonne chance, et surtout tenez-moi au courant !

– Je n'y manquerai pas.

Il rêvait d'un bon bain, de pouvoir se délasser dans une eau chaude et parfumée. Mais l'effort demandé pour enlever l'exo-squelette de sa jambe coupa net son envie. Il se dirigea maladroitement vers la cuve de désinfection et sélectionna un parfum doux à base de Tellius rose d'Altaïr. La peau synthétique qui le grimait en Pacitain se détacha et tomba à ses pieds.

– Et merde...

Il inspira profondément et poussa un soupir presque aussi profond. De toute façon, tout le monde sait que je ne suis pas un représentant... Alors à quoi bon jouer au clown plus longtemps ? Au moins, je pourrai me raser aujourd'hui ...

C'était l'avant-dernier jour avant le décollage du vaisseau de la CSB, et il ne devait pas perdre de temps. Il décida de remettre son costume de Commandeur et de descendre prendre un petit déjeuner au salon. Peu lui importait ce que pourraient en penser les représentants. Ils avaient sûrement l'habitude de l'esprit humain et de ses étranges lubies.

Dans le salon, les rayons du soleil tombaient à travers les baies vitrées, exaltant les couleurs verdoyantes des plantes qui l'emplissaient. Il y avait peu de monde. Talwène était assise à une table en pleine lumière, seule, attendant visiblement d'être servie. Après une hésitation, Destuiz s'avança dans une envolée de cape blanche. La jeune femme écarquilla les yeux de surprise devant cette apparition étonnante.

– Permettez-vous, digne demoiselle, que je me joigne à vous pour ce petit déjeuner ?

Talwène acquiesça d'un hochement de tête suspicieux.

Une longue nuit stellaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant