Téluxa III, monde de tous les possibles - 6 -

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Johan Destuiz prit ses quartiers dans les appartements qu'Arnest avait mis à sa disposition. Il n'était pas habitué à autant de luxe et de confort. Sur Venturi, les habitations étaient fonctionnelles et simples. Le climat n'étant pas particulièrement rude et les saisons peu marquées, les hommes n'avaient pas ressenti la nécessité de s'entourer de technologie ou de superflu. Les moyens manquaient pour gaspiller l'énergie dans des futilités. Ici, sur Teluxa, tout était basé sur le décorum. Un robot chromé en livrée rouge et or se tenait au garde-à-vous dans une guérite vitrée, attendant le moindre appel pour satisfaire quelque besoin que l'invité puisse avoir. Les pièces étaient vastes et nombreuses : un salon, une chambre, une salle de bain avec piscine à vagues, hammam, sauna, spa, table automassante etc. Le tout donnait sur une terrasse en bois exotique ouverte sur la baie vitrée qui surplombait le dôme N4, invitant le ciel mordoré dans la pièce. Avec ses longs transats sur coussin d'air, ses plantes grimpantes, ses arbres des jungles pacitaines et ses pulvérisations de brume aromatisée aux parfums délicats, la terrasse transportait ses hôtes dans un monde de repos et de calme.

La chambre était couverte de tapis soyeux et épais qui avaient un effet apaisant sur la plante des pieds. Leurs fibres diffusaient des essences rares qui agissaient sur l'organisme et effaçaient fatigue, douleurs, anxiété.

Le lit était constitué d'un immense bulbe de mousse qui adoptait instantanément la forme du corps en générant des points de soutien aux endroits nécessaires.

Rien n'avait été laissé au hasard. Les papiers peints dessinaient des formes et des couleurs directement puisées à la racine mentale de l'habitant et s'adaptaient en fonction de l'humeur ou du besoin. Les pièces communiquaient entre elles, au sens propre : quand Destuiz quittait la chambre, le salon était averti et préparait l'éclairage, les fragrances, les friandises et boissons adaptées au moment de la journée. Une sélection musicale venait illustrer le choix d'atmosphère que le cerveau-empathique de l'appartement avait sélectionné pour convenir à son hôte.

L'ensemble était bâti dans des essences de bois rares et précieux, décoré avec goût, depuis les rideaux à opacité variable jusqu'aux cellules photoélectriques des tiroirs qui imitaient d'antiques boutons de métal terriens.

Destuiz n'osa pas s'installer dans le grand fauteuil de cuir qui lui faisait de l'œil, de peur de ne plus pouvoir bouger de cet endroit merveilleux. Il posa sa mallette sur une table et en sortit son personateur. Sa mission ne pouvait souffrir de délai, il était plus que temps de s'occuper de ces pièces de rechange. Il accrocha l'appareil à sa ceinture et redescendit dans le hall. Un employé zélé lui ouvrit le chemin jusqu'au perron et s'empressa d'aller ouvrir la porte d'un taxi qui se trouvait en attente au pied de l'escalier. Destuiz grimpa à l'arrière et indiqua le secteur où il souhaitait se rendre. Le chauffeur ne fit pas de commentaire. Il rajusta sa casquette et actionna le levier de décollage. L'appareil s'arrima à un filin magnétique et glissa en silence au-dessus des artères fourmillantes du dôme. Après une longue navigation au milieu d'un maelstrom d'engins volants et de passerelles translucides, le taxi se posa sur une aire envahie de projections commerciales en relief.

Destuiz se retrouva à l'entrée d'une allée venteuse criblée d'hologrammes plus ou moins bien réglés qui signalaient les accès aux différents commerces de la zone. Un peu inquiet devant l'aspect isolé et vide du lieu, en comparaison avec l'effervescence de la ville qu'il venait de survoler, le Commandeur s'engagea dans un tube translucide. Après quelques minutes, son instinct l'avertit qu'il n'allait pas dans la bonne direction. Il s'apprêtait à faire demi-tour quand deux silhouettes surgirent chacune à une extrémité du passage. Il était piégé.

Une longue nuit stellaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant