Nous marchâmes quelques minutes dans Rosetant. C'était plutôt joli, la nuit. Les réverbères allumés, les vitrines de magasins, mais aussi une certaine végétation, en particulier des bananiers, des cocotiers, des palmiers... Oui, Rosetant se situe en bord de mer. Ce n'est pas une capitale urbanisée, contrairement à Paris, la capitale d'un pays qui s'appelle la France. Enfin, Louise s'arrêta devant un immeuble de pas plus de trois étages. Elle composa un code et m'invita à rentrer. Nous montâmes deux étages et Louise ouvra une porte, celle de son appartement. Mais qu'elle ne fut pas ma surprise lorsque je fus rentrée dans son appartement : une pièce, regroupant salle à manger, cuisine, chambre, salle de bain. Une minuscule pièce avec un lit, une douche, une table, un frigo, un four et une minuscule télévision, vieille d'au moins cinquante ans ! Louise remarqua la stupeur sur mon visage :
- Oui, je vis légèrement à l'étroit, comme vous pouvez le constater... Je suis extrêmement pauvre, seuls les journaux me permettent de vivre, bien que je n'en vende qu'un ou deux par jour... Mais je préfère ne pas vous importuner sur ce sujet, je vais plutôt vous acheter de quoi manger convenablement pour vous.
J'étais alors extrêmement gênée à ce moment. Louise n'avait vraiment rien, et elle voulait dépenser ses seules économies pour m'acheter de quoi manger comme une princesse ! Je m'affolai presque en lui répondant :
- Louise ! Je... Je suis désolée ! Je ne savais pas... Mais je refuse que vous payez pour moi ! Je suis votre princesse, et une princesse vient toujours en aide au peuple !
- Enfin, à ce que j'ai compris, vous n'avez pas l'air d'aimer votre titre...
- Euh... Enfin en tous les cas, je mangerait comme vous, c'est tout !Louise ne pouvait plus protester et, en effet, le repas était fort maigre : un bol de riz pour deux, et une orange. Bien que je fus affamée, même après mon repas, je ne plains pas. Je vivais dans un palais somptueux, je mangeais merveilleusement bien chaque jour et tout le monde m'enviait, et moi, je fugue, car je n'aime pas ma vie... Je me sens soudain honteuse... Louise est si forte pour supporter cette vie... Elle mérite mieux...
- Je vous laisse mon orange, me dit-elle. Vous en avez besoin après avoir vécu toutes ces aventures.
Je refusai et répartis dans mes pensées. Quelle égoïste je fais... Je n'avais qu'à refuser catégoriquement le mariage devant Trauten... Un cri de Louise me ramena à la réalité : elle avait allumé sa minuscule télévision. Elle m'appelait en me montrant l'écran. On parlait de moi. Des images sur mon château étaient diffusées :
"Voilà maintenant bientôt trois semaines que la princesse Isabella a disparu. Nul ne connaît la cause, mais le peuple est très inquiet, sans parler du roi et de la reine qui se font un réel souci pour leur fille. Les policiers se trouvent actuellement aux alentours de Rosetant."
- Papa et maman, se faire du souci pour moi ? Je m'étonne.
- Mais, c'est normal. Vous êtes leur fille.
- Oh, ils ne me prêtent aucune attention, surtout mon père. Tout ce qui compte pour eux, c'est de me marier et faire de moi la reine pour assurer leur lignée.
- Ne dites pas ça, je...
- Puisque je vous le dit, coupai-je assez sèchement malgré moi.Je doutai que mes parents s'inquiètent pour moi, mais plutôt que si je ne reviens pas, je n'épouserai pas Franz, et ils ne gagneraient pas la moitié de la fortune du comte. L'argent... Dire que ça passe avant l'amour de leur fille... Lamentable...
Nous passâmes une soirée forte agréable. On discutait, on riait, comme des petites filles... Je racontai à Louise ma vie de princesse, des anecdotes du château et autres petites histoires. J'appris que Louise n'avait que vingt-et-un ans. Elle vivait avec son petit ami, mais il l'a mise à la porte il y a six mois car elle avait découvert sa liaison avec une autre. Louise était médecin. J'étais étonnée, car elle l'a été à seulement seize ans, mon âge, et qu'elle a été parmi les meilleurs docteurs de Belinia ! À Belinia, l'école finissait à quatorze ans, et les études commençaient directement. À la fin de la soirée, nous étions devenues très proche, et nous acceptâmes de nous tutoyer.
- Je t'ai même... Commença-t-elle, avant de s'arrêter net.
- Continue, l'encouragai-je.
- Euh, il est tard, changea-t-elle de sujet. On part à sept heures, demain. Ne t'inquiètes pas, j'ai de quoi payer le trajet en train.
- Merci, Louise.
- Pas de quoi. Je suis désolée, mais je dois vraiment te ramener au château. Ce n'est pas parce que j'attends une récompense, mais je tiens à toi, et avec des criminels à tes trousses, tu seras en sécurité au château, le temps que les policiers les attrapent.Cette dernière phrase me toucha. Nous nous souhaitâmes une bonne nuit, puis je m'écroulai sur le lit et m'endormit presque aussitôt, pour un sommeil bien mérité...
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Raison royale
AdventureQue faire lorsque l'on est la princesse héritière du petit pays qu'est la Belinia alors que l'on souhaite être une grande danseuse ? Et surtout lorsque l'on prend des cours de danse en cachette sous une autre identité à l'aide de sa meilleure amie...