L'impasse

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Nous profitâmes du moment de recul des brutes : Madeleine fit volte-face, saisit son père par le bras et tous trois nous nous précipitâmes vers les escaliers en vue de nous enfermer dans l'une des chambres. Après cela nous trouverions bien un stratagème pour fuir...

Mais voilà : au moment où ma complice trouva les clefs pour ouvrir la chambre de son père, ce dernier fut saisi par l'un des gredins et entraîné dans les escaliers pour devenir l'otage du Baron...

Dans l'action je n'eus pour seul réflexe que de donner un coup de talon dans le nez de la brute en question qui – étant encore dans l'escalier – se trouvait précisément à ma portée.

Il tomba en ramassant avec lui ses camarades, mais je voyais bien qu'il m'aurait été impossible d'atteindre l'otage sans me faire moi-même capturer... Au moins j'avais proprement fait éclater le nez du malfrat qui n'avait pas l'air de vouloir se relever pour reprendre l'assaut.

Justement, cette deuxième charge lancée dans l'escalier réveilla mon fameux instinct : je raisonnai Madeleine et quelques instants plus tard la lourde porte de la chambre se fermait sur nous, nous protégeant du Baron pour un bon moment.

C'était maintenant que nous allions devoir aviser à une échappatoire.

Elle s'était précipitée au fond de la pièce, entre le lit et la fenêtre, essoufflée et en sanglots. Son visage dans ses mains, sa peau qui était comme de l'or dans la lumière des chandelles, sa longue chevelure libérée, tout cela créait autour de cette demoiselle une aura qui dominait la nuit et transmutait sa beauté : mon cœur emballé par la poursuite fut calmé et je vins à elle pour la serrer dans mes bras.

La pauvre enfant, vraiment, ses émotions étaient si vives et sa présence était si lumineuse, que la pièce toute entière fut traversée par cette tristesse et ce désespoir et cet épuisement, et je fus emporté dans ces mille nuances d'émotions qui la hantaient.

Nous nous assîmes sur le lit, résolus à attendre. Personne n'était venu taper à la porte, mais on entendait conspirer au rez-de-chaussée...

Le Baron avait son plaisir dans la cruauté, c'était un chasseur et cette nuit-là nous étions le gibier : il attendait sans doute que le désespoir le plus aigu nous traînât hors de nos retranchements, jusque sous sa lame.

Alors il ne nous restait plus qu'à tenir le siège. Et les heures passèrent...

Madeleine RepentanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant