Après une discussion sur les éventuels moyens de nous échapper, qui ne fut pas le moins du monde fructueuse, Madeleine et moi nous enterrâmes dans un silence pesant...
Les forces qui régissent l'Univers avaient réussi à me contenir, je pouvais m'avouer vaincu.
La seule ouverture que nous avions sur le reste du monde était une fenêtre, donnant comme celle de ma chambre sur la cour de l'auberge.
Je m'en approchai et l'ouvris.Le vent me portait la fraîcheur de la vallée ainsi que le doux murmure de la Marche toute proche.
L'horizon était un fin ruban de flammes consumant lentement la Voûte obscure.
Sur l'entre-deux bleu pâle de l'aube siégeait encore une étoile. Un astre tardif qui se tenait là comme un saphir au cou du jour naissant... Et je savais son nom, je le redoutais même, je le redoute toujours."Le Mausolée..."
- Qu'avez vous dit ?
- Là haut regardez...Madeleine se leva et vint à côté de moi pour observer le ciel.
- Je ne vois pas
- Juste au dessus du soleil levant, la grosse étoile bleue.
- Je vous assure Abel je ne la vois pas.Une larme coula sur ma joue.
"Alors je suis vraiment perdu"
Elle me regarda avec beaucoup d'inquiétude et me pris par la main pour m'inciter à lui expliquer le problème.
- Allons, chevalier, qu'est-ce qui ne va pas avec ce ciel ?
- Quand mes compagnons et moi nous rendîmes en orient un guide nous accompagnait... Un mystique qui connaissait tous les secrets du cosmos. Il se repérait avec les astres et nous montrait la voie sans jamais se tromper, grâce à son atlas du ciel.
Je ne sais pas pourquoi mais il m'a pris en affection et à moi il a raconté quelques uns de ses secrets : il m'a parlé des étoiles, mais m'a dit de me méfier de l'une d'elles...
- C'est celle-ci ? Mais vous savez Abel j'ai beau regarder je n'en vois aucune ! Vous êtes secoué par tout ce qui nous arrive, voilà tout. Moi aussi je le suis...
- Non il ne s'agit pas de ça : les orientaux l'appellent la Goule et pour nous elle est le Mausolée. Il m'a dit qu'elle ne doit jamais servir à orienter les vivants puisqu'elle est là pour éclairer le chemin des âmes...
- C'est un conte macabre... Très inquiétant certes, mais Abel ce n'est qu'un mythe : il n'y a rien là-haut je puis vous l'assurer !
- Elle éclaire le chemin des âmes et si un vivant la voit, c'est qu'elle est là pour lui. Vous comprenez Madeleine ? Elle ne se montre qu'aux morts ou à ceux qui le seront bientôt ! C'est pour ça que vous ne voyez rien.Madeleine fut émue par ce que je disais, elle pleurait presque, mais je voyais qu'elle était sincèrement incrédule face à mon histoire.
Je plongeai mon visage dans mes mains pour ne plus voir cette cette étoile, cette pièce, cette auberge...
Madeleine souffla et secoua la tête pour se ressaisir ; elle posa alors sa main sur mon épaule.
"Mon ami, reprenez vous... Nous allons nous en sortir..."
Un brave petit sourire se dessina sur ses lèvres et elle parut avoir subitement retrouvé quelque confiance.- Comment ?
- J'y pense depuis un bout de temps, mais c'est assez invraisemblable... Enfin j'avais peur que vous trouviez ça bête, quoique ce n'est plus comme si on avait le choix...Hésita-t-elle en essuyant les petites larmes de tout-à-l'heure.
- Vous l'avez dit : on ne peut plus se permettre de reculer devant les risques, encore moins devant la peur futile du ridicule. Alors dites toujours...
- Vous êtes sûr ?
- Oui, allez-y je suis épuisé je n'ai pas envie d'avoir à me battre avec vous en plus du Baron... Alors dites.Elle se dressa, toute fière :
- En tuant le Baron et ses hommes !
- Allons bon...
- Oui : vous ouvrez la porte, feignant de vous rendre ; et lorsque l'un de ses hommes est tout près de vous pour vous capturer... je sors en hurlant ! Votre homme sera distrait, vous laissant une brève opportunité pour lui prendre son arme et éliminer tout ce beau monde à la façon d'un guerrier déchaîné.Fit-elle en mimant des coups d'épée mortels.
- Je n'suis pas un guerrier déchaîné Madeleine...
- Vous êtes la définition même d'un guerrier déchaîné. Et puis, je vous ai vu vous battre ! En deux temps trois mouvements vous êtes capable de leur régler leur compte...- C'est gentil, je vois bien que que vous essayez de faire, mais ce n'est pas la peine Madeleine.
- Qu'est-ce que j'essaye de faire ?
- De me faire sourire, de me redonner confiance...
- Pas du tout, j'y pensais vraiment depuis tout-à-l'heure, mais d'abord je me suis retenue par peur du ridicule, j'ai refoulé l'idée, et puis... Enfin quand vous avez pleuré là tout de suite, j'ai pensé que c'était le bon moment, la dernière occasion.
- Oui bien sûr...
- Ah vous ne me croyez pas ?
- Je crois à votre bonne volonté, mais pas trop à votre bonne foi.
- Oh moi et la Foi vous savez...
- Hum... Ce n'est pas la peine, je sais ce que ce signe dans le ciel signifie. Certes nous ferons comme vous avez dit, à l'exception que ce sera moi qui sortirai en premier et que vous ne vous mêlerez de rien.
- Ho doucement chevalier, je vous propose une stratégie et vous en faites un suicide en règle, on va faire comme je dis et personne ne va mourir à part les brigands derrière la porte.
Voilà, j'allais encore devoir tuer... Et cette fois il n'était plus question de me défiler.
Je me massais les tempes pour lutter contre un affreux mal de tête lorsque je vis une ombre bouger en bas dans la cour de l'auberge : le Trépas, fossoyeur du village, binait autour du grand cadran solaire.Comme s'il avait su que je l'observais, il leva la tête vers moi, sans que je puisse voir ses yeux à cause de sa grande capuche et de la pénombre matinale. Pourtant je pouvais sentir son regard sonder mon âme à cet instant, comme une lame flamboyante perçant mon être.
"Qu'est-ce qu'il trame lui ?" demanda Madeleine qui s'était penchée à la fenêtre pour savoir ce qui m'intriguait à ce point.
- Vous le savez bien, il est comme l'étoile, il m'attend...
- Ah non ne recommencez pas hein. Il est morbide mais pas à ce point. Je parie qu'il est juste venu voir ce que le Baron fait ici, rien de plus.
Elle même ne semblait pas convaincue. Il y eut un silence un peu embarrassé, je la regardai droit dans les yeux mais elle baissa les siens. Je coupai le silence pour mettre un terme à cette histoire :
"Bon alors allons-y"
Fis-je en me dirigeant vers la porte...
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Madeleine Repentante
ParanormalAbel nous conte l'histoire de sa rencontre avec Madeleine. Une légende médiévale tragique, romantique et mystique.