Prologue : Faux-départ
Je suis là, assise sur ce banc depuis près d'un quart d'heure et pas une seule personne n'a posé un regard sur moi. J'ai peut-être un talent en fin de compte : je suis magicienne, j'arrive à me rendre invisible. Cela dit, il faudrait vraiment que j'apprenne un jour comment me rendre visible.
Peut-être est-ce un manque de motivation ? En tout cas rien n'y fait, je n'arrive pas à changer. Pourtant je le souhaite tellement. Je hais ma vie, je hais mes amis. Enfin, mes 'connaissances' seraient un terme plus approprié. Je n'ai en vérité que deux amis : Max mon cochon d'inde et Brad.
Je sursaute. Une goutte vient de s'écraser sur mon nez. Génial, maintenant il pleut et je n'ai qu'un gilet roulé en boule dans mon sac et une ferrari tout terrain - il s'agit en fait d'un vélo décathlon mais ne dites rien, ça sera notre secret. Vive les orages d'été qui persiste en septembre. J'enfile mon vélo et enfourche mon gilet... Ou peut-être l'inverse, peu importe, tant que j'arrive le plus vite chez moi.
Je me demande souvent quand est-ce que j'ai commencé à être malheureuse. Peut-être que je n'ai jamais été heureuse, peut-être que j'ai passé toute mon enfance sans savoir que je faisais une dépression ? Mais non, voyons Elena, les dépressions c'est pour les vieux cons.
La pluie redouble et j'ai l'impression que mon vélo n'avance plus, mais quand même assez pour que je me reçoive les gouttes en pleine figure.
Et si c'était le fait que je sois fille unique ? C'est triste de ne pas avoir de frères et soeurs, non ? Cependant j'aime le calme qui règne dans ma chambre quand je médite sur mes problèmes, allongée en étoile sur le lit. Imaginons qu'une fillette de 10 ans débarque dans ma chambre en m'implorant de jouer avec elle aux poupées, est-ce que ça me sortirait de mes pensées noires ? De toute façon j'opterais pour la solution de secours : me rouler en boule sous la couette et poursuivre mes méditations. Autant rester fille unique. Le problème est donc autre part.
Un coup de klaxon. Je l'ignore. Encore un stressé qui ne peut pas patienter 5 minutes, le temps que j'achève cette montée épuisante. Allez Elena, plus que 500 mètres à pédaler et tu es chez toi.
Et si c'était le fait que mes parents ne s'entendent plus ? C'est triste des parents qui se crient dessus à longueur de journée, non ? Néanmoins, de nos jours un mariage sur deux est un échec, donc théoriquement la moitié des personnes de ma classe devraient êtres malheureuse et invisible comme moi, ce qui n'est pas véridique. Toutes les filles se font bien trop remarquer pour me ressembler. Le problème est donc autre part.
Ca y est, je suis trempée de la tête aux pieds et j'entends l'orage gronder.
Et si j'étais le problème ? Et si j'étais la source de mon propre malheur ? Et si...
Un second coup de klaxon.
Il commence à m'embêter le stressé de service. Je me retourne pour voir à qui j'ai affaire - avec la ferme intention de lui présenter mon majeur, ne dites rien, ça sera notre second secret - mais les phares m'aveuglent et brouillent ma vue. Je tourne la tête sans pour autant retrouver une vision nette, mes mains trempées glissent sur le guidon et je sens que je perds le contrôle de ma ferrari tout terrain. Tout se passe si vite, à peine le temps de penser à Max et Brad et je m'écroule sur le bitume.
J'ai encore à moitié conscience de ce qu'il se passe autour de moi : des freins brusques, des pneus crissants sur le bitume, des klaxons puis des bruits de portière. Les gars, un miracle se produit : ça y est, on s'intéresse à moi. Cette pensée me fait sourire même si en vrai je pense que je suis figée car ma jambe et mon bras me font un mal de chien.
Peut-être que je suis totalement défigurée et qu'il va falloir me greffer un nouveau visage ? Megan Fox, Eva Longoria, Miley Cyrus, mon choix n'est pas encore arrêté, je suis ouverte à toute proposition. Ils ont peut-être un catalogue spécial 'greffe de visage' ?
Assaillie par les gouttes d'eau je renonce à garder les yeux ouverts.
***
Rappelez-moi d'arrêter de penser en permanence, ça m'envahit le cerveau et ça me donne des maux de tête.
C'est en grimaçant que j'ouvre les yeux et découvre ma chambre d'hôpital. Enfin, je suppose que je suis à l'hôpital étant donné que je suis tombée de vélo. Mais je me rappelle de tout, c'est bon signe.
"Elena ?"
Je tourne la tête vers mon père, assis sur une chaise avec un magazine sur les genoux.
"Comment tu te sens ?
- En pleine forme."
Il me sourit et se lève.
"Tu t'en es bien sortie, le bras légèrement écorché, une petite bosse sur la tête et un joli bleu sur la cuisse. Ça aurait pu être pire."
En effet, si j'avais courtoisement levé mon majeur au conducteur, qui sait comment l'accident se serait terminée. Il m'aurait probablement courtoisement écrasé. On fait de vilaines choses quand on est stressé. Il m'aurait au moins donné l'occasion de faire la "une" des journaux de Sheffield, et avec un peu de chance on aurait parlé de moi dans la rubrique divers des journaux télévisés d'Angleterre.
"Il est quelle heure ? On sort bientôt ?
- Vingt heures, tu as dormi une heure. Oui, on va y aller, mais d'abord je dois te parler de quelque chose.
- Je t'écoute.
- On en a discuté avec ta mère, et l'accident ne fait que confirmer nos doutes. On pense que tu vis mal nos disputes et que tu as besoin de t'éloignes du foyer, de penser à autre chose, d'être au calme.
- J'irais où ?
- Chez ton cousin, Louis.
- J'ai un cousin qui s'appelle Louis ?
- Oui, un cousin éloigné, je te l'accorde, mais un cousin quand même. En plus il a 17 ans, comme toi, c'est chouette, n'est-ce pas ? Il habite à Brighton.
- Carrément, à quatre heures d'ici quoi.
- 5 heures en train, pour être exact. Qu'est-ce que tu en dis ?"
Je hausse les épaules en guise d'approbation. L'idée me plait bien.
Une seule chose me gêne : vivre chez mon cousin. Je ne suis pas particulièrement sociale, ça reste un point sensible, mais si en plus je ne le connais pas, il y a des chances pour que ça se passe mal. Toutefois, le fait qu'il ne me connaisse pas se présente comme un avantage plus qu'un inconvénient.
Nouvelle ville, nouvelle vie. L'occasion de prendre un nouveau départ et de reconstruire une autre Moi.
Je m'appelle Elena Miller, j'ai 17 ans et une vie gâchée. Dès l'instant où j'arrive à Brighton j'oublie tout de l'ancienne Elena, je prends un nouveau départ, quitte à devenir quelqu'un d'autre. Personne ne connait la nouvelle Elena, mais celle-là saura se faire désirer, se faire envier et provoquer la jalousie des autres. Elle sera la fille populaire.
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Devenir populaire en 10 leçons (1D)
Hayran KurguComment retrouver le goût de vivre lorsqu'on a passé 17 ans à se morfondre ? Il est trop tard pour renouer avec le bonheur mais il est encore temps d'apprendre à être enviée des autres. Elena est bien décidée à prendre ce chemin, celui qui la mènera...