Drama Kingdom

La fois où je ne suis pas sorti avec Cendrine

Quand j'ai commencé à sortir avec la bande, Hugues était persuadé que je trouverais vite ma place dans son petit entourage de potes.

Et il n'avait pas eu tort sur ce point-là.

Les débuts avaient été un peu difficiles car je ne savais pas trop de quoi leur parler. Et puis très vite je m'aperçus qu'ils n'avaient pas grand chose d'intéressant à dire et que les conversations tournaient souvent autour de sujets faciles : qui sortait avec qui, qui voulait sortir avec qui et qui se mettait en liste d'attente pour sortir avec le mec ou la fille du prochain couple qui se séparerait.

Il était aussi souvent question de fêtes, de drogues, d'alcool, de films, de jeux vidéos et du programme du weekend suivant.

J'étais pas mal fasciné par toutes les filles qui gravitaient autour de Hugues et de sa bande. Elles avaient toutes l'air sympathiques et abordables pour peu qu'on réussissait à leur parler plus de trois minutes consécutives. Ce qui n'était pas forcément évident vu la vitesse à laquelle les sujets sautaient de l'un à l'autre, au moindre sms ou retweet.

L'une de ces filles me paraissait alors un peu plus calme et mignonne que les autres.

Elle s'appelait Fanny, elle était toute petite, très jolie, avait de très longs cheveux soyeux et souriait plus qu'elle ne parlait.

Toutefois je compris très vite qu'elle était inabordable pour le commun des mortels. Fanny cherchait à sortir avec des garçons très riches uniquement car elle voulait se marier très jeune.

Je savais qu'elle était sensible sur certains sujets, et je compris très vite qu'il y avait un souci avec son père. On me conseilla de ne pas chercher à en savoir davantage : ça créait le malaise et c'était une histoire passée. Son père avait payé sa dette à la société et c'était inutile de remuer le couteau dans la plaie.

Hugues, voyant que je m'intéressais aux filles du groupe se mit en tête de me caser avec l'une d'elles. 

Je lui avouai que même si Fanny était mon premier choix, l'une des jumelles ferait tout aussi bien l'affaire, comme elles étaient sympas et mignonnes et toujours de bonne humeur.

Il me dit que c'était un peu compliqué avec les jumelles, puisqu'il tentait de les convaincre depuis plusieurs mois d'accepter de faire un plan à trois avec lui. De facto, elles étaient chasse gardée.

Il me parla de Sandrine, mais je refusais du tac au tac : je la trouvais vraiment trop conne, même si elle avait un joli cul.

Il finit par me choisir Cendrine, une fille qu'il connaissait bien pour être sorti avec pendant les dernières vacances d'été au camping du Caligou. C'était une copine d'enfance de Sandrine et elle devait emménager à Angevilliers très prochainement, raison pour laquelle, on ne la voyait pas encore très souvent parmi nous.

Après plusieurs semaines de préparation (Hugues était un très bon entremetteur), il m'annonça que Cendrine viendrait à la prochaine fête chez lui et qu'elle était prête à me rencontrer et à sortir avec moi. Il l'avait convaincue que j'étais le mec parfait pour elle.

Je lui demandai plus de détails et l'invitai à me monter des photos d'elle un peu plus loin, au calme, en dehors du bar où nous pourrions à la fois discuter tranquillement, fumer une clope et nous débarrasser de Daniel qui cherchait à écouter ce que nous disions avec un peu trop d'insistance.

Je me méfiais déjà de Daniel et de Joss : je savais qu'ils étaient tous les deux un peu fourbes et qu'ils étaient entrés dans une sorte de compétition totale. C'était à celui d'entre eux qui ferait mieux que l'autre dans tous les domaines. Depuis quelques temps ils s'étaient mis au défi de se trouver une meuf avec qui construire une relation stable. Comme si ça se décidait sur un coup de tête !

Je n'avais qu'une seule trouille, c'était que l'un ou l'autre vienne me couper l'herbe sous le pied et embarque la Cendrine qui m'était promise dans leur délire malsain.

Et c'est exactement ce qui se produisit.

Pour mon plus grand bonheur !

Mais ça, je ne le savais pas encore.

Le jour de la fête, j'arrivai tôt et j'attendis longtemps que la fameuse Cendrine pointe le bout de son nez.

Je demandai régulièrement de ses nouvelles à Hugues, qui m'assurait tous les quarts d'heure qu'elle ne devrait pas tarder à arriver.

Vers 23 heures je compris que la chance ne serait pas avec moi et que je ferais mieux d'arrêter de stresser pour pas grand chose. Ça serait pour une prochaine fois.

Je décidai donc d'aller me chercher un nouveau verre de gin fizz que je vidais cul sec et m'en servis immédiatement un autre puisque j'avais pris du retard sur mon taux d'alcoolémie, persuadé que j'étais de devoir rester sobre pour faire bonne impression.

En revenant dans le grand salon de Hugues où se déroulait le cœur de la fête, j'aperçus à travers une queue leu-leu de filles ivres et en soutif qui braillaient sur une chanson de Carlos, Dan avachi sur un canapé et les mains plongées sous le pull-over d'une inconnue.

La Cendrine en question venait d'être interceptée sans que personne ne sache pourquoi.

De rage, j'allai me réfugier sur la terrasse, bien décidé à vider la moitié d'un paquet de clope et la moitié d'une bouteille de gin.

Jocelyn vint me rejoindre avec la même tête de rageux que moi, fermement décidé lui aussi à fumer des clopes et boire de l'alcool pour passer ses nerfs.

Il m'avoua que Dan avait fait son malin et avait triché comme un malfrat pour choper la Cendrine. Quand il avait compris que Hugues essayait de me la refourguer et que c'était gagné d'avance, Dan avait attrapé le portable de Hugues pour recopier le numéro de téléphone de Cendrine et il s'était fait passé pour moi. Il lui avait envoyé des photos de lui pour qu'elle le reconnaisse et l'avait retrouvée à la gare pour l'accueillir. Puis il l'avait invitée au resto pour faire plus ample connaissance avant de rejoindre la fête et savourer sa victoire devant tout le monde.

J'étais dégoûté. Mais sans doute pas autant que Joss qui rageait parce que son meilleur pote venait de remporter leur course à la meuf.

Je ne sus jamais si c'était par rage, désespoir ou tout simplement pour égaliser le score durant la même soirée, mais quelques minutes plus tard, Jocelyn se trouva lui aussi affalé sur un autre canapé du séjour, en train de rouler des pelles à Sandrine.

Et c'est à partir de ce moment-là que tout commença à réellement partir en couilles.