Cendrine a un souci

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Si je devais résumer la relation entre Dan et Cendrine, j'emploierais des mots comme : hasardeuse, houleuse, malsaine, vouée à l'échec.

Une chose était sûre : Cendrine n'était pas faite pour vivre une relation amoureuse au XXIème siècle.

Très vite, dès les premières semaines où ils commencèrent à sortir ensemble, je sus que quelque chose clochait dans la tête de cette nana.

Au bout d'un ou deux mois, elle vint s'asseoir à côté de moi sur la banquette de la Casa Cubana et me posa toute une série de questions bizarres. Elle avait décrété que j'étais plus malin et plus digne de confiance que tous les autres gars de la bande. Il fallait donc que je lui avoue tout sur ce qui se tramait à Angevilliers :

Avec qui Dan était sorti avant elle ? Avec quelles filles il s'entendait bien ? Pourquoi il passait son temps à se marrer aux blagues nulles de Fanny ? Est-ce qu'il lui cachait un truc ? De quelle fille il fallait qu'elle se méfie en priorité ? Pourquoi je ne répondais pas franchement à ses questions ? Est-ce que j'étais un connard qui savait des choses et qui ne voulait pas lui avouer la vérité ?

Je pris le temps de réfléchir pour lui avouer que, en réalité, je ne connaissais pas très bien Dan.

Plus par peur de me trouver empêtré au milieu d'un psychodrame que par authentique solidarité masculine, je passais sous silence les quelques petits dossiers que je connaissais sur Dan.

Inutile que sa toute nouvelle meuf apprenne si tôt que son mec était un pervers voyeur qui aimait se planquer sous les fenêtres des couples ou qu'il avait investi dans un attirail d'astronomie juste pour mater sa voisine jouer à la wii en culotte. Elle s'en apercevrait bien assez tôt.

Je compris avant tout le monde que Cendrine avait un sérieux souci de jalousie.

Bien entendu, toutes les filles sont un peu jalouses et elles ont sans doute raison de l'être. Et puis, je suppose que ça fait aussi partie du jeu de séduction, genre : "Tu m'aimes ? Allez, dis-le que tu m'aimes ! Rien que moi ! Pas les autres ! Allez, arrête de répondre aux sms de ta meilleure copine ! Quand on sort avec une fille aussi bien que moi, on n'a pas besoin d'avoir une meilleure copine !".

Trucs du style.

Non. Cendrine jouait dans la catégorie au-dessus.

Sa jalousie nous apparut flagrante un jour, sur les rives du lac Caligou, où on était allés se promener avec quelques membres de la bande.

Comme l'ambiance était un peu bizarre (on se faisait clairement chier à marcher dans la nature), Dan prit la parole pour meubler.

« La vache ! Vous avez vu cette nana qui court ? Elle vient de nous mettre un tour de lac dans la vue en moins d'une demi-heure !

- Oh ! c'est bien mon chéri ! Tu es physionomiste : tu as reconnu ses fesses ! »

Je lançai immédiatement un coup d'œil à Cendrine. Elle s'était arrêtée de marcher, prête à chialer. Dan lui glissait quelques mots à voix basse dans l'oreille, quelques pas derrière nous.

« Non, c'est bon ! J'en ai marre là ! T'es qu'un enfoiré ! Tu passes ton temps à mater tout ce qui bouge ! Si tu crois que je te vois pas reluquer cette salope de Fanny tout le temps ! Ou bien les jumelles ! C'est quoi ton problème ? T'as envie de te les taper ? Bah, vas-y, te gêne pas ! Fais comme si j'étais pas là ! »

C'était particulièrement gênant. Surtout parce qu'on avait tout entendu et qu'on faisait semblant de rien. Y compris Fanny et les jumelles.

Les petites crises de nerfs de Cendrine prirent de plus en plus de place dans les sorties au fil du temps. Au bout d'un moment, on ne faisait plus trop attention : ça faisait un peu partie du bruit de fond, comme les mythomanies de Gautier ou les couinements de Busard quand il atteignait les deux grammes d'alcool par litre de sang.

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