Rien ne se passa comme prévu !
Dan pensait que Cendrine finirait par lâcher l'affaire et quitter le studio d'elle-même. Au pire, il arrêterait de payer le loyer jusqu'à ce qu'un huissier vienne la déloger. Ou mieux : elle se suiciderait ou se laisserait mourir de désespoir.
Ça ne serait qu'une question de temps.
Hélas, Cendrine n'était pas d'un naturel patient et nous vivions à l'ère numérique. Elle avait donc à disposition assez d'outils pour tous nous pourrir la vie.
À commencer par les mails et téléphones. Elle inonda tous nos réseaux, messageries et boîtes de réception avec une kyrielle de mots déprimants, où elle appelait tantôt à la solidarité, à l'amitié ou encore au chantage affectif. En désespoir de cause elle menaça de porter plainte contre nous pour non assistance à personne en danger, voire carrément pour complicité d'homicide. Car, oui, elle était sur le point de mourir à cause de la tristesse et de l'anxiété qui lui rongeaient le corps et l'âme. Et ça, c'était grave. Et même que c'était de notre faute, nous les complices de ce drame. Elle ne demandait pas grand chose : juste l'adresse et le numéro de téléphone des parents de Daniel.
Dan avait fait passer le mot et nous avait ordonné de ne surtout pas lui répondre.
Et nous avions tous respecté ses choix, en pensant nous aussi voir disparaître cette sorcière à plus ou moins court terme.
Sauf Gautier qui était persuadé qu'il réussirait à se taper le cul de Cendrine.
Gautier n'était pas à son coup d'essai. Depuis un moment, il essayait d'argumenter auprès de Cendrine pour la convaincre que Dan n'était pas un mec assez bien pour elle, mais que lui, par contre, saurait bien s'occuper d'elle.
Du coup, Cendrine se mit à traîner avec lui dans le seul but qu'à un moment ou un autre, il lui lâcherait les informations qu'elle voulait connaître : où se cachait cet enfoiré de Dan.
Mais Gautier n'était pas tout à fait un imbécile. Il savait que si Cendrine remettait la main sur Dan, celui-ci abdiquerait sans lutter et Gautier pourrait dire adieu à son plan pour se vider les couilles.
De notre côté, moi et la bande de potes, nous avions dû un peu modifier nos habitudes. Finie la Casa Cubana pour quelques temps : Cendrine passait tous ses weekends en planque devant le parking du bar afin de nous tomber dessus.
Finies aussi les sorties à Saint-Quentin ou au Caligou : Gautier (et sa voiture) nous avait laissé tomber, trop occupé qu'il était à passer ses nuits auprès de Cendrine, nourrissant toujours l'espoir de la tirer à force de patience et de dialectique de dragueur.
C'était quand même très pénible.
Au bout d'un moment, il fallut se rendre à l'évidence : les problèmes de Dan ne devaient pas devenir nos problèmes. On se remit donc à sortir à la Casa Cubana et on répondait froidement à Cendrine lorsqu'elle s'invitait à notre table pour nous tenir le crachoir.
N'y tenant plus, un jour Amandine lui dit ses quatre vérités : elle nous faisait chier et on en avait rien à foutre d'elle et de sa jalousie de malade mentale. Et de toute manière Dan s'était trouvée une nouvelle meuf, alors elle ferait mieux de nous lâcher la grappe et de finir ses jours à l'hôpital psy de Sordide-sur-Yvettes.
Et là, la crise monta d'un cran !
C'était parfaitement prévisible, mais ça nous saoulait tellement qu'on aurait tout fait pour se débarrasser de cette tarée.
Elle se mit à nous suivre partout. Nous harcelant pour savoir qui était cette fille et pourquoi Dan ne voulait toujours pas nous répondre.
Elle nous poursuivit même jusqu'en boîte et obligea Gautier à nous suivre en bagnole partout où nous allions.
Lui se marrait comme un fennec. Il était persuadé d'avoir le meilleur rôle et il se prenait pour James Bond au volant de sa 806 déglinguée. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il avait été insta-friendzonné dès qu'il était venu consoler Cendrine.
Dan s'était en effet trouvé une copine. En fait il sortait avec Amanda. Elle aussi était venue le consoler, au grand dam de sa jumelle qui voyait déjà poindre à l'horizon le plus gros shitstorm de tous les temps.
Pour éviter de se faire gauler, Dan eut la brillante idée de s'inventer de toute pièce une copine imaginaire.
Le plan était machiavélique et il fonctionna quelques jours.
L'idée était de faire croire à Cendrine que Dan avait emménagé chez Hugues, mais qu'il n'y était pas très souvent. En fait, la copine imaginaire de Dan venait le chercher en voiture : elle avait une Clio verte, elle était brune et travaillait au centre de tri de la poste. Et c'est tout ce qu'on savait à son sujet.
Avec un objectif aussi vague, on s'attendait à ce que Cendrine, psychopathe comme elle était, passerait le reste de sa vie à rechercher cette fille imaginaire.
Cependant, la fille n'était pas si imaginaire que ça, puisqu'une certaine Cécile Dillo, totalement inconnue de nous, correspondait à cette description.
Cendrine et Gautier passèrent des jours et des jours à suivre la pauvre fille, se faufilant derrière sa Clio verte à la sortie de son travail et jusqu'à son cours de zumba à la salle de gym.
Cendrine pétait un plomb. La fille en question portait des pulls en laine, ce qui était le comble de l'horreur à ses yeux. Comment Dan pouvait-il sortir avec une fille qui portait des pulls, alors qu'elle, la sublime Cendrine, avait toujours porté un soin excessif à ses parures, ses fringues, ses cheveux. Cette sinistre rivale n'était autre que l'incarnation du Mal et du mauvais goût. Elle était son exact opposée, ce qui prouvait bien que Dan était ravagé et qu'il avait besoin d'être sauvé.
Gautier pendant ce temps désespérait de pouvoir un jour convaincre Cendrine de coucher avec lui. Comme ça faisait désormais plus d'un mois que sa sollicitude et ses mots doux ne menaient à rien – en plus de servir de chauffeur de taxi à Cendrine toutes les nuits – il finit par renoncer, mais pas sans exiger le tribut de sa frustration.
Il avoua à Cendrine que Dan sortait avec Amanda et que tout le monde le savait. Il l'avait appris de la bouche de Jocelyn la veille.
Ce qui était un parfait mensonge, puisque c'était Busard qui le lui avait dit, trois semaines plutôt avant de sombrer dans son coma éthylique hebdomadaire.
Dès ce moment-là, l'amour caché de Dan et Amanda devint totalement ingérable. Puisque Cendrine savait où vivait les jumelles, elle vint se poster devant leur porte tous les jours à l'heure où elles sortaient pour aller au lycée. Elle loua une voiture pour les suivre, puisque Gautier ne voulait plus la conduire. C'était extrêmement anxiogène pour les jumelles, car Cendrine n'avait jamais été capable de les distinguer. Du coup elle harcelait une fois sur deux Amandine qui n'y était pour rien du tout dans ce bordel.
À la fin, Daniel finit par larguer Amanda et se repointa dans son ancien appartement (toujours à son nom d'ailleurs) et accepta de revenir vivre avec Cendrine à condition qu'elle accepte de faire des efforts et qu'elle devienne un peu moins jalouse.
Il lui présenta une liste de conditions, sorte de contrat de cohabitation qui devait leur garantir une relation plus saine. Il demanda à Joss et moi de servir de témoins et d'arbitres pour valider ces négociations.
Cendrine regarda le papier, le lut, nous jeta des regards plein de mépris et froissa le contrat avant de le balancer dans le cendrier le plus proche à la terrasse de la Casa Cubana.
« Si tu crois que j'en ai quelque chose à foutre de tes conditions ! Si tu as accepté de larguer tes pouffiasses de jumelles pour revenir avec moi, ça veut dire que c'est toi qui te sens coupable. C'est à toi de faire des efforts. Si t'es pas content, tu peux toujours aller te faire voir, toi et tes potes nazes. »
Dan accepta tout de même de revenir au bercail et tout redevint comme avant.
Et nous autres, nous ne faisions plus vraiment attention à ses crises de jalousies.
De toute manière, l'attention du groupe allait bientôt se focaliser sur un autre problème, tout aussi grave et délicieux.
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Drama Kingdom
Fiksi UmumTout va bien à Angevilliers, petite ville de province où vit une bande de jeunes gens cool assoiffés de drama et de crises existentielles sordides. Tout du moins jusqu'au jour où deux potes décident de sortir avec un couple de BFF aussi jalouses que...