3 jours plus tard
Aujourd'hui encore, j'ai attendu AeCha à notre banc. Elle est arrivée en courant, m'annonçant qu'elle voulait absolument faire quelque chose qui, d'après elle, ne me plairait pas. Puis elle a couru vers le métro. Bien sur, je l'ai suivie.
Me voilà donc dans une boutique de cadenas. Je crois avoir saisi ce qu'elle veut faire, mais comme elle a l'air très déterminée, et a même ramené de l'argent pour l'occasion, je la laisse pour le moment. Elle se retourne vers moi, un grand sourire sur le visage, et me demande :«- Alors ? Tu préfères lequel, Namjoonie ?»
Je me tourne vers elle et soupire. J'ai depuis bien longtemps abandonné toute forme de rébellion contre ce surnom stupide, car j'ai bien compris, après l'avoir menacée une bonne dizaine de fois, que le combat était perdu d'avance. AeCha est une vraie tête de mule. Elle sautille autour de moi, l'air heureuse et me montre plusieurs cadenas, posés à plat sur sa main, comme s'il s'agissait d'un diamant. Ma gamine attitrée finit par trouver un cadenas assez sobre, argenté, et me le montre. J'accepte rapidement, il est bien plus beau que ses conneries roses pétantes. Elle me sourit, puis marche d'un pas solennel jusqu'à la petite caisse du magasin. Je la vois sortir de sa poche un billet, et commence à rire derrière elle. D'un pas tout aussi solennel, elle vient me frapper le torse. Je ne bronche pas, alors qu'elle s'acharne autant qu'elle peut. L'homme à la caisse, un vieillard aux yeux pochés nous regarde, l'air attendri. J'aimerais lui dire que ce n'est pas ce qu'il croit, mais quelque chose m'en empêche. Pourtant, nous l'avons fait tellement de fois, avec AeCha, de remballer les gens qui nous prennent pour un couple. Elle a même fait croire à un serveur que j'étais son père, mais il lui a ri au nez et elle a boudé tout le long du repas. J'ai fini par la consoler, et quand il est venu nous donner l'addition, elle était dans mes bras, assise sur mes genoux. Il nous a alors lancé un "Je savais que vous étiez un couple !" qui nous a tous les deux troublés. Bien sur, AeCha a ressorti que j'étais son père, mais il s'est contenté de sourire. Depuis, elle n'a plus utilisé ce mensonge, il me semble.
Épuisée, mon amie retourne en face de la caisse, sans remarquer le regard que le vendeur portait sur nous. Elle paye le cadenas et repart, toujours aussi heureuse, en marchant d'un pas léger dans la rue.
Nous finissons par arriver sur un pont, au dessus du fleuve Han. AeCha se retourne vers moi, un grand sourire peint sur les lèvres, et sort de son petit sac en bandoulière, un compas et son marqueur indélébile. Je ris en la voyant.«- Quoi ? Qu'est ce que j'ai fait de mal ? s'appeure-t-elle.
- Ne t'inquiète pas, c'est juste que... Un compas...» j'arrive à expliquer entre deux éclats de rire.Elle soupire en me regardant, l'air vraiment navré.
«- T'as pas mieux de toute façon.»
J'arrête de rire à cette réflexion, elle a raison après tout. Je lui emboîte le pas jusqu'au bord, mais étrangement, elle s'assoit contre le grillage, et commence à jouer avec son compas. Elle a perdu son sourire. Soudainement alerté, je me rapproche d'elle, puis m'assois à ses côtés.
«- Je t'ai vexée ?»
Aucune réponse. Elle ne me jette même pas un coup d'œil.
«- Si tu ne me réponds pas, je ne peux pas savoir.
- Je m'en fiche.»Sa réponse est étonnement froide. Je ne connais pas cette AeCha, celle qui me remballe et n'en a rien à faire de moi.
«- AeCha..? Je suis désolé...»
Je passe mon bras autour de ses épaules, dans une dernière tentative pour la récupérer. Contre toute attente, elle se laisse faire, et se rapproche même de moi. Au bout de quelques minutes, elle se blottit contre mon torse, et pose sa tête contre mon épaule. Elle me chuchote quelques mots, et je sens son souffle chaud contre mon cou.
«- Je suis triste NamJoon.»
J'aime cette façon que nous avons de souvent répéter le prénom de l'autre, comme s'il était quelque chose de très précieux.
Soudain, je sens ses larmes couler le long de mon épaule, puis de mes clavicules. Tout cela me rappelle le jour de son anniversaire. Ses larmes sont brûlantes, ce qui contraste parfaitement avec le froid de l'air extérieur.
Je ne sais pas pourquoi elle pleure, mais je ne compte pas lui demander. Je sais que cela la rendra seulement plus triste. Puis, si quelque chose de vraiment important arrivait, elle m'en parlerait, alors je pense qu'elle a simplement un coup de blues.
Les passants nous regardent étrangement. Ce n'est pas tous les jours qu'ils voient une adolescente pleurer dans les bras d'un jeune adulte, assis à même le sol, en plein mois de novembre. Je me fous du regard des gens, tant que je me sens bien...Au bout de plusieurs minutes, elle arrête de pleurer, relève la tête et me regarde, de ses yeux rouges et brillants. Puis, avec sa voix cassée par ses sanglots, elle me demande :
«- On peut accrocher notre cadenas ?»
Je lui souris, et me lève. Je lui tends ma main, qu'elle saisit pour s'aider à relever, et une fois à côté de moi, Je la questionne :
«- Alors ? Tu veux le mettre où ?»
Silencieusement, elle me désigne l'endroit où nous étions assis il y a à peine une minute. Elle s'accroupit devant une maille précise de la grille, puis me regarde.
«- Ça te va, cet endroit, Namjoonie ?
- Bien sur, si c'est l'endroit qui te plaît.
- Comme tu es galant.»Elle me fait signe de venir près d'elle, et je l'aide à accrocher notre cadenas. Une fois accroché, nous attrapons chacun une des deux clefs données avec le cadenas, et nous penchons au dessus de la rambarde du pont. Au dessous de nous, les eaux tumultueuses d'un fleuve s'écrasent et s'échouent contre les bords bétonnés des quais. AeCha se tourne vers moi, elle me regarde, un sourire aux lèvres. Je lui souris en retour, et ensemble, sans un remord, nous lâchons nos clés dans l'eau sale.
Tout de suite, AeCha sautille et se penche encore plus vers le bord, sa main au dessus des yeux.«- Je vois même plus la clef Namjoonie ! Elle est descendue vachement vite.
- Fais attention, tes lunettes vont elles aussi descendre vachement vite si tu continues de te pencher.»Elle soupire, se redresse, enlève ses lunettes et me les confie, puis se penche à nouveau au bord du pont. Irrécupérable.

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Loser [ k.nj ]
FanfictionRécit des jours où AeCha court vers NamJoon, le sourire aux lèvres. « -J'ai pas besoin de toi. - C'est ça ! » Elle, la gamine écervelée pleine de rêves et d'espoir, qui court vers lui, loser presque adulte, assis sur leur banc.