07

3.1K 465 59
                                    

Nous nous étions à nouveau noyés dans cette délectable luxure.

- Montre-moi tes douleurs. Me murmura-t-il.

Et c'est ce que je fis.

Je le retournai, ventre contre matelas, et maintenais sa nuque entre mes doigts. Ses gémissements sous chaque à-coup que je lui assénai me firent grogner entre les dents. Je me penchai, posai mes lèvres entre ses omoplates.
Il agrippait les draps, bloqué par ma main qui le faisait suffoquer. Je soulevai son bassin, et emprisonnai ses poignets dans le bas de son dos.

C'était puissant, dévastateur.

Et dans cette cadence à son summum, nous parvînmes à ce plaisir ultime et grisant.

Nos souffles se confondaient, nous nous affalâmes sur l'étoffe indécemment souillée.

Cette fois, il laissa de la distance entre nos deux corps.

Durant de longues minutes, nous restâmes silencieux, couchés sur le dos, fixant le plafond ténébreux.

Je décidai de briser le silence placide.

- Pourquoi n'es-tu pas resté jusqu'à l'aube, la dernière fois ?

Je vis du coin de l'œil qu'il fermait les yeux. Il ne me répondit pas.

- Tu ne veux pas parler ?

Il lâcha un soupir rauque, mon ventre se contracta.

- Tu n'aurais pas su gérer ma descente, et j'avais pas de dose sur moi.

Je comprenais en cette phrase combien la dépendance le détenait.

- Ta descente ? Feignais-je de ne pas comprendre.

- Ne fais pas mine de t'y intéresser. Remercie-moi plutôt de t'avoir évité ça.

Je ne répondis rien, et me tournai sur le flanc, face à lui.

J'aurais eu envie de glisser mes doigts dans sa frange qui collait à son front. Sa froideur m'en empêchait. Au lieu de ça, je réfléchissais à quoi dire pour entendre à nouveau le son de sa voix. Mais il me surprit, et me devança.

- Pourquoi t'es revenu me voir ? Murmura-t-il, ne me regardant toujours pas.

Je ne savais répondre à cette question. Tout simplement car je ne parvenais pas à expliquer cette obsession. Je ne posais pas de mots là-dessus, et j'étais pourtant conscient que c'était un peu fou.

- Parce que j'en avais envie. Lui répondis-je doucement.

Il laissa enfin son regard glisser sur moi, et ses yeux sombres et tristes se plongèrent dans les miens.

- Tu ne le dois pas. Murmura-t-il.

- Tu t'es pourtant laissé faire.

- Parce que je n'avais pas le choix.

- Pourquoi ?

- Parce que j'en avais envie.

Je laissai le silence nous envelopper après cette dernière phrase qui me rendit muet.

Je voulais le connaître, j'avais mille questions en tête. J'en laissai une franchir mes lèvres.

- Où vis-tu ?

- Partout, et nulle part.

- Tu travailles ?

- Je me débrouille.

- Tu viens d'où ?

- Tu m'en demande trop.

Il se redressa en position assise, et j'observai sa colonne vertébrale qui semblait lacérer sa peau. Il prit sa tête entre ses mains, il semblait lutter contre quelque chose qui m'échappait.

- Et ce soir, est-ce que tu as ta dose sur toi ?

Et j'espérais que ce soit le cas. Je me sentais stupide de vouloir une telle chose. Si bien qu'un sentiment de profonde culpabilité vint tirailler mon cœur douloureux.

J'aurais simplement dû l'en empêcher, ce soir là.

Pour réponse, il se leva, ramassa son vieux jean, puis se mit à en fouiller les poches.

Il revint s'asseoir sur le lit, en tailleur face à moi.

- Puisque tu sembles si curieux, je vais te montrer...

Mes pulsations s'accéléraient, tandis que je le voyais étaler son matériel devant lui. J'avais peur, réellement peur. Et j'étais, définitivement, hypnotisé par chacun de ses gestes.

Fébrile, il prit un élastique large et coupé, puis s'en fit un garrot juste au dessus du coude. Prenant entre ses dents l'une des extrémités, il tira sur le caoutchouc. Ses veines bleutées gonflaient à vue d'œil alors qu'il serrait son poing. Il prit ensuite la seringue sous vide, dont il arracha l'enveloppe avec vigueur. Il plongea l'aiguille dans un petit flacon opaque, et pompa le liquide blanchâtre.

J'étais tétanisé.

- Alors, ça te plaît de voir ça ? Me demanda-t-il entre les dents.

Son ton m'avait brisé le cœur. Sa voix se cassait sous sa propre honte, son dégoût de lui-même horriblement palpable.

Et il enfonça l'aiguille, presque brutalement, avec une aisance qui me fit frissonner. Comme ça, sous mes yeux, comme si je n'étais pas là à le regarder.
Je restais silencieux, paralysé par cet acte que je voyais pour la première fois.

J'aurais dû l'en empêcher, lui prendre cette seringue, et la balancer par la fenêtre.
Mais je ne l'ai pas fait.

Je m'en voulais. Je me détestai de le laisser faire sans ciller.

Et pourtant, lorsqu'il s'injectait enfin la substance, lâchant un râle de plaisir vibrant, je ne pus m'empêcher de le trouver fascinant.
Il fermait les yeux et rejetait sa tête en arrière alors que j'assistais à sa suprême jouissance.

C'était terrible.
Terrible, et complètement hypnotisant.

Je devais remplacer cette jouissance.

Je devais devenir sa nouvelle addiction, quel qu'en était le prix à payer.

~

C'était comme vouloir attiser
les flammes avec des larmes.
Mais leurs larmes
étaient brûlantes.

t r a n s c e n d  •  Kth  ◦  JjkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant