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Par chance, nous nous étions arrêtés non loin de mon quartier.

Ainsi, silencieux, nous marchâmes lentement en direction de mes appartements.

Je l'observais du coin de l'œil, me tenant prêt à le rattraper s'il vacillait.

Il était presque midi, et le temps humide et brumeux refroidissait nos peaux peu couvertes. J'avais hâte de rentrer, et me demandais si lui aussi.

Finalement, nous arrivâmes vite à destination.

Je le fis rentrer à ma suite, et tandis que j'avançai dans le séjour, lui s'arrêta dans l'entrée.

Je compris alors à quoi il pensait. Ou du moins, je tentais de l'imaginer.

Figé, il fixait la pièce d'un œil vide, alors que je m'approchai de lui. Je pris sa main dans la mienne, et le tirai doucement vers l'avant.

- Tu as faim ?

Il hocha négativement la tête.

- Tu es pâle comme la mort, tu as besoin de manger. Dis-je dans un souffle.

Il n'avait même plus la force de répliquer, alors il se contenta de baisser les yeux sur ses pieds. Je l'accompagnai jusqu'au canapé, où je le fis s'asseoir avec précaution. Immédiatement, il se laissa choir sur le dossier, tandis que je couvrais ses jambes d'un plaid qui traînait.

Je me dirigeai vers ma cuisine ouverte, réfléchissant à ce que je pouvais lui faire à manger.

- Du poulet et des nouilles, ça te va ?

Je l'observai de derrière le bar, il avait le regard fixe sur ses mains. Je pris son silence pour une affirmation.

Je m'affairai en cuisine, dans le silence de plomb qui s'était installé.

- Tu auras besoin d'une douche après manger. Lui lançais-je, couvrant le bruit de l'eau qui était en train de bouillir.

Il tourna son visage vers moi, et je suspendais mes gestes.

- Pourquoi tu fais ça ?... Murmura-t-il.

Je marquai une pause, cherchant une réponse qui ne l'effraierait pas.

- Parce que tu en as besoin, et parce que j'en ai envie.

Je vis à son expression que ça ne lui suffisait pas, mais il garda le silence et détourna son regard.

Son repas ainsi que le mien prêts, je mis l'ensemble sur un grand plateau et l'amena sur la table basse.

- Manges, s'il te plaît, même si tu n'as pas faim. Lui ordonnai-je, cependant avec douceur.

Et à mon grand étonnement, c'est ce qu'il fit, bien que peu. Ce qu'il avait avalé me contentait, alors je débarrassai en vitesse, puis me plantai devant lui.

- Je vais t'aider à te laver, et après, tu pourras dormir un peu.

Je tentai un petit sourire hésitant, qu'il ne me rendit pas. Cependant, il sembla alors plus enclin à se laisser faire, et hocha faiblement la tête. Je me penchai et saisissais sa taille pour le relever, puis l'emmenai vers la salle de bain.

- Je te fais couler un bain chaud. Dis-je, en le faisant asseoir sur un tabouret d'appoint.

L'eau brûlante laissait ses vapeurs nous envelopper, tandis que j'entreprenais de le déshabiller précautionneusement. Il se laissa faire comme une poupée de chiffon. Et soucieux qu'il ne se méprenne, j'évitai tout contact qui n'était pas nécessaire.

Lorsque la baignoire fut remplie, je l'aidai à l'enjamber, et il se laissa glisser sous l'eau chaude.

J'entrepris de le savonner, puis le rinçais, comme je l'aurais fait pour un enfant. Je le laissai profiter de la chaleur quelques instants. Il ne bougeait pas, les yeux dans le vide.
Je posais ma tête sur mes bras croisés, appuyés sur le rebord de la baignoire.

Je le détaillai, son visage aux yeux clos, son teint maladif, son buste se soulevant et s'affaissant par ses lentes respirations.

Et mon cœur se serrait pour la énième fois.

Puis, quand l'eau fut plus tiède que chaude, je l'appelai doucement et le fit sortir.

Je le séchai, l'habillai d'un de mes joggings, puis d'un large tee-shirt qui lui allait un peu grand.

Je le menais vers mon lit, le couchai sous les draps frais, et fermai les stores.
C'est naturellement que je vins m'allonger près de lui, me tournant sur le flanc pour le garder à ma vue.

J'avais cru qu'il n'aurait pas été si docile. Pourtant, tout se passait pour l'instant sans accroc.

Et bien que j'espérasse que cela dure, ça n'allait pas être le cas.

Ses lèvres pleines et sèches s'entrouvraient, et, éreinté, il finit par s'endormir.
Moi en revanche, j'en fus incapable.

C'était étrange. L'atmosphère l'était tout autant.

Les deux précédentes fois où nous avions franchi ce seuil ensemble, nous avions fait l'amour.
Il m'avait offert son corps sans me connaître, je l'avais laissé prendre le mien sans condition.

Mais là, c'était différent.
Depuis la nuit passée, quelque chose avait changé. Il n'y avait plus cette fièvre incandescente, ni ce besoin charnel oppressant.

Il ne restait que lui, lui et ses douleurs.

Et moi, et mon obsession envers lui qui ne s'atténuait pas.

C'était juste nous.

Sans ce désir qui altère nos perceptions propres.

Nous avions connu le fusionnel, l'enivrant, le charnel.
Et c'était comme avoir eu la tête dans les nuages, pour brusquement heurter le sol de plein fouet.
Déstabilisant, inquiétant, mais étrangement excitant.

Nous ne sortions vraisemblablement pas ensemble, nous ne nous étions même pas embrassés depuis.

Mais j'étais lié à lui, d'une façon que je n'arrivais toujours pas à m'expliquer.

Et sans même savoir ce que lui ressentait, je lui imposais de rester auprès de moi. Peut-être avec un certain égoïsme.

Mais surtout, et je ne le compris que plus tard, parce j'étais irrévocablement tombé amoureux.

~

Quand la passion
s'était estompée,
elle avait dévoilé
l'évidence qui s'y cachait.

t r a n s c e n d  •  Kth  ◦  JjkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant