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Les sons sourds vibraient à mes oreilles.

Les corps en ébullitions ondulaient dans ces effluves âcres qui embaumaient mes poumons. Les quelques verres que j'avais ingurgité avaient terminé d'amoindrir mes sentiments. Les sens à présent engourdis, je n'avais de place que pour une seule émotion.

Cette obsession. Cette envie irrépressible de lier mon regard au sien.

Il m'avait attiré, il avait fallu que je soulage cette curiosité incandescente. Je m'étais difficilement frayé un chemin parmi cette masse compacte et inconfortable. Je titubais un peu, et régnait dans l'endroit une chaleur presque étouffante.

J'arrivai à sa hauteur, il ne me vit pas tout de suite. Il avait la tête baissée, soutenue par sa grande main un peu maigre. Je n'avais alors plus vu ses orbes fascinantes, dissimulées par ses mèches un peu trop longues. Cela n'avait eu pour effet que de provoquer une croissante avidité qui ne m'avait plus laissé de répit.

Sur sa table, trônait une boisson sombre et indéfinissable, tandis qu'une ligne de poudre blanche semblait attendre d'être consommée.

Il s'était penché en avant, je n'avais pu me détacher. J'avais observé ses mouvements lents, sa chemise en jean un peu miteuse, sa frange humide qui, séparée en son centre, dévoilait un front suintant. J'avais entrouvert les lèvres en observant ses paupières mi-closes lorsqu'il avait rejeté sa tête en arrière.

Et la poudre blanche avait disparu.

Il avait poussé un râle qui m'avait fait frissonner. Il avait semblé éprit d'une extase dont je n'avais été que spectateur, alors que je l'avais regardé prendre son pied.

Cela m'avait excité.

Le bien et le mal n'avaient plus eu de signification, je n'avais plus le luxe de faire cette distinction. Il possédait ce désespoir qui me ressemblait, j'avais envie d'y mêler le mien.

J'avais contourné sa table et m'étais laissé tomber à ses côtés. Il ne m'avait même pas remarqué.

Cette proximité m'avait rendu fou. J'avais malgré moi humé son parfum Musqué mêlé à sa chaleur, il avait gagné ma fascination.

Il avait fermé les yeux, et sa tête avait basculé contre le mur délabré. Ne le voyant pas réagir à ma présence, j'avais glissé mon visage dans son cou, et il avait enfin découvert mon existence. Il s'était redressé, et ses yeux un peu embués, un peu vagues, m'avaient emprisonné.

Il faisait chaud, terriblement chaud. Malgré cela, mon épiderme n'avait eu d'autre choix que de se couvrir de dévastateurs frissonnements.

J'avais lentement approché mes lèvres contre son oreille, j'avais voulu murmurer mais il ne m'aurait pas entendu. Alors je m'étais entendu lui parler d'une voix sourde et dure.

- Appartiens-moi, juste pour cette nuit.

Ç'avait été plus assuré que je ne l'aurais cru. Ses lèvres pleines s'étaient entrouvertes, son regard sondait chaque parcelle de mon être. Il y avait sur ce visage si proche de la perfection une vulnérabilité évidente, qu'il semblait pourtant vouloir dissimuler. En vain.
J'avais perçu cette lueur éteinte au fond de ses prunelles, ses traits détendus par la substance qui parcourait ses veines et semblait le transporter.

Il m'avait, en réponse, offert un souffle, moins qu'un murmure.

- D'accord.

~

Nous avions plongé
là où il était impossible
de s'évader.

t r a n s c e n d  •  Kth  ◦  JjkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant