Chapitre 1 - Le début et la fin (8)

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Alyss n'en croyait pas ses oreilles. Son père était allé pactiser avec ce diable de Singe pour qu'il lui fiche la paix. Mais apparemment, ce qu'il lui avait offert n'était pas suffisant. Le Singe haussa simplement les épaules, l'air innocent.

— Changeons de sujet, poursuivit l'Artificier. Tu as les dernières pièces que je t'ai demandées pour ce soir ?
— Ouais, m'sieur ! répondit l'adolescent en mimant un garde-à-vous qui se voulait comique.
— Tout est prêt de ton côté, au moins ? Nous ne devons en aucun cas être en retard.
— Tout est paré pour le grand feu d'artifice !

Les deux hommes se toisèrent. Non par respect mutuel, mais plutôt par défiance, l'un ne sachant pas ce que l'autre avait réellement en tête. Si le Singe pouvait devenir nuisible à moyen terme, l'Artificier ne pouvait pas s'en passer dans l'immédiat. L'opération du soir devait réussir et, sans son appui pendant les préparatifs, l'équipe de l'Artificier aurait pris beaucoup de retard. Après, il pourrait éventuellement songer à se débarrasser du Singe. Ni vu ni connu. Un simple accident qui, même s'il pourrait temporairement engendrer quelques problèmes d'approvisionnement, allait surtout amener une bouffée d'oxygène auprès de tous ses débiteurs. Même sa fille Alyss pourrait peut-être en bénéficier.

De tout cela, le Singe se doutait, mais pour l'heure il n'en avait rien à foutre. Un gros coup se préparait, et il voulait en être. Le soir même, il avait rendez-vous avec l'adrénaline des choses interdites. Il y aurait sûrement de la castagne, mais l'adolescent y était habitué et ne la redoutait pas. Par-dessus tout, il allait enfin gravir les pentes du tell, passer les points de contrôle, et grappiller quelques bonnes trouvailles en chemin ! Comme beaucoup d'autres, il nourrissait le rêve d'atteindre, une fois dans sa vie, la plate-forme de la Zone 3. Sans pour autant lui-même partir. Il y avait trop d'affaires juteuses à faire dans les pentes.

Alyss les observait en silence. Elle avait du mal à encaisser que son père eût besoin d'un type pareil. À l'évidence, une importante opération était en préparation, mais la jeune fille n'en connaissait pas la teneur exacte. Tout juste avait-elle vu son paternel sortir le soir à une fréquence plus élevée, ne rentrant que très tard dans la nuit. Elle savait qu'il faisait partie d'un comité de soutien aux familles du Ghetto, mais elle ne connaissait rien de la place exacte qu'il y tenait. Elle en savait encore moins sur le rapport qui existait entre le comité et les activités du Singe.

— On se retrouve au point P-12 à 21 h. Sois à l'heure, précisa l'Artificier. Quant à toi, ma fille, tu bouges tes pieds et tu me suis.

Rêves d'UticaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant