5 ~ Astéria ☆

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« Je me crois en enfer, donc j'y suis. » — Arthur Rimbaud

J'ai passé toute la récréation avec Aleksi et puis Flora nous a rejoints avec trois gobelets de chocolats chauds. Tout deux sont très gentils et c'était adorable de la part de Flora de nous avoir ramené des boissons chaudes. Le temps s'était rafraîchi et j'avais dû reprendre mon écharpe. Flora m'avait d'ailleurs complimentée, me disant que cela mettait en valeur mes cheveux et mes yeux. Je l'avais simplement remerciée en bafouillant. Je ne savais pas comment le prendre, je n'ai pas l'habitude d'être complimentée.

Je suis maintenant chez moi et je viens d'envoyer un message à Aleksi et un autre à Flora qui m'a aussi donné son numéro. J'ai un peu discuté avec chacun d'eux avant de me coucher, sentant mes paupières s'alourdir. Aujourd'hui ma journée a été assez calme, il n'y a pas eu d'événements particuliers et ma morosité du matin s'est envolée avec ma matinée . Parler aux jumeaux m'a fait du bien. Pour une fois, je me suis sentie presque normale. Même les remarques que Gary, Daniel, Alison et Lana m'ont faite après lors du cours d'histoire ne m'ont pas blessée. Je ne les ai pas entendues. En même temps, après les dessins, je ne vois pas comment ça peut être pire. Je frissonne rien qu'en y repensant et me tourne de l'autre côté, décidant plutôt de penser aux jumeaux. Je les connais à peine, et ils sont l'air d'être pleins de bonnes intentions. Mais je dois quand même faire attention, on ne sait jamais. Je finis pas m'endormir, à croire que les insomnies à répétition ont fini par me fatiguer au point de pouvoir avoir une nuit complète.

~

Au matin, mes yeux sont collés et je peine à me lever. Je grogne en entendant la porte d'entrée claquer à dix minutes d'intervalle. Mes parents sont partis travailler. J'ai encore une heure devant moi. Je me retourne et tente de me rendormir, mais mes pensées se tournent vers le lycée, et je sens une boule se former au creux de ma gorge. Je sens ma respiration s'accélérer et bientôt je suffoque presque tant ma respiration est saccadée. Je ne veux pas y retourner. Pourtant je n'ai pas le choix. Ma poitrine est pleine de soubresauts et je perds le contrôle sur mes tremblements. Je respire par à coup et sans que je ne puisse expliquer pourquoi, des larmes brûlantes coulent le long de mon visage. Je lâche prise et mes tremblements se font plus violents. Tout devient flou dans ma tête et je suis incapable de trier mes pensées et tout s'emmêle.

« J'ai peur, je ne veux pas y aller mais j'ai déjà vu pire, je sais rester forte. Je peux survivre à cela, non je ne pourrai pas. Qu'est-ce qui m'arrive ? Pourquoi je ne contrôle rien ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi je tremble autant ? Je pleure ? Mais je ne m'en suis pas rendue compte ! Je dois me reprendre, ce n'est rien, ça va passer. » Je me raisonne et tout doucement, mon esprit brumeux devient plus clair, mes larmes s'évaporent comme elles sont arrivées, ma respiration se fait plus calme et mes tremblements s'atténuent avant de disparaître complètement. Épuisée, je me rendors.

C'est avec le visage pâle et l'esprit tout engourdi que je me lève ensuite, arrachée aux bras de Morphée par mon réveil que j'aurais aimé jeter par la fenêtre. Pourquoi a-t-on inventé les réveils ? Tout le monde les déteste et ils ne font qu'hurler pour nous rappeler qu'une longue et difficile journée nous attend.

Je me prépare et pars pour le lycée sans rien manger, ayant l'estomac noué. Je fais comme hier et prends le chemin le plus long, ne voulant pas arriver trop tôt. Avec mes écouteurs enfoncés dans les oreilles, mon téléphone dans ma poche, mon sac à dos balançant contre mon épaule, j'ai presque l'air d'être une fille normale. Tête baissée, je progresse parmi les rares passants. Certains me dévisagent car j'ai sûrement l'air triste, alors qu'en réalité je suis juste plongée dans mes pensées. Tout va bien, c'est juste moi qui parfois réagis de manière exagérée. Ce n'est pas de leur faute si je prends tout au premier degré, et puis ils n'ont pas tord à mon sujet. C'est vrai que je suis horrible. Un monstre. Parce que je ne correspond pas à la normalité. Alors ils ont raison de me le faire remarquer, au moins je peux essayer de corriger tout cela ou bien dissimuler une partie. Je pense qu'ils arrêteront quand je serai comme eux. Mon ventre gargouille et je décide de m'arrêter à une boulangerie de la rue. J'achète un cupcake au chocolat ainsi qu'un café au lait. Je mange en marchant et ralentis quand j'arrive à proximité du lycée. Je jette mon gobelet vide et marche jusqu'à l'entrée. Mon estomac se tord et je redoute à nouveau d'arriver. J'aimerais tellement que le temps s'arrête. Pourquoi ne puis-je pas, comme dans les films et les livres, manipuler le temps à ma guise ? L'arrêter, l'accélérer, le ralentir, retourner en arrière et corriger mes erreurs, empêcher les pires évènements d'arriver, etc.

R & JOù les histoires vivent. Découvrez maintenant