« On parle toujours mal quand on n'a rien à dire. » - Voltaire
Je déteste les lundis matins. Je déteste les lundis tout court. En fait, je déteste tous les jours de la semaine sans exception. Mais, j'aime les écureuils, les écureuils de Central Park. Même si je n'ai jamais mis un seul orteil à New-York. Pourtant, ce n'est pas si loin d'Orlando. Enfin si, un petit peu quand même.
Les écureuils sont beaux, eux, avec leurs queues en panache qui rappellent les flammes. Moi je n'ai que leur couleur rousse. Les écureuils sont tout petit et mignon avec leurs doux poils, et moi je suis juste petite, ou du moins pas très grande. Ils peuvent grimper aux arbres, voler d'arbres en arbres pour certains, ils cachent leurs noisettes et hibernent en hiver. En fait, je n'ai aucun point commun avec les écureuils. Si, ils ont de grands yeux bruns où se reflète le monde. Je ne sais même pas pourquoi je parle d'écureuils alors que le professeur de sciences déblatère son cours incompréhensible. Enfin si, je pourrais le comprendre si j'avais envie d'écouter, mais je préfère comprendre à la maison.
Assise au dernier rang, je suis sûre que personne ne me remarquera. Mais, tout est relatif car je ne passe jamais inaperçue. C'est même étonnant que le cours soit silencieux aujourd'hui. Même anormal. Je relève la tête, m'attendant à voir, comme dans les films, les regards de tous mes camarades et du professeur sur moi, mais non, c'est juste que les gens font les exercices qu'il vient de lister. Enfin, faire... Aleksi, devant moi, recopie le corrigé du livre tandis que sa sœur Flora s'escrime à faire l'exercice par elle-même, Daniel dort la bouche ouverte sur son cahier, Gary drague Rosie et Lana sous le regard noir de Jace et Alison tente de substituer un livre à quelqu'un. C'est tellement bien d'être au dernier rang, on a une vue imprenable sur toute la classe. Et c'est aussi là qu'on en apprend le plus sur les gens. Par exemple, dès que Flora relève la tête, elle regarde Daniel puis son jumeau, et dès que Jace relève la tête, c'est vers Rosie que ses yeux vont.
J'arrête d'observer tout le monde et me décide à reprendre mon croquis d'écureuil. Voilà pourquoi je parlais d'écureuil : j'étais en train d'en dessiner un. J'observe mon dessin au crayon : même si c'est une ébauche, on a quand même l'impression de voir un écureuil. Un écureuil dans une salle de sciences. Correction, une image d'un écureuil dans une salle de sciences, car ce n'est pas un vrai écureuil en chair et en os mais bel et bien une image d'écureuil. Instinctivement, je regarde l'écureuil empaillé aux côtés d'un furet et de deux souris au-dessus de l'armoire à verrerie et à microscopes. Le pauvre, il n'a pas demandé à finir dans une salle de classe ! En tout cas, lui, c'est bien un vrai écureuil, mort, mais c'en est un.
Que la vie doit être simple quand on est un écureuil ! On se borne à courir partout tout l'été pour chercher des glands, on se fait un nid et on cache ses glands un peu partout, on dort tout l'hiver et on recommence. Eux, au moins, ils n'ont pas à surveiller leurs moindres faits et gestes, à maîtriser leurs émotions et à contrôler leur corps pour rester impassible dans toutes les situations. La vie est vraiment plus simple quand on est un écureuil.
Le professeur commence à corriger les exercices à haute voix et je me décide à noter la correction. Je croise les doigts pour ne pas qu'il m'interroge. Aucun risque, il ne connaît pas mon nom ! Et puis, il ne peut pas me voir, je suis cachée derrière le dos d'Aleksi. Mais ça, c'était évidemment sans compter sur Alison, Gary et toute leur bande :
« Qui peut corriger l'exercice ? demande le professeur, en jaugeant toute la classe de son regard. Je m'arrête de dessiner et garde la tête baissée sur ma feuille.
- Astéria, dit quelqu'un, à voix basse
- Elle ne dit jamais rien, renchérit Alison, en rejetant ses longs cheveux noirs dans son dos. Pourquoi diable avait-elle toujours l'air d'incarner la peste par excellence alors qu'elle pouvait être gentille ? Enfin, je crois qu'elle sait être gentille, ou plutôt je l'espère.
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R & J
Tienerfictie« L'Enfer, c'est les autres. » - Jean-Paul Sartre Avez-vous déjà perdu tout espoir ? Vous êtes-vous retrouvé(e) au fond du gouffre ? Avez-vous dû faire semblant ? Vous êtes-vous déjà rendu(e) compte que l'enfer, c'est les autres ? Astéria Redwood...