« La rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu'elle fleurit. » — Angelus Silesius
Jaune, jaune, ici tout est jaune ! Jaune moutarde, jaune tournesol, jaune saumon, jaune soleil, jaune Van-Gogh ! La couleur du soleil, la couleur de l'éveil, la couleur du bonheur. Les rayons du soleil traversent les volets et viennent me chatouiller le visage, il est l'heure. Je m'étire, songeant que les cheveux roux pouvaient être associés aux rayons enflammés du soleil et les tâches de rousseur à ... des trucs bruns sur le visage ? Je prends un débardeur bleu marine et le premier pantalon que je trouve. Ce soir, c'est camping ! J'étais plutôt contente, j'avais réussi à le sortir de ma tête. J'avais construit des murailles autour de mon coeur comme Antigone a été emmurée. Comme un fort inatteignable. Je ne devais pas, je ne pouvais pas. Il valait mieux que je m'évite de souffrir inutilement ! Et puis, il fallait plutôt que j'apprenne d'abord à être heureuse seule, non ? Encore fallait-il savoir ce que c'était, être heureuse.
Quel soulagement, de ne plus avoir l'impression d'être retenue par un fil, de ne plus vaciller et trembler sur son chemin, de ne plus louvoyer entre maux et injures, de ne plus essuyer vents et marées par autrui. C'est moi que je dois combattre pour avancer, désormais. Celle qui s'endort en pleurs le soir, celle qui n'arrive plus à respirer le soir, celle qui se chuchote des horreurs à propos d'elle-même, celle qui cherche à se détruire elle-même. Elle doit disparaître au profit d'une autre différente : celle que j'ai choisie d'être. Je peux, même si le soir je me sens incomplète et que je me persuade que je n'arriverai jamais à avancer.
Une fois le petit-déjeuner expédié, je m'installe à mon bureau. Les mathématiques n'ont qu'à bien se tenir ! Mais, il y avait bien-sûr quelque chose que je n'avais pas prévu : j'étais un peu anxieuse. Pourquoi ? Parce que je savais qu'à la seconde où j'allais le voir, tout le travail que je m'étais donné tant de mal à construire allait être réduit à néant. Parce que je savais bien, au fond de moi, que je me mentais à moi-même en affirmant ne pas être tombée amoureuse de lui et ne plus rien ressentir. D'ailleurs, quand étais-je tombée pour lui ? Impossible de répondre. Je dirais que ça s'est fait tout seul, indépendamment de moi.
Mais en même temps, il me semblait bien que j'étais perdue. A force de me répéter que non, il n'y avait rien, j'avais fini par y croire. Et puis, je ne savais même plus ce que c'était d'aimer quelqu'un. L'avais-je seulement su ? C'était comme si un brouillard épais torsadait mon chemin.
Onze heures, douze heures, treize heures, quatorze heures. Je me noie dans du travail pour ne plus réfléchir, pour faire taire mon cerveau, pour détruire les images qui n'arriveront jamais défilant devant mes yeux.
Seize heures tapantes. Je prépare mes affaires. Cela me prend moins de temps que prévu. Je décide alors de reproduire une image issue d'un comics pour penser à autre chose. Tandis que le visage de la jeune fille apparaît sur ma feuille beige, je réponds aux messages d'Aleksi, tout en pensant que depuis des jours, la difficulté résidait dans le fait de rester en contact avec lui tout en étouffant et ignorant la moindre étincelle d'amour se profilant à l'horizon.
Je repasse au marqueur noir les contours et m'arrête dans mon trait, juste pour lui répondre, ce que je ne devrais pas faire. Mais si je voulais qu'il ne remarque rien, je devais agir normalement, et j'ai toujours eu cette fâcheuse habitude de répondre dans la minute. Je prends mon pot d'encre brune, mais il est l'heure pour moi de partir. Avant de quitter ma chambre, je prends bien soin d'éteindre mon coeur.
J'ai l'air de partir huit jours, avec mon oreiller, mon sac de couchage et mon sac à dos. Mon père vient de me faire la remarque. Je rentre dans la voiture et c'est parti. En route ! Je suis bien décidée à me prouver que j'ai réussi à l'oublier, du moins de cette manière-là. En une quinzaine de minutes, nous y sommes. Mon père salue brièvement Rosie et Flora qui m'attendaient, Jace et Aleksi étant déjà en train de monter les deux tentes, même si on risquait de dormir à la belle étoile.
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R & J
Dla nastolatków« L'Enfer, c'est les autres. » - Jean-Paul Sartre Avez-vous déjà perdu tout espoir ? Vous êtes-vous retrouvé(e) au fond du gouffre ? Avez-vous dû faire semblant ? Vous êtes-vous déjà rendu(e) compte que l'enfer, c'est les autres ? Astéria Redwood...