« La véritable indulgence consiste à comprendre et à pardonner les fautes qu'on ne serait pas capables de commettre. » — Victor Hugo
Astéria ne veut pas parler. Mais quelle perspicacité. C'était la conclusion à laquelle j'étais arrivée à la fin du week-end. Ce n'est pas vraiment une conclusion, c'est un constat. Ou carrément un truc gravé au fer rouge avec lequel on doit faire. Je ne comprends pas pourquoi elle ne se confie pas. Je ne vais pas lui planter un couteau dans le dos. Je ne sais pas si elle fait une erreur. Peut-être que c'est à cause de moi. Qu'est-ce que j'aurais fait de travers ? C'est bien ça le problème ; je n'en sais rien. Pourtant, ma tante m'a toujours répété que tout le monde ne demandait qu'à être écouté, qu'il fallait aller au-delà de l'apparence, et puis des mots, et que parler était le premier pas vers la liberté, vers le retour au bonheur.
« Eh, dépêche-toi ! On va être en retard !
Flora me donne un coup de coude et je fais tomber mon toast dans mon café, éclaboussant la table. Elle éclate de rire tandis que je contemple les gouttes noires sur la table blanche. Flora claque des doigts sous mes yeux :
— Allez, réveille-toi !
L'esprit encore à moitié embrumé, je me lève de table. J'ai l'estomac trop noué pour avaler quoi que ce soit. Je remercie mon contrôle de mathématiques de neuf heures pour ça. Après avoir enfilé ma veste et pris mon sac, je suis dehors, mes écouteurs sur mes oreilles. Flora me rejoint et nous partons.
Une bonne partie du trajet se fait en silence. Je suis encore à moitié endormi, et le froid mordant me donne envie de rentrer me recoucher.
— J'ai vu Astéria, samedi, je finis par dire, rompant le silence
— Ah oui ? s'étonne ma soeur, où ?
— Au parc, près du centre-ville.
— Elle allait bien ?
— Honnêtement, pas autant qu'elle le laisse croire.
— Elle encaisse tout sans rien dire.
— Elle s'est quand même défendue, vendredi.
— Je ne sais pas si elle a bien fait. La discrétion, c'est la clé de la liberté.
— Je pense qu'au contraire elle a bien fait.
Volontairement, j'ignore ce que dit Flora sur la discrétion. Elle ne comprend pas. Elle ne veut pas comprendre. On rentre dans le lycée et je songe que ce lieu est la hantise de beaucoup de lycéens parce que les cours y sont ennuyeux. Alors que pour d'autres, c'est un véritable enfer.
Je vois Astéria revenir des casier, ses cheveux roux volant en tout sens sous le vent. Elle m'adresse un large sourire que je lui rends, malgré ses yeux rougis et les cernes marquant son visage.
— La pauvre, dit Flora en l'observant. Ce qu'il s'est passé vendredi l'a achevée.
J'hausse les épaules.
— Non, pas « la pauvre ». Elle ne voudrait pas que tu dises ça d'elle.
— Peut-être, mais c'est vrai, réplique ma soeur
— Ça renvoie au fait de plaindre quelqu'un et d'avoir pitié. A mon avis, elle ne veut pas que les gens voient ça sous cet angle.
— Depuis quand tu t'intéresses au sens des mots, comme ça ?
— Depuis qu'une fille de notre classe s'en prend plein la-...
— Mais arrête d'être vulgaire ! me coupe-t-elle
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R & J
Fiksi Remaja« L'Enfer, c'est les autres. » - Jean-Paul Sartre Avez-vous déjà perdu tout espoir ? Vous êtes-vous retrouvé(e) au fond du gouffre ? Avez-vous dû faire semblant ? Vous êtes-vous déjà rendu(e) compte que l'enfer, c'est les autres ? Astéria Redwood...