9 | Apologie de la vie

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– Qu'est-ce que tu détestes le plus dans la vie ?

Une énième question franchit les lèvres de Judy, repoussant à des kilomètres de là le silence nocturne qui survole les esprits ensommeillés en cette heure bleutée. Il est l'heure pour les fêtards d'aller danser, pour les enfants de rejoindre Morphée, pour les travailleurs de fermer leur dossier. Il est l'heure de laisser vivre l'humanité au rythme d'une douce soirée.

– Sûrement le fait qu'elle ait une fin, lui répond Nate sans la moindre hésitation, en fixant l'horizon.

De ses longs cils papillonnant se courbant sur son regard perçant, Judy fixe d'un air presque consterné l'enveloppe charnelle à ses côtés.

– Les choses ne sont pas vraiment faîte pour durer éternellement tu sais, lui fait-elle alors remarquer.

– Je sais bien... On dit même que les plus belles choses ont une fin ! feint-il avec un semblant d'enthousiasme. Mais c'est triste de se dire que tout peut s'arrêter du jour au lendemain... J'ai du mal à me faire à cette idée... J'aurais toujours l'impression de ne pas avoir pu accomplir tout ce que je souhaitais faire dans ma vie.

– Je comprends, et pourtant il va bien falloir t'y faire. C'est lorsqu'on commence vraiment à prendre conscience de notre mortalité, qu'on parvient à vivre notre vie comme elle se doit, et qu'on commence à apprécier chaque petit moment dans leur entité.

– Tu le penses vraiment ?

– Peu importe ce que je pense, soupire-t-elle. Accepte le fait que tu sois mortel et que tu n'es qu'une petite poussière dans cet immense univers... Et tu verras, le monde te paraîtra alors différent.

Il tourne son regard lentement vers elle, elle qui fixe l'obscurité sans trembler, comme si cette partie si noir de la nuit l'attirait plus que les lumières de la ville synonyme de vie.

– Dans ce cas, je tâcherai d'y réfléchir un peu plus... acquiesce-t-il, en prenant bien en compte la signification des paroles de Judy. Et toi, qu'est-ce que tu ne supportes pas dans la vie ? 

– J'en sais rien. Je hais tout d'elle.

Ses lèvres avaient prononcé ces mots d'une telle manière, qu'on pouvait presque sentir le mépris et la tristesse habitant le cœur de cette jeune fille, aussi figé que de la pierre. Sa réponse très radicale avait alors frappée Nate, lui qui avait avidement goûté à ses paroles veloutés sur la vie et ses moments présents, n'aurait pu croire qu'en vérité, elle ne l'appréciait guerre.

– Pourquoi ? Qu'est-ce qu'elle t'a fait ?
s'enquit-il alors.

– J'ai un passé difficile Nate... Tu peux pas comprendre.

Elle s'éloigne, il sent qu'elle se renferme, mais il ne veut pas la voir partir. La nuit n'est pas encore fini, et il sait qu'ils ont encore pleins de choses à se dire.

– En même temps, si tu ne m'expliques rien, je ne vois pas comment je pourrais être en mesure de te comprendre...

Judy avait baissé les yeux, c'est désormais le vide qu'elle fixait, et non les cieux. Le silence prit alors part à cette discussion, cela ne présageait peut-être rien de bon. Mais Nate le repoussa à coup de grandes phrases et de bonnes leçons.

– Tu sais, Judy, dit-il. On a tous un passé qui n'en finit jamais de nous courir après, mais il faut se dire que même si parfois il nous rattrape, c'est pas grave, parce qu'on a toujours une longueur d'avance sur lui.

Doucement, elle lève les yeux vers lui pour mieux entendre ses dires.

–Bref, reprend-il. Tout ça pour dire que, quoi qu'il arrive, il ne faut jamais s'arrêter d'aller de l'avant. Jamais, tu m'entends ?

– Je peux te dire une chose Nate ?

– Bien sûr, je t'écoute.

– Je n'ai jamais eu le choix de la vie que je voulais avoir. J'ai toujours eu cette étrange impression de ne pas être à ma place... Et puis d'abord, personne ne m'a jamais demandé mon avis, je n'ai jamais voulu être ici... La vie qu'on m'a donné aurait pu appartenir à quelqu'un d'autre... Quelqu'un qui en aurait fait bon usage... Moi, je gâche tout...

– Judy, la coupe-t-il calmement. Regarde-moi bien...

Elle relève ses pupilles bleus azur vers les ombres miroitantes de ses yeux. Le jeune adolescent, semble vouloir lui communiquer quelque chose, un message, un simple voeux. Il n'est pas habitué à donner des leçons sur la vie, en faire l'éloge, et encore moins l'apologie, c'est une première fois pour lui. Et pourtant, ce qu'il s'apprête à dire à cette fille aux espoirs fanés, il le pense sincèrement et ne peut lui-même s'en détourner.

– On ne choisit pas sa vie. Mais c'est la vie qui nous choisit.

Judy cligne doucement des yeux, puis remet derrière son oreille une de ses mèche rebelle de cheveux, son regard oscille pour ensuite finir par s'accrocher à l'ombre de son voisin de toit. Et là, elle lui sourit.

– Tu te lances dans la philosophie maintenant ? s'exclame-t-elle.

Il lui rend son sourire, heureux de voir la Judy des débuts revenir.

– J'ai toujours eu une âme de penseur. lui répond-t-il sur un ton des plus ironiques.

Ils rient, et à ce moment-là plus rien n'importe, ni même les difficultés lancées par la vie.

– Regarde nous, une poète et un penseur sous le ciel étoilé, crachant sur la vie et ses contours. Tu trouves pas que c'est une magnifique soirée ?

– Vu sous cet angle, je dirais même que c'est la plus belle de toute. souffle-t-il jusqu'aux étoiles.

– Merci Nate, lui dit-elle alors, consciente de la chance qu'elle a de pouvoir rire à ses côtés.

– Non, merci à toi Judy. Grâce à toi, j'ai compris... La vie n'est belle que lorsqu'on lui sourit.

Musique en média : Sleeping at last - Life

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NDA : En espérant que ce chapitre vous aura plu. Passez de bonnes fêtes de fin d'année ! 😘

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