- HUIT -

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Je ferme la porte de chez moi. Je dépose mon sac et accroche ma veste au porte manteau. Mon plâtre me gène. J'entends des voix qui viennent de la cuisine. Je passe devant et découvre ma mère et Hazel. Elles s'arrêtent de parler et se tourne vers moi. Ma mère arrive et me prends dans ses bras. Je la repousse, parce qu'elle me fait mal au bras.

— Oh pardon, mon bébé ! Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu vas bien ? Qui a payé les frais médicaux ? Je suis tellement désolée ? Où est-ce que tu étais ?
— L'œil au beurre noir, la lèvre et le sourcil, c'est Sam, celle que j'aurai frappé. Le bras, le front et la jambe, c'est une chute à vélo. Les parents de Jack ont été assez gentils pour me payer le plâtre et m'héberger pour une nuit. Très agréable. J'aimerais qu'Hazel sorte pour rentrer chez elle. Elle doit être fatiguée, la pauvre.
— Elle a été très gentille, elle est venue pour toi, Olivia, j'aimerais que tu lui montre un peu reconnaissance.
— De la reconnaissance ? C'était censé être ma meilleure amie et elle est la première a avoir douté de moi. Très bien, je ne veux plus qu'elle soit mon amie. Rentre chez toi.

Hazel se lève.

— Non, Hazel, reste i...
— Non c'est pas grave, je dois rentrer de toute façon, j'ai cours.

Elle attrape son sac et le met correctement sur son épaule avant de dire au revoir à ma mère et de quitter l'appartement.

— Tu pourrais être gentille avec elle...
— Gentille ? Parce qu'apparemment j'ai changé, elle pense que je suis devenue le genre de fille qui frappe les gens. Je ne sais pas ce que cette folle de Sam a dit, mais elle a bien embobiné Hazel. Et si Hazel se fait embobiner si facilement, c'est que ce n'est pas ma meilleure amie. Maintenant, si tu veux bien, je vais au lycée.
— Je peux t'emmener.
— Fais comme tu veux.

Je vais dans ma chambre chercher mes affaires de cours, du maquillage et je me change vite fait puis rejoins ma mère dans la voiture. Je me demande quand est-ce que je pourrai retrouver la mienne. Je sais que nous avons des problèmes d'argent en ce moment, mais j'ai cru comprendre que ma mère ne voulait pas vendre ma voiture. C'est une vielle de mon père. Elle s'y accroche comme une relique, j'ai l'impression. Mon père n'est pas mort, il est parti à la guerre. Et ma mère a du mal à supporter le fait qu'il soit si loin de nous si souvent. Elle se raccroche à tout ce qu'elle peut. C'est comme ça. Elle est comme ça. Je m'attache et commence à me maquiller pour cacher les horreurs que j'ai sur le visage. Et pour éviter le maximum de question, je ne veux pas qu'on me prenne en pitié, ou qu'on me critique. Quand nous arrivons, je range ma trousse à maquillage et sors de la voiture sans lui adresser le moindre mot. Je rentre dans l'enceinte du lycée et me dirige vers ma salle de cours. J'arrive en littérature anglaise. Je toque et ouvre la porte. Tous les regards se tournent vers moi. Je ne suis pas gênée qu'ils me regardent, j'ai l'habitude, je suis gênée qu'ils voient mon plâtre et mon visage si soudainement trop pomponné. Le professeur me dit de m'installer, ce que je fais. Je pose mon sac sur la table et sors mes affaires. Malheureusement, je suis droitière et je n'arrive pas à écrire. Et quand j'y arrive, la prof change de sujet. Je décide de simplement écouter pour le moment. Je demanderai les cours à quelqu'un d'autre plus tard.

Après deux heures, pas entière vu que je suis arrivée en retard, je quitte la salle dans les derniers, je ne veux pas que quelqu'un me bouscule et me fasse encore plus mal. Je ne me dirige pas vers le self mais vers la bibliothèque. Je ne veux pas voir Hazel, ni l'autre folle de Sam qui va hurler 'elle m'a frappé aah'. Non merci. J'ai eu ma dose de drame pour l'année. Je m'installe dans une des rangés et je m'assois par terre. J'ouvre mon sac et prends le livre que je me trimbale depuis un moment. Summerlost. C'est une jolie histoire. Une fille qui a perdu son père et son frère. Elle retourne, avec sa mère et son autre frère, dans la ville natale de sa mère et y découvre un garçon avec qui elle découvre un tas de choses. J'aime bien ce livre. Il est captivant. Touchant. Chaque chose lui rappelle un peu son frère. Elle dit qu'il était spécial. Et qu'il le savait. Et qu'il s'en fichait. Elle pense aussi qu'elle ne connaissait pas si bien sa famille que ça. Ça me fait penser à mon propre père. Je ne l'ai pas vu depuis un moment déjà. Il ne peut pas nous dire où est-ce qu'il a été envoyé mais je sais qu'il est là, quelque part, à veiller sur maman et moi. J'ai hâte que sa mission se termine. C'est censé être sa dernière. La dernière mission je ne sais où. Il me manque terriblement. Je me plonge dans ma lecture et fais abstraction du monde autour. J'oublie les bruits de chaises. J'oublie les toussotements qui se veulent discrets. J'oublie le raclements des stylos sur le papier. J'oublie aussi les bruits de pages que l'on tourne. J'oublie tout. Je ne suis plus Olivia Reeves. Je suis Cedar Lee et je ne suis plus à Omaha mais à Iron Creek.

gone // jgOù les histoires vivent. Découvrez maintenant