Chapitre 7 - Mas que nada

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{ A lire avec la chanson "Màs que nada" de Sergio Mendes ft. Black Eyed Peas 🌙 Amusez vouuuus❤️}

Nous avons conduit toute la journée à travers les États-Unis, une fabuleuse odeur de pipe flottant tout autour de nous. La nuit tombe et le soleil s'écrase contre la nationale quand je me décide à me garer sur le bas-côté.

- C'était ça, la destination ? Le bord de la nationale ? Waouh., dit Alex avec une pointe d'ironie.

- A partir de maintenant, tu conduis.

Je vois sa tête changer de couleur.

- Hahaha ! Ca te fait si peur que ça, de conduire ?,

A ces mots, il se rassied sur le siège passager et me rend les clés.

- Oui.

- Pourquoi ?

- Reprends la route. Je vais t'expliquer. Peut-être.

Je remets la clé dans la fente et je rallume le contact. La radio se remet à grésiller alors que je reprends la route. Nous roulons en silence plusieurs minutes.
Un silence merveilleux.
Un silence mutuel.
Un silence calme.
Un silence parfait.
Il ne parlera pas, je le sais et je ne lui demanderai pas, il le sait aussi.
C'est ce qu'on pourrait appeler une parfaite harmonie.
Il sort sa pipe pour la quatrième fois aujourd'hui et met le feu au tabac, ce qui laisse une merveilleuse odeur de café et de vanille. J'ouvre le toit en tissu pour faire entrer l'air doux d'une fin de journée pleine de promesses. Dans le rétroviseur, je peux voir Alex qui esquisse un sourire, sa pipe à la main. Moi aussi, je souris.
Je pense qu'on peut dire que ce jour est un jour parfait.

- Le problème dans cette vie, c'est que j'ai l'impression qu'il faut courir après le bonheur, ce bonheur qu'on n'est même pas sûrs de réussir à attraper, et que la si petite infinité qu'on nous laisse pour découvrir tout ce que le monde a à nous offrir est beaucoup trop courte face à toutes les merveilles de cette Terre. J'ai l'impression que la vie part aussi vite qu'elle est venue. Que c'est une course contre la montre. Moi tout ce que je veux, c'est casser cette putain de montre et vivre comme je le veux, aussi longtemps que je le souhaite., sort-il soudain.

Mon sourcil se soulève malgré moi alors que j'effectue un dépassement.
Et puis je repense à ce que m'a dit Jenkins.
Elle semble parfois plus utile que prévu.

- Je crois que si la vie était illimitée, on ne profiterai pas de la même manière, qu'en penses-tu?, dis-je pour calmer tous ces éléments négatifs.

Moi, positive ? Tout arrive, aujourd'hui.

- C'est une manière de voir les choses., objecte-il.

- Quand tu arrives sur Terre, ta mission n'est pas d'être un bon gars obéissant, ni un homme d'affaires à l'intelligence supérieure. Non. Quand tu arrives sur Terre, ta mission est de vivre. Vivre pour mourir, certes, Mais vivre. Voir tout ce qu'il y a à voir.
Faire tout ce qu'il y a à faire. Aimer tout ce qui est aimable. Rendre heureux ceux qui le méritent.

- Et Si Je t'embrasse, est ce que ça te rendrait heureuse ? Parce que... tu le mérites. Tu le sais, j'espère ?

Je pince les lèvres. Je ne mérite pas d'être heureuse. Je ne mérite pas une voiture rouge avec un vieil autoradio pour réaliser mon rêve le plus cher.
Ça, c'est ce que je croyais avant.
Maintenant, Je sais que la vie mérite d'être vécue.

- Oui. Ca me rendrait heureuse. Plus que ça, même., je dis dans un murmure.

La route se prolonge en silence. Elle se dévoile à nous de plus en plus. Au premier panneau, je tourne à gauche vers la ville la plus proche. Bientôt, les champs et les vergers sont remplacés par des buildings et des lampadaires.
La ville. C'est ça qui me fait vibrer. J'appuie sur l'accélérateur mais c'est mon surtout mon cœur qui accélère ses battements.
Soudain, quelques notes de piano provenant de notre vieil autoradio se font entendre. 3 notes précisément. 3 notes que je connais par cœur.

Mas que nada.

Je ferme les yeux une seconde et je souris plus que jamais. J'avais oublié à quel point cette chanson rendait heureux tous ceux qui l'entendaient. J'aurai aimé faire cet effet aux gens, d'ailleurs.
Je sens le regard d'Alex posé sur mon épaule droite où sont gravées à l'encre noir en fines lettres élancées ces 3 mots qui vont si bien ensemble.
Mas que nada.
Le titre de la chanson... et bien plus encore à mes yeux.
Je suis un panneau qui indique point de vue de la vieille ville. Parfait. J'étouffe un bâillement. La route se fait longue alors que les battements de la batterie et la voix claire de la chanteuse pénètrent chaque pore de ma peau. Nous remontons une route en pente. Je n'ai aucune idée du lieu où je suis et pourtant, je ne me suis jamais autant sentie chez moi. La route débouche sur une immense plaine. Je plante Alex et la voiture là et je sors précipitamment. Je marche un moment dans l'herbe humide avec pour seules spectatrices les millions d'étoiles qui constellent le ciel noir d'encre, la mélodie en fond musical. J'entends le pas aérien d'Alex juste derrière moi.

A mes pieds, je vois des milliers d'étoiles.
Sauf que ce ne sont pas des étoiles.
Ce sont des voitures.
Des lampadaires.
Des buildings.
Des guirlandes.
Je souris. J'ai toujours rêvé d'avoir une ville à mes pieds.
Peut-être qu'inconsciemment, j'ai toujours rêvé de vivre ce moment.
Avec Alex.
Les étoiles.
La ville.
La deux-chevaux.

- Jane ?

Je hoche la tête et je sens son souffle chaud et nerveux derrière moi. Je ne sais pas si je préfère ce qui se trouve devant moi ou ce qui se trouve derrière.
Peut-être que c'est l'association des deux qui rend le moment magique.

- Qu'est ce que ça veut dire, Mas que nada ?

- Plus que tout, Alex. Ca veut dire plus que tout.

- Moi, ce que je veux plus que tout, c'est t'embrasser.

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