Chapitre 3 - Une vie normale

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[ A ecouter avec la chanson de SYML - Where's my love || Elle est en média 💙]

Ma vie est plutôt classique. Je suis née avec le kit familial complet - Père, Mère, Sœur, Chien. J'ai toujours eu tout pour être heureuse... mais je ne l'ai jamais été. Ma vie sonne faux. Sur le papier tout est parfait, tellement parfait qu'on sait d'avance qu'il se cache une arnaque quelque part.

L'arnaque, dans ce cas précis, c'est moi.

Jane Finch, diagnostiquée dépressive a l'âge de 14 ans. 3 ans après, j'en suis toujours au même point. Le point de départ. Je me cache sous les "circonstances atténuantes" pour me laisser aller.
Me laisser mourir.

Le problème, c'est qu'à chaque fois que j'ai tenté de trouver un sens à ma vie, j'ai échoué.
Pas parce que je n'ai aucune volonté, mais parce que je pensais que donner un sens à sa vie, c'était se trouver un idéal.

On ne sait pas encore tout à fait ce qu'il s'est passé dans ma tête dans cette période, mais j'ai la certitude que, si je l'avais su, j'aurai tout fait pour m'arrêter.

Ah, et je suis tombée dans l'anorexie. Pardon d'annoncer cela comme je vous dirai « Ah, au passage, j'ai réussi mon contrôle de Math » , mais je pense que cette... chose ne mérite pas que l'on s'attarde sur elle. A mon âge, certains tombent amoureux. D'autres tombent de sommeil. Ils tombent tous, d'une manière ou d'une autre, et je suis tombée moi aussi, mais il y a des chutes plus agréables que d'autres, je l'admets.

Peu de gens comprennent. Peu de gens comprennent que le plaisir de maigrir vaut tous les sacrifices du monde. Peu de gens comprennent à quel point c'est difficile de se trouver grosse alors que l'insuffisance pondérale est proche. Peu de gens comprennent que c'est un cercle vicieux. Peu de gens me comprennent. Moi-même je ne me comprenais pas.

Du moins, c'est ce que je croyais.

L'année d'après, à la visite médicale, le médecin m'a demandé d'enlever mon pull (non, ce n'était pas un viol) et lorsque je l'ai soulevé, il a paru carrément choqué. Je pensais que c'était parce que j'étais énorme.

En réalité, c'est tellement j'étais maigre.

De toutes les choses que j'ai vécues dans ma vie, l'anorexie n'a pas été simple, mais d'une certaine façon, cela me rendait heureuse. Je me sentais pleine, même le ventre vide. Pleine de vie. D'énergie. Une énergie toute nouvelle. Et c'était bon.

Lorsque j'ai fait ma dernière visite à l'hôpital il y a 8 mois maintenant, le Docteur Smith m'a dit :

- On ne guérit jamais vraiment de l'anorexie, Mais on se soigne. Et l'important, c'est de participer, non?

Je me rappellerai toujours de son sourire accompagné d'un clin d'œil alors qu'il refermait mon dossier pour la toute dernière fois. Ma recovery était finie.
Mon pacte avec le diable aussi.
J'étais définitivement libérée de l'anorexie... Ou presque.
J'avais oublié à quel point les frites étaient bonnes. Et tout le reste, d'ailleurs

Mais il m'est toujours resté un problème sur les bras : ma dépression.

Ma mère croit dur comme fer que la seule personne capable de me sortir de cette merde est Mrs Jenkins, la psy qui me suit toutes les semaines depuis 2 ans.

En 2 ans, j'ai du lui dire quelque chose comme 54 mots. Pas plus.

Pas parce que je suis impolie. Parce que j'ai peur de parler.

J'ai peur de me confier et d'admettre que je suis beaucoup moins heureuse que je ne me le laisse croire.
Pourtant, ce n'est pas faute d'essayer, je vous le jure.

- JAAAAAAANE ! On mangeuuuu!

Ma mère. Toujours à hurler comme si j'étais à l'autre bout de l'Arkansas alors que notre appartement fait à peine 60m2.
Je la comprends.
Pendant un moment, elle a cru que jamais elle ne pourrais m'appeler pour manger comme elle le faisait avant la maladie, alors, maintenant, elle en profite. Un peu trop.

Je descend les escaliers grinçants quatre à quatre pour prendre place au bar qui nous sert de table à manger depuis toujours. Ma mère dépose devant moi une assiette de Fajitas brûlantes dont l'odeur épicée embaume toute la cuisine. Je la suis des yeux alors qu'elle s'active pour répartir équitablement le reste du poulet sur la pâte jaunâtre. J'entends mon père se racler la gorge comme à chaque fois qu'il réfléchit à ce qu'il va dire.
Pourtant, on sait toutes les trois à l'avance ce qu'il va dire.

- Alors, Anna, qu'as-tu appris à l'école aujourd'hui ?, demande-t-il à ma sœur.

C'était plutot prévisible.

- J'ai appris à diviser des nombres. Et j'ai aimé ça.

Je ne ferai aucun commentaire concernant cette dernière affirmation. "Et j'ai aimé ça." Comment peut-on aimer diviser des nombres ?
La conversation s'arrête la. Avant, c'était à moi que mon père demandait ce que j'avais appris, jusqu'à ce que je lui sorte, une soirée d'automne : "j'ai appris que je voulais mourir. Plus que tout."

Début de la dépression.
Fin des interrogations inutiles de mon père.

Pourtant, aujourd'hui est un jour nouveau, qui contient un souffle nouveau. Pour la première fois, je ressens le besoin de parler.

- J'aimerai vous dire ce que j'ai appris aujourd'hui, moi aussi., je déclare soudainement.

Ma mere lève les yeux de son Fajitas d'un air surpris.
Mon père acquiesce.

- Vas-y, Jane. Dis-nous ce que tu as appris aujourd'hui,

Je prends une grande inspiration,

- Aujourd'hui, j'ai appris qu'un simple coucher de soleil pouvait m'arracher un sourire comme je n'en avais jamais eu en 3 ans. J'ai appris qu'on pouvait en apprendre énormément sur la société rien qu'en conduisant sur la nationale. J'ai appris qu'il fallait toujours continuer de lutter dans les moments les plus sombres et que nos ennemis ne sont pas toujours ceux que l'on croit.
Et plus que tout, j'ai appris que le bonheur ne venait pas seul, Mais qu'il fallait parfois aller le chercher bien loin pour l'obtenir.

Et J'irai le chercher. Jusqu'au bout du monde. Promis.

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Je m'excuse pour ce chapitre un peu lent mais il fallait à tout prix "planter le décor" avant d'aller plus loin 🙈 Le prochain chapitre sera plein d'actions je vous le promets !

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