Chapitre 6 - Un parfum de tabac

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{ A lire avec la chanson "Boomerang" d'Hooverphonic 💙 Enjoy}

- On va où ?, demande-t-il soudainement alors que je tente tant bien que mal de me concentrer sur mon itinéraire.

- T'aurais peut-être pu te le demander avant d'embarquer., je lui fais remarquer.

Il sourit et prend une cigarette dans son paquet. Je fronce les sourcils.

- Tu ne comptais pas fumer ici ?

- Si. De toute façon, ça sent déjà la clope, je te ferai remarquer.

- Ca sent le tabac à pipes. Mr Jenkins fumait la pipe, d'après ce que j'ai pu comprendre. Un homme qui fume la pipe... Ca, c'est la grande classe. Dommage que ce genre de choses n'existent plus pour notre génération.

Il fronce les sourcils.

- Tu t'arrêtes à la prochaine station ?

J'acquiesce sans un mot. Veut-il déjà descendre ?

- Je peux savoir pourquoi tu pleurais quand je me suis garée à quelques centimètres de tes pieds, tout à l'heure ?, Je demande soudain. Si je dois parcourir les U.S.A à ses côtés, Je n'ai pas d'autre choix que d'en apprendre un peu plus sur lui.

- La fumée de cigarette. Ca me fait toujours ça.

Le pauvre. Il doit sans doute penser que je vais gober un mensonge pareil.
Portant, si il ment, c'est qu'il a une bonne raison. Mon Dieu. J'ai l'impression d'entendre Jenkins. Pourtant, pour une fois, je ne vais pas la contredire.

La route semble bien plus courte en sa compagnie. Nous débattons un moment sur le dernier Harry Potter, puis sur l'emploi du mot "Pathétique" en passant par les dernières élections législatives. En quelques kilomètres, lui et moi nous sommes créés un univers rien qu'à nous.

Au premier panneau vert, je me mets sur la bande de gauche, puis je tourne, direction la station essence. À peine ai-je le temps de me garer qu'Alex pousse la portière et s'engouffre dans le magasin. J'y entre à mon tour.
J'ai toujours adoré l'odeur des aires d'autoroutes. Un mélange d'essence, de café froid et de gel anti-bactérien. Le trio parfait.
Je me dirige vers les machines à café, entourée de gens un peu endormis, prêts à prendre la route. Apres avoir passé ma monnaie dans la fente, Je sélectionne deux boissons.
Un cappuccino et un chocolat chaud.
Ah oui, j'oubliais.
J'adore l'odeur du café mais... je déteste le goût. Je regarde le café couler doucement dans le gobelet de carton et dégager une douce fumée au parfum fort et sucré.

Une fois les boissons remplies, je me fraye un chemin jusqu'à la sortie pour regagner le parking, chargée de mes deux gobelets fumants.
J'aperçois Alex adossé contre le capot.
Je souris.
Il n'est donc pas parti.
Lorsqu'il me voit, il ouvre la portière et s'affale sur le siège passager. Je commence à me demander si il a son permis, car semble plutot éviter le siège conducteur, ce qui me va très bien. C'est mon road-trip et c'est ma voiture.
Enfin, presque.
Armée de mes deux gobelets, j'essaye d'ouvrir la portière. Il ne bouge pas d'un pouce.
Très galant, ce mec.

- Tu aimes le Cappuccino ?, Je demande une fois assise, après m'être débattue une bonne demi-heure (j'exagère à peine) avec la portière.

- Tellement. Il se pourrait bien que ce soit ma boisson préférée..!

- Ravie. Je me suis retrouvée seule devant les machines, complètement perdue et Je n'ai aucune connaissance en terme de cafés alors... T'as même failli te retrouver avec une soupe-minute.

- Je vais m'estimer plutôt chanceux, alors., dit-il en ajoutant du sucre dans la mousse blanche terriblement crémeuse et onctueuse.

C'est un peu comme boire un nuage.

Je me demande quel goût ça a, un nuage.
En fait, Je me demande si ça a du goût.

Je prends une gorgée de mon chocolat chaud brûlant, que je dépose avant d'allumer le contact.

- J'ai cru que tu ne reviendrai pas, tu sais., je dis pour démarrer la conversation.

- Pourquoi je serai parti? J'ai un chauffeur gratuit, dans une jolie voiture. Sans compter que ce chauffeur est plutôt séduisante.

Inutile de dire que je prends illico la couleur rouge cerise du capot de la deux-chevaux.

- Tu avais juste... une envie pressante alors., Je déclare en tentant vainement de détourner la conversation.

- Pire.

Je me concentre sur la route en essayant d'imaginer ce qui peut bien être pire qu'une envie pressante lorsqu'il prend un sac en plastique blanc marqué à l'effigie de l'aire d'autoroute à ses pieds.
Il en sort une boite et un petit pochon noir rayé. 

- Oui, c'était bien pire qu'une envie pressante. C'était une envie de plaire.

Il ouvre la boîte, dévoilant alors une très longue pipe noire avec des dorures sur les côtés. Je me rappelle alors de mes mots. "Un homme qui fume la pipe... Ca c'est la classe. Dommage que ce genre de choses n'existent plus pour notre génération". Je me souviens aussi de son air pincé lorsque j'ai dit ça.

Une envie de plaire. De me plaire.

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