Chapitre 18 - Last but not least

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- Tu veux que je te dise ? T'as merdé, Jane. Y a pas d'autres mots.

Il me regarde avec un sourire doux et protecteur, le même depuis que je suis petite, celui qu'il n'adresse qu'a moi. Je ne pouvais pas rentrer à Hope sans avoir vu mon grand-père.

- Je ne lui ai pas dit, hein, parce que tu sais bien, il faut se faire désirer.., je commence.

Il acquiesce.

- C'est ce que je t'ai toujours dit.

- ... Mais c'était le mec de ma vie. Sincèrement. Enfin, c'est bizarre à dire. Non, non, c'est carrément glauque. J'ai dix-sept ans, je devrai me consacrer à autre chose qu'à parler projets d'avenir, pourtant, il y avait quelque chose. Une irréalité.

- Il existe, ce gars, au moins ?, s'assure-t-il, rompant le charme de notre conversation.

- Oh, que oui. Il existe. Il existe plus fort que tout le monde : il vit. Il rit fort, il parle fort, il aime intensément, il fait tout avec passion. Et je l'ai laissé filer, car pour une raison que j'ignore, j'ai un talent inné d'autodestruction.

Il pose sa main dans mes cheveux. Je déteste ça, sauf lorsque c'est lui qui le fait. Ses ongles chatouillent mon crâne.

- C'est faux, Jane. Tu sais ce que tu devrais faire ? Oublie mes conneries et pile sur ton orgueil. C'est irréparable ce que tu as fait, mais c'est excusable. Et si il t'aime, il saura ce qu'il doit faire. Je suis sure qu'il t'aime.

- Et moi, je suis sure que l'amour, ça ne fait pas tout, je réplique.

Mon grand-père me regarde avec toute la tendresse du monde.

- Tu veux encore un peu de thé ?, propose-t-il.

Je secoue la tête.

- Ne bouge pas, j'y vais, dis-je en me levant.

Le pichet trône sur la table en chêne  de la cuisine. Je regarde autour de moi. Je me vois encore, avec ma sœur et mes cousins courir dans toute la maison, goûter les confitures de grandma et les petits déjeuners du dimanche matin. Un parfum d'enfance me gagne, nostalgie de cette innocence perdue désormais à jamais.

- Grandpa ?

- Oui, chérie ?

- Il te reste des confitures de fraise que mamie faisait ?

Son visage s'éclaire.

- Tu... tu manges ? Tu en veux ? On peut descendre chercher une baguette chez Paulette si tu veux.

- Non, ça ira très bien comme ça, affirmai-je.

- Il y en a dans le placard de gauche je pense.

J'ouvre le placard, prend un pot au hasard, une cuillère et je reprends ma place près de lui.

- À la cuillère ?, s'étonne-t-il.

Je hoche la tête et ouvre le pot. Le parfum sucré me gagne et je soupire de bonheur.
La maladie s'envole.
Alex n'a jamais existé.
Il n'y a que moi et mes souvenirs.
Je plonge ma cuillère sans réfléchir et la met dans ma bouche.

- Alors ? Ça te plaît, chérie ?

Je rougis de bonheur.
Puis.
Je pense à Alex.
Je le vois sur le quai, attendant son train.
Effondré.
Pas de m'avoir quitté, non.
Effondré de la mort de son frère.
Effondré de ne pas avoir été prévenu.
Tout est de ma faute.
Je repose ma cuillère.
Tout est fini.

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