Chapitre 8

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Étonnamment, j'avais réussi à rentrer chez moi sans encombre, à croire que tout le monde était sortit prendre un peu d'air. J'espérais que ma mère faisait partit de ces gens-là, histoire que je puisse mettre au point un discours sur ma future situation.

Malheureusement, sa voix cristalline se faite entendre dès mon entrée dans le séjour.

— Machiavel ! Je me demandais où est-ce que tu étais passée ! Tu ne fais que sortir ces derniers jours, tu as des problèmes ? Tu sais que tu peux m'en parler, mon fils.

Je soupire, vaincu par son regard trop limpide qui exprimait tellement bien les soucis qu'elles se faisaient sur mes activités. Dire que tout ce qu'elle pouvait bien imaginer devait être bien loin de la vérité...

— C'est rien maman, ai-je tenté de la rassurer avant d'asséner le coup fatal. Je... Je dois te parler, c'est important.

Ses yeux s'agrandissent d'inquiétude et des larmes jaillissent du coin de ses yeux. Je m'empresse aussitôt de la rassurer. Si elle commençait à pleurer comme ça, qu'est-ce qu'elle ferait quand elle saurait ?

— C'est pour mon avenir, maman, ai-je commencé en la forçant à s'asseoir sur la chaise de pierre la plus proche. J'ai rencontré quelqu'un et...
— Par Freya ! me coupe-t-elle. Mon bébé s'est trouvé une fille ! Est-ce qu'elle est jolie ? Gentille ? Je la connais ? C'est la jeune Tintallë, n'est-ce pas ? J'ai toujours trouvé qu'elle t'envoyer des regards étranges...

Mais où est-ce qu'elle avait pu comprendre ça ? D'accord, ma phrase pouvait prêter à confusion mais il y avait des limites, tout de même !

— Non, maman, maman ! Écoutes-moi. Tu as compris de travers, je ne parlais pas de pas rencontrer quelqu'un dans ce sens-. Il y a pas longtemps, je suis allé chassé dans la forêt et...
— Combien de fois t'ai-je dit que tu n'avais pas le droit ? 
— Mais laisses-moi finir ! me suis-je emporté. Il y avait un Orc – ne prends pas cet air horrifié, ce n'est rien – et, par concours de circonstances, il m'a proposé d'intégrer une école spéciale, avec Dante. Et quand je dis spécial, ça l'est vraiment. C'est pour devenir... un assassin, ai-je fini par avouer en soufflant.

Elle fronce les sourcils, dubitative, puis hausse les épaules.

— Et donc ? Tu as refusé, c'est tout ce qui compte. Mais promets-moi de ne plus retourner dans les bois, tu sais très bien comment les lois sont stricts, mon chéri. Je ne voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose parce que tu ne les auras pas respecté...
— Je n'ai pas refusé, ai-je lâché d'une froideur inexplicable qui me surprend moi-même. J'ai dit oui, pour les raisons que tu viens toi-même d'établir. J'en ai marre d'être la risée de tous alors que le seul pêché que j'ai commis est celui d'être né, et c'est pas comme si je l'avais demandé. Je veux pouvoir avoir un avenir autre que celui de rébus du village, casé dans la même catégorie que les lépreux ! Et même si je n'ai pas forcément encore pris conscience de la difficulté qu'il y aura à prendre des vies et faire couler le sang, je me dis qu'au moins, ça sera toujours mieux que cette vie-là. J'aurais enfin fait un choix par et pour moi-même. Ça me rend triste de te voir trimer jours et nuits pour des miettes de pains lâchées plus difficilement que les crachats et les insultes alors que, merde, tu n'as rien fait de mal à part être une victime de plus dans une putain de guerre ! Je sais que tu dois être déçue de voir ton enfant suivre une autre forme de barbarie comme son bâtard de père inconnu, mais... Comprends-moi, je ne peux plus mener la vie qu'on mène aujourd'hui, sinon je vais craquer.
— Oh, mon petit...

Contrairement à ce que je pensais, au lieu de me crier dessus et me mettre dehors, elle m'a prise dans ses bras, en sanglots, s'excusant de ne pas avoir pu comprendre l'étendue de ma détresse durant toutes ces années.

Il faut dire que les Elfes étaient très peu émotifs et gardaient souvent leurs problèmes pour eux-même, enfermés dans un coffre avec un très gros verrou dans le cœur.

Je la serre à mon tour dans mes bras en fermant les yeux, respirant l'odeur fruité de ses longs cheveux ébène tressés.

Ça s'était bien mieux passé que je ne le pensais...

Quand nous nous sommes séparés l'un de l'autre, elle s'est empressée de me rassurer. Certes, elle aurait voulu que je fasse un métier légal mais elle savait bien que ça saurait difficile pour moi, où que j'aille : les Elfes ne m'accepteraient pas, les Hommes me tueraient sur le champs dès qu'ils apercevraient mes habits typiquement elfique et mes oreilles pointues, et je ne connaissais pas le caractère et le jugement des autres peuples mais ils devaient être dans les mêmes eaux. Chez les assassins, au moins, on pourrait faire abstraction de mes gènes car seuls les aptitudes et les talents compteraient, du moins je l'espérais.
 
J'ai prévenu ma mère que je devais partir au plus tôt, le lendemain matin.
  
Elle s'est mise à courir partout dans notre petit foyer pour ramasser tous objets dont je pourrais avoir besoin là-bas. Je ne l'ai pas avertis que je devais d'abord survivre dans un bois grouillant sûrement de bêtes féroces et de pièges en tout genre pour prouver ma valeur, sinon elle ne m'aurait jamais laisser partir.
 
Après avoir dîner, elle m'a forcé à aller me coucher plus tôt que d'habitude et j'ai eu l'impression d'avoir de nouveau cinq ans.

Ce jour-là, on devait me poser mon premier anneau de croissance – oui, comme les arbres – et j'avais passé mon temps à pleurer car les enfants plus âgés m'avaient dit que ça faisait atrocement mal et, comme je n'étais pas " pur ", j'allais mourir parce que mon oreille moisirait et que ça s'étendrait jusqu'à mon cerveau – les joies de l'imagination débordante des enfants. Après le trou fait et l'anneau mit en place, il y avait généralement une grande cérémonie à laquelle tout le village participait, avec chants, peintures sur le corps et marche cérémonielle dans tout le village, mais ça n'avait pas était le cas pour moi.

Ma mère m'avait alors fait un gâteau à la carotte, comme je les aimais. Mes préférés !

Sous la menace de me faire couper les cheveux – un grand sacrilège pour les Elfes –, je n'ai pas eu le courage d'opposer résistance aux ordres implacables mais emprunts d'amour de ma mère.

MachiavelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant