Chapitre 22

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Le bureau de Maître Töriel était placé très haut dans l'institut, si haut dans la cime qu'il devait baigner de lumière la journée. Heureusement, la lune était quasiment pleine cette nuit, et le ciel dégagé, inondant la pièce d'un flot de lumière astrale presque irréelle.

La pièce en elle-même était spacieuse mais l'aménagement était strict, voire spartiate. Aucun effets personnels ne traînaient, pas même une arme. Seuls un bureau recouverts de feuilles et de dossiers en tous genres, ainsi qu'une chaise de chaque côté trônaient au centre de la pièce circulaire.

Le visage de Maître Töriel était sérieux et ses yeux, rendus étincelants par la Lune, reflétaient sa curiosité tandis qu'elle était en train d'inspecter mon arc.

— C'est inhabituel pour quelqu'un de ton peuple de manier ce genre d'arme.

Je me suis retenu de lui faire remarquer que je n'avais pas vraiment de peuple à proprement parlé, mais il était inutile de rentrer dans le pathos. Surtout que j'avais bien compris ce qu'elle voulait dire : les elfes noirs étaient un peuple de mineurs et de marchands, mais ce n'était pas un peuple guerrier. Alors certes, nous avions quelques soldats pour protéger les garnisons et les villages de quelques pillards du désert, et certaines familles bourgeoises apprenaient à se battre en cas de coup d'État (ou juste pour la frime, pour ce que j'en savais) mais c'était tout. De plus, ces gardes se battaient exclusivement avec des cimeterres, comme Dante, mais jamais à l'arc, qui était propre aux elfes vivant dans les bois de la forêt d'Alfheim.

— Il est plein de défauts, le bois n'est pas lisse, l'encoche pour la flèche est trop large, la poignée mal ajustée et la corde, de mauvaise qualité. Soit c'est quelqu'un qui ne s'y connait vraiment pas qui l'a fabriqué, soit tu devrais sérieusement penser à te faire rembourser, reprit-elle.
—Je... Je l'ai fait moi-même, ai-je murmuré, gêné et rouge de honte. 

Elle a levé un sourcil inquisiteur, retourné l'arc et caressé pensivement la rune de daguz maladroitement gravée en forme de sablier renversé au niveau de la poignée. 

Le silence s'est doucement étiré, agréablement, seulement entrecoupé du bruissement léger des feuilles de l'Institut, du faible frottement des mains de Töriel sur le bois de mon arc.
  
J'étais à deux doigts de m'endormir quand elle s'est soudainement levée, faisant racler sa chaise sur sol.

— Lève-toi, je dois prendre des mesures.

Sans me laisser le temps de percuter, elle m'a saisit le bras plus délicatement que je l'aurais cru de sa part et m'a forcé à me mettre debout, bien droit sur mes appuies. Elle a sortit un mètre-ruban de sa poche et a prise plusieurs mesures : ma taille, l'envergure de mes bras, la largeur de mes épaules et celles de mes mains. Puis, elle s'est rassise et s'est mise à noter les informations sur une feuille qui traînait, me laissant encore sonner et à moitié endormi.

— Ne prends pas ça pour de la pitié mais il est temps pour toi d'avoir un nouvel arc. Je vais être franche avec toi : tu es nul depuis que tu es arrivé ici, médiocre. Tu n'as presque aucune culture général ni aucun savoir de base, tu n'assimile pas la théorie vue en cours et tu es lamentable lors des exercices pratiques. Je me demande encore comme vous avez pu réussir, toi et Dante, à mener à bien votre petite mission suicide..., a-t-elle marmonné pensivement, sans réellement s'inquiéter de si je l'écoutais ou non.
— Hein ? je n'ai pu que répondre de manière... éloquente.

Sans tilter, elle a repris :

— Mais malgré tout, tu as une agilité étonnante pour quelqu'un de ta stature, Garr'uh m'a parlé de baumes cicatrisants et, je dois l'avouer, tu es plutôt bon à l'arc. Sauf qu'avec ton travail d'amateur, tu as pris de mauvaises habitudes. Je vais donc prendre la charge de t'entraîner personnellement. Ce n'est pas négociable.
— Mais...
— Ce n'est pas négociable. Point. Bien sûr, tu suivras toujours les mêmes cours que les autres, ceux que je te dispenserais seront en plus. Je te conseille de bien t'organiser à l'avance car je serais sans pitié et aucun écart ne sera toléré. Tu viendras me rejoindre dans mon bureau tous les soirs à 20h. Demain, je t'emmènerais voir quelqu'un de spécial pour ça, finit-elle en montrant la rune sur mon arc. 

Sans un regard de plus, elle m'a congédié d'un geste de la main et j'ai dû partir sans avoir même pu récupérer mon arc. 

Marchant vers la chambre que je partageais avec Lux, j'ai eu du mal à saisir la portée de l'offre de Maître Töriel. Venait-elle réellement de me proposer des cours privés ? Elle qui était réputé pour être intransigeante et, selon Kal'ah qui avait plus ou moins grandit dans l'Institut depuis que son père y était, plus sévère que quiconque dans ce monde ? 

Un rire nerveux m'a échappé, mon coeur a palpité et je l'ai sentit remonter dans ma gorge. Quand je me suis couché ce soir là, je n'ai pas su avec exactitude si j'étais impatient ou tout simplement apeuré. 

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 09, 2020 ⏰

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