Chapitre 19

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Je ne sus pas trop comment mais je finis par me réveiller dans ma couchette à l'Institut.
Je me rappelai rapidement l'air inquiet de Lux sous sa forme " machiavélique " qui se jeta avec force contre ma joue au point de m'en faire tomber car je ne tenais plus sur mes jambes.
Je soupirai en passant lasse sur mon visage, essayant vainement de chasser de mauvais souvenirs qui voulaient resurgir.
Et pourtant, le fait était là : j'avais tué quelqu'un.
Ça avait beau être par simple défense, je me sentais sali et noirci au plus profond de mon être. Je sentais cette présence malveillante, celle qui était ressortie lorsque j'avais failli poignarder Dante dans la caverne, la même lorsque nous nous étions enfuis du bordel.
Loki.
Je connaissais son nom, comme tous ceux des divinités principales que mon peuple priait, mais sans plus. Je savais qu'il était parfois bon, le plus souvent mauvais mais je ne connaissais pas ses faits et gestes avec précision. Il fallait que je fasse des recherches.
Mais j'avais peur.
Très peur.
Pourquoi me parler ? Que me voulait-il ? En tant que divinité, il ne s'intéressait que très rarement aux mortels ou alors seulement quand le besoin s'en faisait sentir, sans plus. Avait-il besoin de mon aide ? Si oui, pourquoi ? Et surtout : comment ?
J'ai roulé sur moi-même, m'enchevêtrant encore un peu plus dans mes draps, dépité et affaibli.
Je n'avais rien demandé de tout ça, les brimades, les coups, les injures, la mort. J'étais né sans rien demandé à personne et pourtant c'était déjà la faute de trop.
J'avais été mis de côté, traité comme un paria de la pire espèce, comme un malade à éviter à tout pris au risque de perdre la vie. Ma mère n'avait pas demandé à être violé par un tordu à l'esprit complètement fêlé, elle n'avait pas demandé à être enceinte de son bourreau, pas demandé d'être traité comme une traîtresse qui s'accoquine à l'ennemie, pas demandé à ce qu'elle soit rejetée de tous et condamnée à élever son enfant seule tout en travaillant autant que faire se peut pour quelques miettes de pain.
Oui, continue, me souffla une voix rauque venue des tréfonds de mon cœur.
Je n'en pouvais plus de tout ça, de toute cette mascarade. Le seul choix que j'ai pris de moi-même pour changer les choses, mon avenir, m'a conduit à tuer un homme, mon géniteur, le... aucun mot n'était assez fort et injurieux pour le définir.
En fait je ne regrettai pas de l'avoir tué, égorgé comme l'immonde porc qu'il était.
Il le méritait.
Il le méritait pour tout ce qu'il avait fait subir à ma mère et à moi, car sans lui, sans moi, elle aurait eu une vie merveilleuse, remplie d'amour, de joie et de richesses.
C'est ça, penses qu'il le mérite, penses qu'ils le méritent tous...
Je me suis saisis la tête entre les mains, au bord de l'explosion.
Non ! Ils ne le méritent pas tous ! Lux est une bonne personne, Dante change.
Et les autres ? Les trois Hommes ?

— MAIS LA FERME !

Un bruit de verre qui se casse retentit dans la chambre et j'ouvris en sursaut les yeux.
Dante se tenait là, le teint pâle.

— A qui tu parles ? demanda-t-il sans préambule.
— Je...euh... personne, c'est juste que je suis... perdu, finis-je par souffler.

Il me regarda avec suspicion quelques instants. Il ne me croyait clairement pas.

— Quand je t'ai sorti de la chambre (J'ai frissonné, il n'avait vraiment aucun tact.), t'étais dans une sorte de transe bizarre et tu marmonnais des trucs incompréhensibles. Alors je vais pas te croire aussi facilement, surtout quand tu mens mal.

Il a évité le verre d'eau brisé et s'est approché avec un air de prédateur.
Je me suis reculé du mieux que je pouvais jusqu'au mur en bois, au point d'être acculé entre Dante qui avait posé un genou sur ma couchette et le tronc de l'Institut.

— Tu vas me dire la vérité, maintenant.
— Et pourquoi je devrais faire ça ? crachai-je avec véhémence, agacé par son attitude.
— Parce que tu n'as pas le choix, asséna-t-il en me saisissant les poignets.

Et soudain, la crise.
J'entendais de nouveau les paroles vicieuses de l'Homme dont je ne connaissais même pas le nom, son odeur, son toucher.
Quelque chose se brisa en moi. Sûrement l'infime part d'innocence qui me restait, bien cachée par la peur et tristesse.
J'ai repoussé Dante d'une force incommensurable, il en est tombé à terre plusieurs mètres plus loin, l'air hagard.

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