Chapitre 17

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La porte claqua dans mon dos.
On m'avait fait rentrer dans une petite pièce, seul, pour me débarbouiller, manger et me vêtir des vêtements qui étaient pliés et posés avec soin dans un coin, à côté d'un plateau scintillant contenant de quoi me restaurer.
En soupirant, je me suis assis, la tête dans les genoux et le dos contre la porte.
J'avais plus ou moins confiance en le plan de Dante, mais je me ne pouvais m'empêcher d'être effrayé. Tous mes membres tremblaient à cause du contre-coup émotionnel qui revenait à la charge et j'avais une fugace envie de vomir, même si je n'avais plus rien dans l'estomac depuis de nombreux jours.
Je me disais qu'en ce moment, j'aurais pu être entrain de chasser dans la forêt d'Alfheim malgré les inquiétudes de ma mère, que j'aurais pu la prendre encore une fois dans mes bras et sentir son odeur apaisante puis manger un de ces gâteaux aux carottes si délicieux.
Mais je me retrouvais sur le point de servir d'esclave sexuel pour des riches aux fantasmes plus que morbides concernant les Elfes noirs et les autres ethnies qu'ils considéraient comme inférieures.
Un fort tambourinement contre la porte m'obligea à me dépêcher à me préparer.
Je me dévêtis des haillons sales et odorants que je jetai dans un coin de la pièce, puis je me suis versé un seau plein d'eau savonneuse sur la tête, balayant toutes les crasses, les odeurs et traces de charbon dérangeantes, me frottant sommairement avec mes mains et mes ongles abîmés.
Après m'être séché en piochant dans la coupelle de fruit mise à disposition, j'ai observé avec curiosité les vêtements que je devais mettre : on aurait dit une sorte de copie des tenues cérémonielles des Elfes noirs, tout en tissus légers et soyeux, colorés et agrémentés de perles de nacre. Mais ils semblaient bien moins riches que ceux de mon peuple.
J'ai enfilé le pagne doré, qui couvrait à peine ce qu'il devait caché, et le voile opaque autour du bas de mon visage, en plus des bracelets d'or et les autres breloques de perles comme la ceinture et une sorte de chaîne en petits maillons qu'il fallait accrochée autour du front. J'ai attaché quelques mèches tressés avec de petites billes d'or et je suis sortie sans vraiment m'inspecter dans le miroir près de la vasque. Je n'étais pas là pour être coquet, je devais tuer quelqu'un.
À côté de la porte m'attendait un Homme de type muscle sans cervelle aussi grand qu'épais. Il m'inspecta avec un air vicieux et m'ordonna de le suivre, pour être présenté aux clients comme tous les autres nouveaux, sans s'attarder plus que nécessaire sur mon teint un peu blafard et mes oreilles trop courtes dévoilées par mes cheveux à moitié relevés.
Dante était déjà présent, habillé dans une tenue semblable à la mienne, si ce n'est que la couleur du tissue soyeux qui changeait - rouge pour lui et doré pour moi -, faisant ainsi ressortir ses yeux carmins et sa musculation bien formée. Nul ne pouvait nier que Dante était magnifique, surtout quand il fermait sa bouche et arrêtait de jouer au connard.
Instinctivement, je me suis rapproché de lui, étant la seule personne que je connaissais à peu près.

— Ça va ? me demanda-t-il en se penchant vers moi.
— Pas vraiment, mais on peut pas y faire grand chose, n'est-ce pas ?

Il acquiesça, et je crus déceler un regard qui semblait désolé, voire même inquiet.

— Il faut juste qu'on trouve le bon type à tuer et après on se tire comme on peut, continuai-je sur un ton un peu plus léger, regardant aux alentours.
— On connait déjà son nom, et même son surnom lorsqu'il vient dans ce bordel, ainsi que son apparence.
— Alors tout devrait bien se passer, n'est-ce pas ?
— Je l'espère...

Il me serra rapidement la main avant de se concentrer sur la Femme, qui venait de faire son apparition, entourée de gens habillés tout aussi richement qu'elle.
À ma grande surprise, il n'y avait pas que des Hommes qui venaient jusqu'à Menheim pour utiliser des faveurs sexuels dans cet établissement. Il avait même plusieurs Elfes sylvestres, sûrement de riches marchands véreux qui n'avaient eu aucun scrupule à travailler avec les Hommes, malgré que ces derniers aient envahit Alfheim et massacrer bon nombres de leurs semblables.
La Femme parla de plusieurs choses avec ses plus grands clients avant de nous présenter de façon globale sans que je ne comprenne plus que deux-trois mots ici et là.
Mon regard fut attiré par un Homme, un des clients, qui semblait inspecté attentivement le visage de chaque Elfe noir qui se présentait devant lui. Bizarrement, son visage ou son attitude me parurent familière sans que je ne saches exactement pourquoi.
L'Homme finit par s'approcher face à moi, et je sentit Dante se tendre à mes côtés. Je m'apprêtais à lui demandé ce qu'il avait quand l'Homme s'agita et cria quelque chose à la Femme avant de me saisir par le coude et de me tirer à sa suite. Je n'eus que le temps d'apercevoir le visage tourmenté de Dante puis je fus amener à l'étage supérieur, dans une chambre luxueuse, au lit rembourré, aux murs recouverts de tissues semblables à ma tenue et aux décorations en or.
L'Homme me poussa sans prévenir sur l'immense lit et il s'installa au-dessus de moi, ses jambes m'entourant fermement les hanches, m'empêchant tout mouvement de fuite, ses cheveux blonds me tombant sur le nez. Il approcha doucement sa main de ma joue qu'il se mit à caresser avec une sorte de tendresse malsaine, soulevant par la même occasion le voile qu'il finit par enlever.

— Tu lui ressemble tellement, murmura-t-il dans un elfique parfait en rapprochant son visage du mien.

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