Chapitre X

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Comme un tour de magie dont le secret vient d'être révélé, la vie religieuse avait perdu pour moi tout son attrait. Son aspect enchanté, qui au départ m'émerveillait, s'était totalement volatilisé.

Je voltigeais maintenant dans ce lieu, un peu comme une feuille ballotée par le vent. J'exécutais mes tâches à la manière d'un robot.

En apparence, j'etais toujours la même, celle qui servait le Seigneur avec passion et dévotion, mais sous la surface je hurlais.

— Tu vas bien?

Nous etions dans le refectoir en train de prendre notre repas du soir. J'avais le regard hagard et je n'avais toujours pas touché à ma nourriture qui ce jour-là consistait en des saucisses et des pâtes.

Cathy me jeta un regard en biais. Lorsque nos yeux se rencontrèrent, elle détourna la tête aussitôt.

—Oui, je vais bien, rassurai-je Anne en affichant un faible sourire. Ne t'en fais pas.

Je reportai mon regard sur mon assiette. Une grimace traversa mon visage.

— Tout compte fait, je n'ai pas très faim, dis-je en me levant. Je suis fatiguée. Je crois que je vais aller me coucher.

— Ce serait pour le mieux, dit Anne en me dévisageant. Tu n'as vraiment pas bonne mine. Tu voudras manger ça plus tard?

Elle avait posé sa question poliment, mais j'aperçus une lueur de gourmandise dans ses yeux. Cathy aussi semblait être attirée par mon assiette.

— Non, répondis je en souriant. Vous pouvez le prendre. Bonne nuit.

Sans plus de cérémonie, je les quittai et m'engouffrai dans mes appartements.

Je me dévêtis et entrepris de dormir quelques temps, mais je n'y parvins pas. Je m'allongeai sur le dos, les yeux à demi-clos et je laissai mon esprit vagabonder...

Je me mis à penser à Grégory. Il me manquait tellement... Je repensai à notre soirée au bord du lac, notre baiser volé près de ma chambre. Ses yeux étincelants me hantaient. Pendant plusieurs semaines, j'avais tenté de me débarrasser de tous mes sentiments à son égard, mais à cet instant je décidai de les laisser me submerger...

Se pourrait-il qu'il accepte de me reprendre ou avait-il déjà tourné la page...?

*     *

Je dus m'endormir car je me réveillai après ce qui me sembla être quelques minutes plus tard.
À travers la fenêtre de ma chambre, je vis les étoiles qui brillaient de mille feux, mais la lune était invisible.

Je restai indécise un moment, ne sachant pas trop quoi faire. Je finis par décider d'aller du côté du lac. Je mis un manteau et sortis de ma chambre.

Il était trois heures du matin. Les couloirs étaient déserts et l'atmosphère était recouverte d'une fraîcheur irréelle. La vapeur qui se dégageait de ma bouche à chaque fois que je respirais en était la preuve.

A plusieurs reprises je fus tentée de faire demi-tour à cause du temps glacial qu'il faisait. Mais en me souvenant de la beauté du lac et de ses environs, je jugeai que cela en valait la peine.
En effet, c'était encore plus magnifique que dans mes souvenirs.

Le décor était le même: les arbustes, l'herbe verte resplendissante, l'eau qui scintillait bien qu'il n'y avait toujours aucune trace de la lune, mais aussi...Gregory! Oui c'était bien lui. Assis dans la même position que la dernière fois où nous étions dans ce lieu, les pieds et les bras croisés.

Je me figeai instantanément.

Il ne m'avait pas encore aperçu, ce qui signifiait que je pouvais encore faire demi-tour.

Je le pouvais oui...mais le voulais-je seulement?

Mes pieds choisirent pour moi. Telle une automate, je me mis à marcher, les yeux fixés sur lui, comme attirée par un aimant invisible.

Le bruit de mes pas le fit sursauter et il tourna brusquement la tête dans ma direction. Son visage trahit une grande surprise. Il semblait, tout comme moi, se demander s'il n'était pas en train de rêver.

Voyant que ce n'était pas le cas, il se leva precipitement: 

— Que... Que faites-vous ici?

Dans la douceur de la nuit, sa beauté et son charme me frappèrent avec plus d'intensité. Les quelques doutes qui subsistaient encore en moi s'effondrèrent comme un château de carte.

Il ne me restait plus qu'une chose à faire...

Je m'avançai vers lui d'un pas précipité et je l'embrassai.

Au nom du Père et du vice Où les histoires vivent. Découvrez maintenant