Son visage était un tableau de contradictions. S'il y avait bien un rictus dessiné sur ses lèvres, ses yeux au contraire ne semblaient exprimer rien d'autre que de la colère.
Sans que je ne l'eus invitée, elle se permit de rentrer dans ma chambre et referma la porte.
— Alors comme ça Madame se permet de me faire la morale alors qu'elle-même batifole avec le prince du séminaire?
— Écoute Cathy, ce n'est pas du tout ce que tu crois...
— Oh vraiment? Eclaire moi alors. Qu'est ce que vous faisiez devant ta porte il y a quelques instants? Et près du lac ?
— Tu nous as suivis? dis-je outrée. Tu n'avais pas le droit !
— Je n'ai fait que te rendre la monnaie de ta pièce!
— La monnaie de ma pièce? Mais qu'est ce que je t'ai fait ? Tout ce que je te voulais c'était te protéger!
— Me protéger? répéta-t-elle avec sarcasme. Tu me prends pour une gamine ou quoi ? Je peux très bien me défendre toute seule!Cela ne servait à rien de lui parler. Peu importe ce que je pouvais lui dire, elle ne m'écouterait jamais.
Pour l'heure, une seule chose m'intéressait.
— Écoute, je suis désolée d'avoir essayé de t'aider. Je ne recommencerai plus. Mais pour ce que tu as vu, s'il te plait... ne le dis à personne...
Cathy sourit à nouveau.
— Je ne divulguerai pas ton secret si tu ne divulgues pas le mien, dit-elle.
J'étais cernée. Je n'avais pas l'intention de révéler leur relation bien sûr, mais je n'avais pas non plus prévu que lorsque je me donnerais à Gregory, Cathy serait témoin.
— Entendu, repondis-je.
Elle afficha un air satisfait et se tourna vers la porte. Juste au moment de sortir, elle me jeta un dernier regard:
— Je crois qu'on va bien s'entendre à partir de maintenant.
Puis elle sortit, me laissant dans un état proche de l'apathie.
❖Dès le lendemain, d'autres ennuis, plus grave encore, vinrent troubler mon quotidien.
À mon entrée au réfectoire, j'eus à peine le temps de flirter visuellement avec Grégory et saluer Anne et Cathy (sourire en coin) que le Père Supérieur se rua soudain vers moi:
— Venez dans mon bureau, murmura-t-il. Tout de suite.
Si tôt dit, il s'éloigna, sans même me laisser le temps de répondre.
Je vis Grégory me jeter un regard inquiet, mais je le rassurai avec un sourire.
Arrivée devant le bureau du prêtre, je frappai tout doucement. Une voix rocailleuse me répondit presque aussitôt:
— Entrez.
Il était assis en face d'un bureau ovale en bois d'acajou, les mains croisés comme s'il était en train de prier.
Une odeur d'encre et de papier flottait dans l'atmosphère. C'était tout sauf désagréable.— Asseyez-vous, dit-il.
La pièce, plutôt spacieuse, semblait exiguë à cause des objets qui la garnissaient: tableaux représentant le Christ et la vierge marie, une armoire rempli de bouquins volumineux, plusieurs photos du Père Supérieur donnant des sermons et baptisant des enfants, et aussi ce qui semblait être un diplôme de théologie accroché au mur.
Il y avait encore d'autres choses, mais mon hôte prit la parole, volant ainsi toute mon attention.
— Vous semblez bien vous accoutumer à la vie dans ce séminaire.
Ce n'était pas une question et pourtant l'expression de son visage semblait indiquer qu'il attendait une réponse.
— Oui, finis-je par dire avec un sourire forcé. C'est encore mieux que ce que j'avais espéré.
— Ravi de l'entendre.
Il se redressa et me dévisagea sans rien dire. Les minutes passaient et il ne disait toujours rien. Je commençai à être franchement mal à l'aise.
Que me voulait-il à la fin?
— Connaissez-vous bien Grégory Arden ? me demanda-t-il brusquement.
Mon cœur rata un battement.
— Aussi bien que la plupart des gens de ce séminaire, dis-je essayant d'adopter un ton détaché.
Dans ma tête, des pensées s'entrechoquaient:
Est-il au courant pour Grégory et moi? Non... Impossible. Comment l'aurait-il su? Cathy! Elle aurait pu lui dire! Non, non, ça ne colle pas. Elle a promis qu'elle garderait mon secret si je faisais de même pour le sien. Elle n'aurait pas pu...
— Pas très bien alors, dit-il.
— C'est exact.
— Je vois... Vous rappelez-vous du jour où nous nous sommes rencontrés?
— Oui. C'était le jour où la Mère Supérieur m'avait envoyée pour...
— M'apporter de la nourriture, oui. C'est aussi le jour où vous avez fait la rencontre de Grégory si je ne m'abuse ?
Mon rythme cardiaque s'accéléra davantage.
— Oui, dis-je en déglutissant.
— N'avez vous rien remarqué de bizarre chez lui ce jour-là ?
— Chez Gregory ?
Le Prêtre opina du chef. Le souvenir de Grégory sortant du bureau du Père Supérieur me revint aussitôt en mémoire.
— Non je n'ai rien remarqué, répondis-je. Pourquoi ?
Le Prêtre ne répondit pas tout de suite. Il me jaugea du regard pendant quelques instants.
— On a pris quelque chose dans mon bureau ce jour-là.
Je déglutis à nouveau. Mais soudain une pensée traversa mon esprit.
— Comment pouvez-vous être sûr que... cette chose qu'on vous a prise a disparu ce jour-là précisément?
— Parce que c'est le seul jour depuis 25 ans où je suis sorti de mon bureau en oubliant de fermer la porte à clé, déclara le Prêtre. Et cette chose, comme vous le dites, s'y trouvait encore. Malheureusement ce n'est qu'hier soir que je me suis rendu compte qu'elle avait disparu. Sinon, croyez bien que je vous aurais questionné plus tôt.
Son ton n'était plus du tout amical. Je sentais qu'il fournissait un effort considérable pour ne pas hausser le ton.
— Je suis désolé mon Père, mais je...
— Gregory et vous êtes les seules personnes que j'ai trouvées devant mon bureau à mon retour. Et je n'etais pas parti depuis assez longtemps pour que quelqu'un d'autre ait pu y accéder. Je suis presque sûr que ce n'est pas vous, c'est pourquoi je vous interroge sur Grégory. Êtes-vous vraiment à cent pour cent sûre qu'il ne s'est rien passé d'autre ?
C'était l'instant de vérité.
Le livrer ou le défendre ?
Je n'eus pas à tergiverser trop longtemps, surtout lorsque je repensai à la main de mon interlocuteur sur les fesses de Cathy.
— J'en suis sûre mon Père. Il ne s'est rien passé d'autre.
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Au nom du Père et du vice
Mystery / Thriller« L'histoire que je suis sur le point de vous raconter concerne deux personnes, un jeune homme et une jeune femme, dont les vies ont été profondément bouleversées tant par leur rencontre que par leur passage dans un couvent... » Plongez dans un mond...