Chapitre XIII

104 35 36
                                    

— C'est quoi le problème ? Pourquoi tu m'évites?

C'était deux jours après mon entretien avec le prêtre. Gregory m'avait accostée dans un couloir et m'avait fait entrer de force dans une salle de classe qui heureusement à ce moment-là était vide.

— Je pensais qu'on avait dépassé tout ça, que tout était clair entre nous à présent...

Son regard était emprunt de tristesse quand il ajouta:

— Je t'aime...

La vérité était que j'avais décidé de l'ignorer pour ne pas éveiller davantage de soupçons chez le Père Supérieur. Cela me brisait le cœur mais je savais que c'etait pour notre bien à tous les deux.

De plus, avec Cathy qui était à présent au courant de notre relation, je me voyais mal lui donner une autre occasion de nous espionner et de venir me narguer par la suite.

Bien sûr j'avais pris cette décision sans avoir préalablement obtenu son consentement, car j'avais peur qu'il dise non.

— Écoute..., dis-je les yeux fixés sur le sol.

— Tu ne m'aimes plus c'est ça? Tu ne veux plus de moi?

— Bien sûr que non...

— Quoi alors ?

Il me prit le menton et me força à croiser son regard. Je baissai les yeux à nouveau.

Apparemment il comprit puisqu'il dit soudain:

— Est-ce que ç'a un rapport avec le Père Supérieur?

Je le regardai à nouveau et hochai la tête presque imperceptiblement.

— Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

Je soupirai.

— Il sait Gregory.

— Il sait quoi ?

— Il sait ce que tu as fait.

Silence.

— Je ne vois pas de quoi tu...

— Arrête s'il te plait. Ne me mens pas.

Il s'écarta de moi et se passa la main dans les cheveux.

— Qu'est ce que tu lui as pris exactement ?

Une ombre passa sur son visage.

— Je ne peux pas te le dire, dit-il.

— Pourquoi?

— Ce serait trop dangereux pour toi de le savoir.

— Trop dangereux ? répétai-je. Plus dangereux que le fait que tu te fasses coincer? Écoute, il sait que c'est toi. Il m'a posé des questions sur toi, m'a demandé si je ne t'avais pas trouvé bizarre ce jour-là. Il avait l'air furieux.

Gregory éclata d'un rire froid.

— Ça ne m'étonne pas. Si je comprends bien, il ne t'a pas parlé de... la chose en question?

— Non.

— Je vois. Quand j'y pense c'est plutôt logique. Cela pourrait lui porter préjudice.

J'étais de plus en plus confuse.

— Écoute, dit-il, il y a des choses que je ne peux pas te dire pour le moment. Je ne sais même pas si je pourrai te les dire un jour. Juste... fais moi confiance, okay?

Je voulais en savoir plus bien sûr, mais je l'aimais trop pour douter de lui. S'il avait volé quelque chose au prêtre, il y avait sûrement une bonne raison à cela.

— D'accord, répondis-je.

Après nous être embrassés, nous nous séparâmes, chacun allant vaquer à ses occupations.

Gregory avait un cours de théologie et moi je devais rejoindre Anne et Cathy pour vider les latrines.

Cependant, à mon retour au réfectoire, une surprise de taille m'attendait.

Si Cathy et Anne étaient bien présentes, elles n'étaient pas toutes seules. À leurs côtés se trouvaient le Père et la Mère Supérieure et toute une horde de soeurs du couvent de Saint-Vincent.

— Que se passe-t-il? demandai-je d'une voix inquiète, alors que leurs regards étaient tous braqués sur moi.

La Mère Supérieure qui d'habitude me regardait avec amour et fierté, me dévisageait à ce moment-là avec colère et déception. Ce fut elle qui prit la parole.

— Comment as-tu pu faire ça, ma fille?  Je t'ai envoyée dans ce séminaire en formation et toi tu te permets de voler ton Père?

— Mais... Mais Mère, je n'ai rien volé, je vous le jure!

Ce qui se passa ensuite me prit tellement de cours que jusqu'à présent je me demande si je ne l'ai pas imaginé.

Pour cause... la Mère Supérieure m'administra un soufflet, tellement violent que je vacillai et me retrouvai à même le sol.

— Je vois que tu as même cessé ton apprentissage des Saintes Écritures, dit-elle avec colère. Ne sais-tu pas que jurer est un péché?

Je relevai la tête vers elle, choquée. Je n'arrivai pas y croire... La Mère Supérieure, cette femme que j'admirais, cette femme qui m'avait toujours traitée avec gentillesse...

Je touchai ma joue endolorie.

— Mère... répétai-je ne pouvant plus retenir mes larmes, je vous en prie... Je n'ai rien fait... Mon Père, dites-lui... Je suis innocente...

— Vraiment ? répliqua le prêtre. Comme lorsque vous m'avez dit que vous ne connaissiez pas vraiment Gregory?

— Je...je ne comprends p...

— Cessez votre comédie, me coupa le prêtre. Nous avons un témoin.

Automatiquement mes yeux se tournèrent vers Cathy. Elle secoua la tête tout doucement comme pour me dire qu'elle n'avait rien à y voir...

Mais si ce n'était pas elle, qui...? 

— Un témoin? répétai-je.

— Avancez ma fille, dit le prêtre en s'adressant à une personne qui se trouvait derrière lui.

Le choc me laissa sans voix.

C'était Anne. 

Au nom du Père et du vice Où les histoires vivent. Découvrez maintenant