Chapitre XIX

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Le silence dans le confessionnal était total.

Pas un bruit, pas un son. On aurait dit que le temps s'était tout simplement arrêté.

Le prêtre attendait, le cœur battant la chamade. Pour la première fois depuis qu'il officiait dans cette église, il se retrouvait à court de mots.

— C'est ici que mon histoire s'achève, mon Père. Je crois que maintenant je peux vous dire mon nom.

Elle marqua une pause, durant laquelle elle sortit sans bruit un objet de son sac qu'elle déposa ensuite sur ses genoux.

— Je m'appelle Marie Ivaldi, dit-elle calmement. Mais bien sûr, vous le saviez déjà... N'est-ce pas?

Le prêtre, dont le visage était pale comme la mort, se tourna lentement vers elle. Ce qu'il vit le fit frémir davantage. À travers les trous du portillon, la femme braquait une arme sur lui.

— J'ai eu beaucoup de mal à vous retrouver, Père Supérieur...

— Marie, je vous en...

Le prêtre n'eut pas le temps de finir sa phrase. Il y eut une détonation sourde et l'homme d'église s'effondra sur le sol.

Marie Ivaldi baissa lentement la main, son beau visage défigurée par une haine intense.

Cinq ans... cinq ans qu'elle avait attendu ce moment.

Et dire qu'il y a quelques temps, elle n'y croyait plus. Elle s'était résolu à ne jamais être en mesure d'assouvir sa vengeance.

Mais, par un heureux hasard, elle l'avait retrouvé.

Grâce à une invitation à un mariage... Un mariage! Si on lui avait dit que c'était dans ce genre de circonstances qu'elle débusquerait l'homme qui était responsable de la mort de l'amour de sa vie, elle ne l'aurait jamais cru.

Grande avait été sa surprise quand en rentrant dans cette église, elle l'avait vu, debout sur l'autel, accueillant les mariés avec un regard serein.

Elle avait du faire montre d'une grande maitrise de soi pour ne pas se jeter sur lui et l'étrangler. Ce fut encore pire lorsqu'il ouvrit la bouche. Elle le haïssait jusqu'à la moelle.

Durant toute la cérémonie, son regard ne le quittait pas. Chacun de ses faits et gestes était une insulte à la mémoire de l'homme qu'elle avait aimé, chaque bouffée d'air qu'il inspirait était une abomination.

Comment pouvait-il continuer à vivre aussi impunément après avoir détruit autant de vies?

La cérémonie terminée, Marie était rentrée directement chez elle, le regard luisant d'une lueur nouvelle. Elle était censée aller au cocktail en l'honneur des mariés, mais elle n'en était plus capable. En plus, il fallait qu'elle se fasse discrète.

C'est pourquoi elle avait décidé de ne pas agir aussitôt.

Un mois plus tard, après avoir épié le prêtre et s'être renseignée sur tout ce qui le concernait, elle était enfin passée à l'action.

Le Mercredi, le Vendredi et le Samedi étant les jours où il recevait les confessions, elle se devait d'agir durant ces jours-là.

Elle avait finalement opté pour le Mercredi car c'était le jour le moins fréquenté.

À son arrivée, elle avait encore attendu une trentaine de minutes, non seulement pour vérifier qu'il n'y avait personne d'autres mais aussi pour s'assurer de ce qu'elle allait lui dire.

Elle pensa d'abord à le tuer aussitôt, mais finalement elle chassa cette idée, la jugeant trop simple.

Non, il fallait qu'il sache pourquoi. Elle savait que durant une confession le prêtre était obligé d'écouter jusqu'à la fin, peu importe que celui lui plût ou non.

Elle avait donc choisi de lui raconter toute son histoire. Bien sûr, elle avait dû changer les noms des différents lieux et personnages pour ne pas éveiller ses soupçons. 

Marie Ivaldi rangea l'arme dans son sac après avoir effacé ses empreintes et se promit de s'en débarrasser un peu plus tard dans la journée. 

Quand elle sortit de l'église, le temps était morose, mais elle se sentait étrangement heureuse.

Une heure était passée et il était temps d'aller chercher la personne la plus importante de sa vie.

À exactement dix-sept heures trente, une fillette aux longs cheveux noirs onduleux, sortit du grand portail de l'école et se précipita dans les bras de sa mère.

— Tu m'as manqué, maman!

— Toi aussi mon ange, dit Marie en totale adoration devant sa petite fille.

— Tu es venue sans ta voiture aujourd'hui?

— Oui. Ca ne te dérange pas?

— Non. Tant que je suis avec toi.

Marie sourit tendrement. Un mois après avoir quitté le couvent, elle avait été très surprise d'apprendre qu'elle était enceinte. Pendant un moment elle avait pensé à avorter, mais aujourd'hui elle savait qu'elle pris la bonne décision.

— Je t'aime Victoria, dit-elle.

Elle lui avait donné ce prénom en mémoire de Victor Jaubert, son papa.

— Je t'aime aussi, maman.

Sur ce, la mère et sa fille s'en allèrent, main dans la main.

Le lendemain, très tôt dans la journée, le corps du Père François Schubert serait découvert sans vie dans le confessionnal.

Une enquête serait ouverte, mais le coupable ne serait jamais arrêté.

FIN

Au nom du Père et du vice Où les histoires vivent. Découvrez maintenant