Au nom du Père et du vice

Chapitre I

* Pour vous aider à vous mettre dans l'ambiance, je vous invite à écouter ce magnifique soundtrack tiré du film "Régression" avec Ethan Hawke et Emma Watson. Un film que j'ai adoré et que je vous recommande! ;)

Elle se tenait debout devant l'entrée de l'église, une énorme bâtisse percée par des fenêtres en ogive et coiffée d'une croix gigantesque.

Combien de temps s'était écoulé depuis la dernière fois qu'elle s'était rendue dans une église?

Nul n'aurait su le dire.

Elle ouvrit la lourde porte principale qui se referma avec un grand bruit.

La salle était silencieuse. Personne en vue.

Tant mieux, pensa-t-elle. 

Elle poursuivit son chemin, ses pas résonnant dans la grande salle d'un air sinistre. En face d'elle, derrière l'autel et le pupitre, exposée à la vue de tous, la triste mais célèbre image du Christ crucifié sur une croix en bois.

Elle s'arrêta un moment pour la contempler. Elle avait la désagréable impression d'être passée aux rayons X, comme si cette figurine lui parlait, la suppliant de faire marche arrière, que les choses pouvaient finir autrement...

— Il est trop tard, murmura-t-elle les yeux fixés sur ce crucifix géant. Tu ne peux plus rien pour moi.

Elle se détourna de l'image et se dirigea vers le confessionnal, sa longue robe noire voltigeant à chacune de ses avancées.

Elle ouvrit la petite porte, entra dans la pièce étroite et s'assit. Elle posa le sac noir en cuir accroché à sa main sur ses genoux. Puis elle attendit. En silence.

Quelques secondes plus tard, la porte à proximité de la sienne s'ouvrit et se referma. Un bruit sourd lui indiqua que la personne qui était entrée venait de s'asseoir. Vint ensuite le son du portillon qui fut légèrement tiré.

— Pardonnez-moi mon Père, car j'ai péché...

— Qu'avez-vous fait, ma fille? dit une voix rocailleuse, derrière le grillage qui les séparait.

— J'ai commis beaucoup de péchés, mon Père. Vraiment beaucoup...Et le plus terrible c'est que je suis loin d'avoir terminé...

— C'est terrible en effet, répondit le prêtre. Mais notre Seigneur a promis que si nous confessons nos péchés, il sera fidèle et juste pour nous pardonner, et ainsi nous laver de toutes iniquités. Soyez en paix. Personne ne vous jugera ici. 

La femme se redressa sur sa chaise et posa ses deux mains sur son sac qu'elle serra légèrement.

—Je ne sais pas vraiment par où commencer...

—Ne vous inquiétez pas, la rassura le prêtre. J'ai tout mon temps. Quel est votre nom?

— Pourquoi ? répondit la femme d'une voix glaciale.

Le prêtre, réalisant son erreur, se confondit en excuses. 

— C'est par simple politesse que je vous l'ai demandé. Ne croyez pas que je veuille empiéter sur votre vie privée. Si vous désirez garder l'anonymat, bien entendu je le respecterai.

Un long silence s'abattit dans le confessionnal. Tellement long, que le prêtre se demanda si la femme n'allait pas se lever et partir. Au moment où il s'apprêtait à lui présenter à nouveau ses excuses, la femme sortit de son mutisme.

— Pardonnez moi mon Père, dit-elle d'une petite voix. Ce que j'ai à vous dire me bouleverse tant que j'ai du mal à contrôler mes émotions. Je vous donnerai mon nom, mais uniquement quand j'aurai fini.

— Comme vous voudrez mon enfant, répondit le prêtre, rassuré.

— L'histoire que je suis sur le point de vous raconter concerne deux personnes, un jeune homme et une jeune femme, dont les vies ont été profondément bouleversées tant par leur rencontre que par leur passage dans un couvent...

— Un couvent?

— C'est exact, répondit la femme d'une voix ferme. Appelons ce couvent Saint-Vincent. Par ailleurs, je pense qu'à ce stade, vous avez déjà dû comprendre que je suis la jeune femme de l'histoire?

— J'avais cru le comprendre, en effet.

—Bien. Cela s'est passé il y a plusieurs années déjà... Êtes-vous prêt à entendre mon histoire? Mon Père? ajouta-t-elle d'une voix dans laquelle le prêtre crut discerner de l'ironie.

— C'est pour cela que je suis ici, dit l'homme d'église qui sans le vouloir commençait à être un peu intrigué. Pour vous écouter. Je vous en prie, parlez sans crainte.

La femme passa une main dans ses cheveux châtains, prit une profonde inspiration comme pour se donner du courage, et entama son récit.