Ce n'est plus moi

Chapitre 3

Je suis arrivée à la pizzeria. Je m'assois en attendant Jane, quand je vois son bus arriver. Elle vient vers moi, on se salue en se faisant la bise.
- Bon, alors, commence-t-elle. On rentre ? J'ai la dalle !
Juste avant de répondre, on entend nos ventres gargouiller en même temps. On éclate de rire. Je lance :
- C'est ce que j'appelle être synchro !
- J'avoue. Bon on y va ou quoi ?
On rentre. On dit que l'on souhaite commander à importer. Le serveur, nous demande quelles pizzas nous voulons. Jane répond 4 fromages, et pour moi ça sera comme d'habitude: une reigna (champignons, fromage, jambons et tomate). Lorsqu'elles arrivent, le serveur nous les tend, on paye l'addition et on sort s'asseoir un peu plus loin dans un endroit calme. J'ai toujours adoré les pizzas. C'est de loin mon plat préfèré. D'ailleurs, c'est toujours celle-ci que je prends lorsque je vais à la pizzeria avec mes parents. Aujourd'hui, c'est la première fois que j'en commande avec Jane. D'ailleurs,  elle n'oublie pas de me le rappeler :
- Putain c'est trop bon, limite il faudrait qu'on fasse ça tous les jours !
- Tu crois pas qu'on grossirait à force ? Dis-je après avoir mâché et avalé une bouchée. 
- Au pire moi ça me gênerait pas.
Tout d'un coup je me suis sentie mal. Je repense à tous ces comptes d'anorexiques. Je repense à leur assiettes maigres voir vides. Je me dis que peut-être je ne devrais pas...
- Audrey ? Ça va ? M'interrompt mon amie dans mes pensées.
- Ah euh, oui, tu disais quoi ?
- Je disais que prendre du poids ne serait pas un inconvénient pour moi !
C'est vrai qu'elle est vraiment petite et toute maigre. Mais ce n'est pas pour autant qu'elle ne bouffe rien. Chez elle, elle s'empiffre de gâteaux et de soda, et elle ne mange quasiment rien d'autre. Comme à la cantine, elle jette la moitié, contrairement à moi qui prends toujours tout ce qu'il y a sur le menu. Parfois je me sens un peu comme une gloutonne à côté d'elle.
- Oui c'est vrai, mais pour moi...
Ça m'a échappé. Je n'ai aucune idée du pourquoi du comment j'ai sorti ça...
- Comment ça ? Me demande-t-elle.
- Bah je sais pas. Laisse tomber, dis-je avec un ton glacial.
- Oh c'est bon... fais gaffe, t'as du fromage qui tombe !
Puis on éclaté de rire encore une fois. Ça a détendu l'atmosphère.

Le soir, après être rentrée à la maison, je m'installe, plutôt épuisée de cette après-midi et je commence à checker les réseaux sociaux (ce qui est habituel quand je rentre chez moi après avoir passé plusieurs heures en dehors). Je vois que j'ai reçu un message d'@anabutterfly. Et elle me dit qu'elle pense réellement ce qu'elle dit, et qu'elle peut compter sur moi si j'ai besoin d'aide. Pourquoi j'aurais besoin d'aide ? Je sais que mes citations ne sont pas tout à fait joyeuses, mais je n'ai aucun soucis ! Je lui réponds que je vais bien et je la remercie. Après avoir répondu, je cherche une image sur un Internet et je poste une nouvelle citation sur mon compte.

Je cours. Je cours jusqu'à en perdre haleine. Je cours pour échapper à quelque chose, ou quelqu'un. Je me retourne, je vois une ombre. Je trébuche, puis... le noir.

Je me réveille en sursaut. Je regarde l'heure. 8h. J'ai dormi un peu plus que d'habitude. Je décide de me lever et d'aller déjeuner. Je prends mes habituelles 4 ou 5 tranches de pain de mie et mon grand bol de lait. J'engloutis tout et je repars dans ma chambre m'allonger sur mon lit. Quand ma mère crie depuis en bas :
- Audrey, Selly, avec votre père on a un rendez-vous ! On part, on ne sera pas là avant 11h.
Selly, c'est ma soeur. Je n'aime pas trop me retrouver seule chez moi avec elle, parce qu'on finit toujours par se disputer, et parfois se taper. Nous répondons en coeur :
- D'accord.
La porte refermée, je descends en bas, vais dans la chambre de mes parents et je sors la balance. Je repense à ce tableau que j'ai vu sur le compte d'@anabutterfly, et à tous ces posts de femmes au corps extrêmement fin. Une voix dans ma tête me dit que c'est n'importe quoi, et l'autre voix me dit de le faire. J'avoue que mon geste est inhabituel, mais je sais pas pourquoi, quelque chose m'y force. Je me souviens, la dernière fois que ma mère a voulu nous peser, ma soeur et moi, remonte à 3 semaines. J'avais pris 1kg en 1 mois. Je monte sur la balance.
- QUOI? 55kg? J'ai encore pris 1 kg ?
Je reste bouche-bée.