Ce n'est plus moi

Chapitre 10

Je commence à rougir, et je ne sais pas quoi répondre. J'avoue que je ne m'attendais pas à une remarque de cette sorte. 
- Euuuh, je commence. Bah quoi ?
C'est plutôt pitoyable comme réponse, mais rien ne m'est venu à l'esprit.
- Sérieusement, Audrey... reprend Jane.
Je reste interdite. Léa observe, mais ne dit rien. Elle ne mange quasiment jamais avec nous au self, donc elle n'a pas vraiment pu remarquer quoi que ce soit. 
- Bah c'est bon, j'ai pas envie d'un humbergers, c'est si grave que ça ?
- Mais d'habitude tu adores ça !
- Roooh, mais c'est bon, j'ai pas envie, maintenant laisse-moi. Est-ce que moi je te fais des remarques sur ce que tu bouffes ? Non, alors arrête. 
Puis je m'assois. Jane me regarde de travers, et je crois qu'elle décide de se taire. Léa change de sujet, et nous demande comment bien d'argent nous avons pris. Nous répondons, puis je commence à manger ma salade. Sans sauce. C'est assez fade, alors j'ouvre le sachet et j'en verse la moitié, et je mélange. Finalement, c'est pas si terrible. Juste que la salade a le goût de carton, mais sinon le reste est plutôt bon. Je vois Jane et Léa manger leurs frites et leurs humbergers. Ca me donne envie, mais je ne dis rien. Finalement, j'aurais peut-être dû prendre un menu comme elles ?... NON ! Je dois respecter mon objectif, et des écarts comme ça sont interdits. J'en ai déjà suffisamment à la maison avec mes parents. Je baisse la tête, et je ne dis rien. Elles parlent entre elles, et moi je ne participe pas à la conversation. Je réponds simplement à certaines questions, mais sans plus. Lorsque que nous avons fini... enfin si on peut appeler cela fini, Jane a laissé la moitié de ses frites et Léa n'a quasiment pas mangé sa glace,  et avec ça c'est moi qui ne mange rien... je dois le prendre comment ? Bref. Nous allons jeter nos restes, et nous partons faire du shopping.

Le soir, je rentre, épuisée. Nous avons pas mal marcher, ça fait du bien et en même temps ça élimine encore plus. Après la mini dispute de ce midi, nous avons pas reparlé de ça, avec Jane. J'espère qu'elle oubliera, ou que ça lui passera... Pour penser à autre chose, je décide d'aller passer un peu de temps sur Instagram. D'ailleurs, je n'ai toujours pas de nouvelles d'Ashley depuis à peu près 1 semaine. Nos discussions me manquent. J'espère qu'elle va bien et qu'elle se plait mieux à l'hôpital. Je n'ai absolument aucune idée de comment cela se passe, dans ce genre d'endroit. Je sais que la plupart du temps, les personnes en dénutrition ont une sonde, mais le reste ? J'essaierai de penser à demander à Ashley lorsqu'elle est sortira.

Je commence à craquer. J'ai tellement envie de manger, de m'empiffrer. Mais je ne peux pas me le permettre, je ne dois pas. C'est étrange, parce que je mange de presque tout, 3 fois par jour. J'ai du mal à imaginer toutes ces filles qui ne mangent que des pommes chaque jour, je me demande comment elles font ! C'est super dangereux, et avec leurs parents à côté en plus. Moi, je suis évidemment forcée de manger les gâteaux ou les plats que ma mère prépare, mais je m'arrange pour prendre de petites portions.  Le plus dur, ça a été de supprimer le goûter. Il m'arrive de temps en temps d'en prendre, quand je suis fatiguée pour faire du sport, mais cela reste très sain et automatiquement éliminé après. J'ai un peu de mal au self, également, à cause de certains regards. Je n'ai pas honte de manger, mais j'ai l'impression que certaines personnes me jugent sur le contenu de mon assiette. Avant, j'avais l'impression de manger énormément par rapport à tout le monde (mais ça ne me dérangeait pas plus que ça...), mais maintenant j'ai l'impression qu'ils pensent que je ne suis pas normale à manger que des légumes. Mais enfin, ce n'est pas vraiment important, parce que tant que je perds du poids, ça me va. Bref, trêve de bavarderie,  comme il est jeudi et que j'ai entendu mes parents partirent, je descends en bas et je sors la balance. J'ai un peu peur, mais je me suis habituée. Je monte sur la balance, et là... 54kg ! +500g, comme est-ce possible ? Je crois que je vais m'effondrer.